Soudan du Sud: Le retour de Machar, un pas vers la paix ?


Libé
Vendredi 15 Avril 2016

Le retour du vice-président sud-soudanais Riek Machar dans la capitale, prévu lundi, suscite à Juba une mince lueur d'espoir de voir enfin appliqué un accord de paix signé en août 2015 et jusqu'à présent foulé au pied par les belligérants.
 Sur une bande de terre poussiéreuse découpée dans l'épaisse végétation des abords de Juba, des centaines de soldats rebelles ont pris position dans un camp de fortune, d'où émergent quelques tentes bleues et des monceaux d'herbe fraîchement coupée pour bâtir des huttes au toit de chaume.
Comme la population, ils attendent de voir quelle tournure vont prendre les événements. Le retour de M. Machar offre le premier réel espoir de règlement d'un conflit débuté en décembre 2013, et qui a fait des dizaines de milliers de morts et plus de 2,3 millions de déplacés. Mais les obstacles sont nombreux.
 Le camp n'a aucune clôture ni position défensive, ce qui rend les rebelles nerveux.
 "Ce serait mieux s'ils restaient à distance de nous, jusqu'à ce que nous connaissions la réalité de l'accord de paix", prévient le général John Mabieh Garr en pointant du doigt une base gouvernementale toute proche.
 Conformément à l'accord de paix du 26 août 2015, un total de 1.370 soldats et policiers rebelles sont rentrés à Juba pour garantir la sécurité de M. Machar, qui doit y revenir pour former un gouvernement de transition avec son rival, le président Salva Kiir.
 M. Machar, qui n'a plus remis les pieds à Juba depuis deux ans, a été nommé vice-président en février, un poste qu'il occupait déjà au côté de M. Kiir avant le déclenchement du conflit.
 Son retour à Juba "permettra la formation d'un gouvernement de transition, l'étape la plus importante dans la mise en oeuvre de l'accord de paix", estime Casie Copeland, de l'International crisis group (ICG).
 D'autres sont moins optimistes, avertissant qu'aussi symbolique soit-il, ce retour ne règlera pas tout.
"Ça signifiera que le pays est sur la bonne voie. Mais ça ne voudra pas dire qu'il est débarrassé de toute violence", juge Edmund Yakani, un représentant de la société civile.
 Malgré la signature de l'accord de paix, les affrontements n'ont jamais cessé. Les combats, qui se sont étendus ces derniers mois à des régions jusque-là assez épargnées, opposent aussi à présent de nombreux groupes armés aux intérêts souvent locaux.
 Beaucoup ne s'estiment pas soumis aux accords écrits et accordent peu de valeur aux décisions de MM. Kiir ou Machar. "De nombreuses questions se posent quant à la faisabilité de l'accord", estime David Deng, de la South Sudan Law Society (SSLS), un groupe de réflexion formé d'avocats.
 L'ancien président botswanais Festus Mogae, qui préside la Commission de surveillance et d'évaluation (JMEC) de l'accord de paix, estime que "la formation d'un nouveau gouvernement ne sera pas en soi la panacée".
 Les tensions restent vives, notamment à Juba. La rébellion accuse les troupes gouvernementales de renforcer leur présence dans la capitale, officiellement censée être démilitarisée dans un rayon de 25 kilomètres, à l'exception des unités prévues par l'accord de paix. L'armée rejette ces accusations.
Le Soudan du Sud a plongé dans la guerre civile en décembre 2013 quand des combats ont éclaté au sein de l'armée nationale, minée par des dissensions politico-ethniques alimentées par la rivalité à la tête du régime entre MM. Kiir et Machar.
 Salva Kiir, un Dinka, et Riek Machar, un Nuer, viennent des deux principales ethnies du Soudan du Sud, elles-mêmes divisées en plusieurs clans parfois rivaux.
 Rétablir la confiance entre ces deux rivaux, qui sont accusés par l'ONU d'être responsables de la majorité des violences commises depuis le début du conflit, ne sera pas chose aisée.
Avec l'effondrement de l'économie, caractérisé par la hausse de l'inflation et la chute des revenus pétroliers, MM. Kiir et Machar ne pourront pas non plus acheter la paix comme ils ont pu le faire par le passé.
 Juba avait été confrontée aux pires atrocités lors des premières semaines de la guerre, avant d'être relativement épargnée. Mais le retour des rebelles dans la ville rend ses habitants fébriles.
 "Les gens sont clairement inquiets", constate David Deng. "Mais ils veulent ardemment la paix et cet accord est, en réalité, la seule voie vers (la paix). Alors les gens sont prêts à prendre le risque en espérant qu'il soit payant."


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