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Comme Mircea, des dizaines de milliers de spectateurs sont attendus au stade national, où le Dinamo, ancien club du ministère de l'Intérieur, recevra son éternel rival issu de l'Armée, pour ce clasico. "C'est impossible de dire combien j'en ai vu", sourit l'octogénaire, fan historique du Dinamo.
Si les grandes heures des deux clubs sont passées, ils gardent intacte leur ultime raison d'être: l'affrontement qui les oppose au moins deux fois par an.
"Les supporteurs le disent encore +peu importe le classement, ce qui compte vraiment, c'est de battre le Steaua - ou le Dinamo - et la saison est sauvée+", affirme à l'AFP Helmuth Duckadam, l'ancien portier du Steaua, entré dans la légende pour avoir arrêté quatre tirs au but consécutifs contre le FC Barcelone en finale de la Coupe d'Europe des clubs champions à Séville en 1986, victoire à la clé (0-0, 2 t.a.b. à 0).
La rivalité entre les deux clubs de Bucarest a été inscrite dans leur ADN dès leur naissance à la fin des années 1940: leurs affrontements étaient destinés à épicer le championnat roumain de football, l'un des rares divertissements tolérés par le pouvoir communiste.
Ils devinrent l'incarnation d'un bras de fer à peine voilé entre les deux composantes les plus puissantes du régime, l'Armée et l'Intérieur.
"Il y a toujours eu cette rivalité d'orgueil, entretenue et développée à mesure que les deux ministères eurent de plus en plus de pouvoir", souligne Ovidiu Ioanitoaia, directeur du quotidien Gazeta Sporturilor.
L'affrontement culmina dans les années 1980, quand le fils aîné du dictateur Nicolae Ceausescu, Valentin, devint le parrain officieux du Steaua. En face, le supporteur N.1 du Dinamo était Tudor Postelnicu, le patron de la redoutable police politique, la Securitate.
"Lors de la finale de la Coupe de Roumanie de 1988, après un but refusé au Steaua pour hors-jeu, Valentin Ceausescu a ordonné à l'équipe de sortir du terrain", rappelle M. Ioanitoaia. Quelques jours après, la Fédération attribuait le trophée au club.
Les rancunes sont tenaces: quand le Steaua proposa de rendre la fameuse coupe à son rival après la chute de la dictature communiste en 1989, le Dinamo la refusa.
Aujourd'hui encore, les ultras du Dinamo célèbrent chaque année le 10 mai 1997, date à laquelle ils mirent le feu à la tribune visiteurs du Steaua lors d'un derby, la détruisant totalement.
Et les rares transferts entre les deux clubs ont été difficilement pardonnés, rappelle Ovidiu Ioanitoaia: "Celui qui change entre le Steaua et le Dinamo est perçu comme un traître."
L'idée de défection n'a jamais effleuré Ion Pîrcalab, ailier droit du Dinamo dans les années 1960. "J'ai joué au moins 30 derbies contre le Steaua et j'ai toujours eu les mêmes émotions, la même inquiétude et la même volonté de gagner", confie-t-il.
Si 26 titres de champion brillent dans le palmarès du Steaua (l'Etoile) contre 18 pour le Dinamo, ce dernier s'enorgueillit d'avoir été sacré 19 fois meilleur buteur de la saison, cinq fois de plus que les "rouges-bleus".
Au chapitre des affaires (corruption, matches truqués et évasion fiscale) qui ont ébranlé le foot roumain depuis le retour de la démocratie, les deux clubs se partagent également les honneurs: des responsables des deux côtés ont été incarcérés.
Sevré de sacre en championnat depuis 2007, le Dinamo, actuel 6e, a connu une phase de grandes difficultés économiques et n'est sorti d'une procédure d'insolvabilité qu'en 2015.
La situation est presque plus dramatique encore pour le Steaua. Bien qu'en tête du championnat, le vice-champion en titre a perdu son stade historique et sa marque en raison d'un litige avec le ministère de la Défense, son ancienne tutelle.
Un management hasardeux que ne pardonnent pas certains de ses supporteurs, grève des tribunes à l'appui.
"Toute ma vie a été construite autour du Steaua, tout ce qui comptait était d'être derrière l'équipe, même en ratant des examens ou en perdant un emploi", confie l'un de leurs leaders, âgé de 40 ans. Avant d'ajouter: "Et 90% de ma passion, je la vivais lors des matches contre le Dinamo, nos vrais rivaux".