La télévision, un enjeu de pouvoir
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Une figure en vue du PJD, M. Bouano, menace et en appelle à la rue pour trancher le débat suscité par des cahiers des charges qui posent les premiers jalons d’un modèle de société en contradiction avec les valeurs et les principes portés par la Constitution. «Nous sommes prêts à descendre dans la rue, à organiser des marches et tout ce qu’ils veulent», a-t-il déclaré à un quotidien de la place. «Ce n’est plus un cahier des charges. C’est véritablement une croisade qui est menée. Que le parti majoritaire dont le leader conduit le gouvernement veuille utiliser la rue comme moyen de pression est aussi grave que dangereux. Tout cela rappelle le plan d’action en faveur des femmes que le PJD avait âprement combattu pour renier les Marocaines dans leurs droits de citoyennes. Ils avaient là encore tenté de mobiliser la rue pour dresser les citoyens de ce pays les uns contre les autres. La suite, on la connaît. Aujourd’hui, le PJD a oublié un seul détail : il est au pouvoir et non pas à l’opposition», rappelle ce militant dont le cœur bat à gauche.
Alors que les réactions aux cahiers des charges de véritables grilles des programmes qui remettent en cause les principes d’ouverture, de pluralisme et de diversité qui sont la marque de fabrique du Maroc- foisonnent un peu partout, «Attajdid», le journal porte-parole des islamistes du gouvernement, mobilise sa rédaction pour la riposte. «Campagne orchestrée contre El Khalfi», «les ennemis de l’identité et de la légitimité constitutionnelle», «qui refuse l’arabe et les appels à la prière dans les médias publics?», «le lobby francophone»…. Bref, en lieu et place d’une contribution au débat, arguments contre arguments, le bras médiatique du PJD accuse, charge, calomnie. «En nous accusant d’être francophones ou laïcs ne règle pas le problème qui se pose aujourd’hui à la télévision», déclarait Samira Sitaïl dans une longue interview parue vendredi 20 avril sur les colonnes d’Al Ahdath Al Maghribya» et dans laquelle la directrice générale adjointe de 2M s’inquiète de «la mort programmée de 2M».
Les cahiers des charges de la SNRT et 2M, élaborés par le ministre de la Communication ont eu moins le mérite de confirmer que les islamistes du PJD ne sont pas des adeptes du débat démocratique.
La chasse aux sorcières va-t-elle commencer ?
«Si tu n’es pas d’accord avec moi, cela ne signifie qu’une seule chose : tu es contre moi. Cela a toujours été la devise du PJD. Il y a un glissement qui s’opère à présent. Cette devise risque de devenir un mode de gouvernance. Après le sectarisme et l’exclusion, place sera faite à la chasse aux sorcières», s’inquiète une défenseure des droits des femmes.
L’entreprise est pour l’heure drapée de politique et de réformes. Après avoir agi seul et sans concertation pour capitaliser sur le front électoral, le PJD appelle aujourd’hui à la rescousse ses partenaires de la coalition sur le mode de «qui a peur des réformes?». La question est fédératrice parce qu’elle gargarise les troupes. Benkirane demande désormais à ses alliés de serrer les coudes pour contrer « les poches de résistance» et «les ennemis de la démocratie». La volte-face du PPS ne devrait pas surprendre : les anciens communistes y trouvent argument pour justifier leur adhésion à un gouvernement conservateur. Jeudi sur Atlantic radio, le ministre PPS de la Culture, Amine Sbihi, volait au secours de son collègue de la Communication en affirmant haut et fort que «les cahiers des charges ne remettaient pas en cause l’option démocratique du pays». «Je ne comprends pas un tel débat», a-t-il même lâché.
«Le procédé est facile. On sort le gros argument du complot et des résistances à l’action gouvernementale pour faire passer à la trappe la question essentielle suscitée par les cahiers des charges de M. El Khalfi, celle de l’indépendance des médias publics à l’égard du politique. C’est ce débat que le PJD ne veut pas engager parce qu’il y a volonté manifeste de contrôler les télévisions publiques et de les formater en y bannissant par exemple l’ouverture, la diversité, le divertissement, bref tout ce qui peut incarner la modernité», fait valoir cet homme de médias.
A l’évidence, les islamistes du gouvernement ont –depuis le début fait de la télévision un enjeu de pouvoir. «Ils ont bien compris qu’ils bénéficiaient du délai de grâce qu’offrent leur 100 jours au gouvernement pour prendre les télévisions publiques où leur image se joue et marquer leur territoire. La priorité des priorités du ministre de la Communication a été dès lors l’élaboration dans l’urgence de nouveaux cahiers des charges de la SNRT et de 2M. Soyons sérieux, ces cahiers des charges ne sont pas une simple affaire technique et encore moins gouvernementale. Le PJD essaie de faire les télévisions et les radios dont il a toujours rêvé, c'est-à-dire conforme au modèle de société qu’il défend même si tout cela est drapé d’une fausse constitutionnalité,» conclut ce député de l’Union socialiste des forces populaires.