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S’agit-il d’une nouvelle mesure de restriction dans l’octroi des visas? «Non», à en croire certaines sources proches de l’ambassade citées par des médias nationaux. Selon ces dernières, il s‘agit simplement d’«un incident technique» tout en précisant que la plateforme redeviendra opérationnelle quelques jours seulement après cette suspension.
Par ailleurs, ces mêmes sources ont indiqué que cette situation risque fort d'entraîner de nouveaux retards dans le traitement des dossiers. D’autant qu’il y a une nette augmentation des demandes de visas Schengen de la part des Marocains en cette période propice aux vacances.
Procédure lente, lourde et coûteuse
Un désagrément de plus pour plusieurs Marocains qui considèrent la procédure de demande de visa comme lente, lourde et coûteuse. En effet, si l’externalisation aura permis la disparition des files d’attente devant les consulats et la réduction substantielle des délais d’instruction des demandes, la prise de rendez-vous pour pouvoir déposer son dossier peut prendre plusieurs semaines voire des mois.
Selon un rapport de l’Assemblée nationale sur la politique de visas datant de 2021, «ces délais de prise de rendez-vous sont en pratique imposés aux prestataires par les consulats en fonction de la capacité de ces derniers à instruire les demandes dans un délai de quelques jours. La phase d’instruction du dossier au consulat constitue donc le «goulot d’étranglement» de la demande de visa». La difficulté liée à la prise de rendez-vous est accentuée par la multiplication des officines qui préemptent tous les créneaux dès leur ouverture sur internet et les «revendent» aux demandeurs. Ce commerce se conjugue à un taux élevé de non-comparution («no show») qui embolise le système des rendez-vous. Ces délais sont une contrainte dans diverses situations, de l’entreprise qui doit envoyer des travailleurs en France à l’avocat qui a une audience en urgence à Paris.
Plusieurs Marocains estiment également que le prix réclamé à l’occasion d’une demande de visa est excessif. D’autant que la somme demandée n’est pas remboursée en cas de refus de visa par l’autorité consulaire. Une évaluation que partage le rapport de l’Assemblée française qui rappelle que cette somme est passée de 60 euros il y a plusieurs années à 80 euros depuis la révision du code communautaire des visas en février 2020. A ce propos, «si le coût du visa de court séjour est harmonisé entre Etats membres, ce n’est pas le cas des frais de service que le demandeur doit régler au prestataire extérieur».
Ledit document ajoute qu’au niveau de la France, il y a une forte hausse des frais de service sur les visas délivrés. Il cite l’exemple de la Chine où «les frais du prestataire ont augmenté de 20% pour atteindre 34,50 euros, soit un tarif quatre fois supérieur à celui de l’Italie, qui est de 8 euros».
La motivation des refus de visa suscite également colère et incompréhension de la part d’une grande majorité des demandeurs de visas. En fait, l’Assemblée française a constaté que l’autorité consulaire motive les refus de visa en s’appuyant sur «un formulaire type harmonisé dont les différentes catégories peuvent paraître assez obscures». Ledit rapport précise que l’un des motifs de refus de visa les plus cités est « l’existence d’un risque migratoire». Ce qui laisse une grande liberté, ajoute le rapport, d’appréciation aux agents instructeurs et suscite parfois chez les demandeurs une forme d’incompréhension par rapport au rejet de leur demande. «L’obligation de motivation est pourtant une garantie importante pour les demandeurs, qui doivent être en mesure de comprendre les raisons de l’issue défavorable donnée à leur demande et, le cas échéant, de contester la décision de refus ou de formuler une nouvelle demande».
Risques migratoires au détriment de l’attractivité
Pour les rédacteurs dudit rapport, la politique française des visas accorde une place disproportionnée aux risques migratoires au détriment de l’attractivité. Selon eux, «les refus de visa fondés sur le risque migratoire peuvent se justifier sur le fond, en particulier lorsque le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes pour séjourner en France. Les autorités consulaires regrettent toutefois qu’un nombre important de refus soient liés à des motifs de forme. Deux écueils méritent d’être soulignés. D’une part, sans minimiser la difficulté de l’exercice dans certains pays moins développés, les dossiers soumis sont parfois incomplets ou ne respectent pas le formalisme exigé, qui s’applique pour l’ensemble des demandeurs, quelle que soit leur qualité.
Comme le rappelle Mme Laurence Haguenauer, directrice des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, «ce n’est pas parce que la personne est avocate ou médecin, ou qu’elle est invitée en France, qu’elle peut s’exonérer des justificatifs demandés». D’autre part, la personne qui dépose un visa «n’est pas toujours dans une démarche légaliste».
La question de la réadmission se pose également avec d'autant plus d'acuité qu’elle demeure une composante de la politique des visas, en particulier vis-à-vis du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie ainsi que plusieurs pays d’Afrique subsaharienne (Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali).
«La révision du code communautaire des visas, intervenue en février 2020, a consacré le lien «visa-réadmission» au niveau européen. Cette réforme avait pour objet, d’une part, de renforcer l’attractivité de l’Union et de ses Etats membres par la création de procédures de demande de visa plus rapides et plus souples et l’élargissement des visas à entrées multiples assortis d’une plus longue durée de validité pour les voyageurs réguliers de confiance. Mais cette réforme avait aussi pour objectif, d’autre part, de répondre aux impératifs de sécurité et de limitation du risque migratoire en consacrant la politique des visas comme un outil d’amélioration de la coopération en matière de réadmission afin d’inciter les pays tiers à intensifier leurs efforts dans la lutte contre l’immigration irrégulière», indique le rapport à propos de la politique de visa en France.
Dans une précédente édition, Abdelkrim Belguendouz, académicien et expert en questions migratoires, avait soutenu qu’il y a de la mauvaise foi et l’usage politicien de cette thématique.
Selon lui, le problème est présenté d’une manière plus exagérée par la France. «La France surévalue le rôle des consultas des pays du Maghreb et passe sous silence les aspects pratiques relatifs aux difficultés d’identification des personnes concernées par ces retours forcés, le nombre important des personnes qui disparaissent dans la nature après la notification de la décision de quitter le territoire, le manque de places dans les centres de rétention, les dossiers en recours devant les juges. L’ensemble de ces éléments fait que le nombre de dossiers reçus est moindre par rapport aux décisions de quitter le territoire prises par l’administration. Bref, Paris joue sur les chiffres et dramatise la situation alors que la réalité est autre».
Chantage et pression
Pour lui, nous sommes face à un vrai chantage puisqu’aujourd’hui l’octroi du visa s’est transformé en moyen de pression et d’imposition des rapports de force pour contraindre les pays du Maghreb à délivrer davantage de laissez-passer consulaires nécessaires au retour de leurs ressortissants de la France». Et d’ajouter : «Le hic, c’est que la France punit l’ensemble de la population du Maghreb et cela remet en cause l’image de ce pays et ses intérêts dans la région sans oublier son discours sur la mobilité et les échanges humains avec la rive Sud de la Méditerranée». A ce propos, il estime qu’il est temps pour que ce sujet soit l’objet d’un débat national impliquant les parlementaires, les médias, la société civile ainsi que le gouvernement, notamment son ministère des Affaires étrangères.
Hassan Bentaleb