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Théocratie populiste L’alternance, une transition démocratique?


Mardi 12 Août 2014

Théocratie populiste L’alternance, une transition démocratique?
Amnesty International et la Fédération internationale des droits de l’Homme signalèrent toutes deux une importante régression en matière de respect des droits humains. 
Ali Lamrabet, Mohamed Rachid Chrii, ainsi que les assassins de mar. Benjelloun furent graciés en janvier 2004. Mais notons que le principal accusé de R. Chrii, Aїt El Aadraoui, fut condamné à 10 ans de prison ferme le 25 mai 2005.  
3. Droits de l'Homme et citoyenneté 
Être né au Royaume du Maroc, ce n’est pas être né sur un territoire déterminé mais dans une institution déterminée qui minimise la signification du sol : le déterminant majeur est l’islam dans son interprétation malékite; ensuite il y a l’aménagement particulier du pouvoir dynastique dans son articulation Makhzen-monarchie. 
Pour être Marocain, il faut être musulman ou juif ou chrétien; on accepte la pertinence du territoire pour ces trois religions seulement, comme le veut le Coran lui-même. Il s’ensuit une définition religieuse de la nation:  le territoire n’a aucune autonomie, il est par l’islam et ce territoire, au lieu qu’il soit un espace de liberté pour tous, est soumis à des déterminants dont le non-respect implique des sanctions graves, y compris la mort, théoriquement du moins, pour l’apostasie par exemple. 
En fait, une citoyenneté vaut ce que valent les droits qu’elle confère, et au fur et à mesure que l’on tient compte de l’opinion des citoyens, on s’éloigne du concept de souveraineté de conquête. Il y a une différence majeure entre les pays dans lesquels les composantes de l’identité nationale ne peuvent être des opinions ou des valeurs religieuses, et les pays où ces composantes sont des valeurs auxquelles on doit adhérer ou s’y soumettre. 
En Occident, la citoyenneté est définie par rapport au territoire, au sol ou à l’ascendance; dans les pays musulmans, la nationalité se définit par les parents, le sol et surtout par des opinions spécifiques. La liberté selon le territoire conduit à l'épanouissement de tous. La citoyenneté au Maroc est aussi gangrenée par la corruption : la plupart des droits sont monnayables; il y a une inégalité de fait entre citoyens selon leur budget-corruption; enfin, il y a une absence remarquable chez la plupart du sens du droit. 
En outre, l’expérience historique des Marocains marquée par les méfaits de l’anarchie et de la guerre civile leur fait considérer l’existence de l’Etat comme le bien suprême. Peu importe le droit, pourvu que l’ordre prévale; ce n’est pas le choix entre le bon et le moins bon, c’est entre le mauvais et le pire ; mieux vaut un Makhzen injuste que l’anarchie, dit-on (allahuma makhzan dalam ula kulshi sayab). Dès que le citoyen assure son minimum vital, il a peur de tout changement ; il rend grâce au Ciel comme s’il venait d’échapper à une catastrophe et envisage sa survie comme le bien absolu. 
Pour le Makhzen, l’idéologie décide de tout et votre statut et votre situation dépendent de ce que vous pensez. Vous pouvez être compétent dans votre domaine, être un exemple de responsabilité professionnelle, si vous n’avez pas les opinions qu’il faut, vous serez humilié, marginalisé et personne ne vous écoutera. Inversement, votre médiocrité ne vous nuira nullement si vos opinions politiques sont jugées convenables. 
Au Maroc, la citoyenneté commence avec l’obéissance et se termine en raison de l’esprit critique; cette relation entre citoyenneté et clientélisme est fermement établie. Ici, clientélisme est pris dans son sens étymologique : les clients sont ceux qui doivent obéir. Les droits sont presque garantis par la soumission et s’effacent lorsqu’on dénonce l’injustice. L’altérité qui frappe le citoyen n’est pas favorable à l’identité nationale. 
Tout système ou parti politique qui envisage au nom de prétendues valeurs qu’elles soient religieuses ou nationalistes de punir les citoyens pour leurs opinions ou leurs idées est à condamner sans hésitation. Du temps de Hassan II, la citoyenneté marocaine était inséparable d’un strict conformisme aux valeurs du régime. Ceux qui les contestaient étaient considérés comme non-Marocains, en particulier par les agents de la police politique qui traquaient les opposants. Vouloir réformer les institutions, c’était déjà se mettre en quelque sorte en dehors de la citoyenneté. 
Le primat de l’idéologique doit être abandonné. Aujourd’hui, on ne peut dénier aux islamistes leurs droits politiques; le faire serait affaiblir la citoyenneté; s’en abstenir, c’est la renforcer. Les «démocrates» qui ferment les yeux sur les abus dont sont victimes certains islamistes suspectés de violer la loi ne font nullement avancer la cause de la démocratie et s’aliènent le ralliement de nombreux islamistes qui pourraient mettre un bémol à leur zèle religieux dans un Etat de droit réel…
Il ne faut donc pas non plus, parce que l’on pense que le meilleur régime est le régime iranien ou soudanais, être exclu de toute participation politique; ni pour penser que le communisme est la clé de tout succès. Ceux qui veulent conditionner la citoyenneté à la couleur politique et qui excluent les marxistes, les islamistes ou les démocrates de leurs droits politiques causent un tort immense au Maroc. Il ne faut pas parce que les islamistes traitent les sécularistes de non-Marocains en user de même avec ceux qui caractérisent la nationalité par la foi; déclarer al-din lilah, wal watan lil jamiî qui peut se traduire ainsi : les croyances sont affaire de conscience personnelle, les droits sont pour tous. 
Quand verra-t-on des islamistes protester pour la liberté des détenus d’opinion? Peuvent-ils faire leur autocritique des crimes et agressions contre les socialistes et les démocrates ? Peuvent-ils voir les gens selon un autre mécanisme de perception que croyant/mécréant ? Le problème de l’intégration nationale au Maroc réside dans une attitude d’exclusion qui est loin d’être rare; de l’exclusion du droit (à quel recours peut prétendre un citoyen lésé s’il est pauvre ou politiquement indésirable ?) à la marginalisation sociale, du régionalisme au tribalisme, le rejet d’autrui fragilise la citoyenneté. 
C’est une invitation à tous les Marocains qui peuvent en avoir les moyens de quitter le pays ou d’agir en extraterritorialité, comme ce fut le cas à la veille de la colonisation avec la recherche de protection consulaire. Homosexuels, prostitués des deux sexes, prisonniers politiques et de droit commun, illettrés, femmes de ménage, athées, tous ont des droits et méritent d’être entendus. 
De même, chaque citoyen marocain s’imagine vivre seul au Maroc : lorsqu’il transgresse la loi, il est offusqué qu’un autre citoyen le lui reproche et lui rétorque que ce n’est pas son affaire; il ne lui vient absolument pas à l’esprit qu’en violant la loi, il prive quelqu’un de son droit. Le sport national des Marocains est de se frustrer mutuellement de leurs droits. Mais vu ce qui caractérisa les trois décennies 1960- 1990, on peut dire que la problématique des droits de l’Homme devra marquer fondamentalement les Marocains pour une longue période.

(A suivre)


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