Sonia Gandhi, des faubourgs d’Italie au sommet du pouvoir de l’Inde


Arrivée aux commandes d’un Congrès moribond, elle mène le parti à une victoire surprise en 2004, réitérée en 2009

Libé
Mardi 19 Décembre 2017

Le destin de Sonia Gandhi, qui a cédé samedi à 71 ans la présidence du parti du Congrès indien à son fils Rahul, est une incroyable odyssée qui a vu cette Italienne de naissance arriver aux cimes du pouvoir de l’Inde.
Marquée par la tragédie des assassinats de sa belle-mère Indira et son mari Rajiv, tous deux Premiers ministres, Sonia a repris avec réticence l’étendard de la dynastie Gandhi à la fin des années 90, avant de devenir pendant une décennie la femme la plus puissante du pays.
Arrivée aux commandes d’un Congrès moribond, elle mène le parti à une victoire surprise en 2004, réitérée en 2009. Il faudra le rouleau compresseur des nationalistes hindous de Narendra Modi pour évincer en 2014 cette formation affaiblie par l’usure du pouvoir et les scandales de corruption à répétition.
Escomptée pour devenir Première ministre en 2004, elle décline contre toute attente l’offre, notamment face à une virulente campagne autour de ses origines étrangères.
Si elle laisse le sikh Manmohan Singh devenir chef du gouvernement, elle a eu néanmoins durant ces deux mandats une influence considérable sur la gestion des affaires du pays. Sa résidence au 10, Janpath à New Delhi se transforme en centre névralgique de décision.
“Elle a très bien compris l’Inde. Elle a réussi à contrer ceux qui l’accusaient d’être une étrangère et l’Histoire la jugera très positivement sur ce point”, explique son biographe Rasheed Kidwai.
Fille d’un entrepreneur du bâtiment italien, rien ne prédestinait Sonia à cette trajectoire. Née en 1946 dans une famille catholique, elle passe sa jeunesse dans une commune de la périphérie de Turin.
Envoyée dans une école de la ville de Cambridge en Grande-Bretagne pour y apprendre l’anglais, elle fait la rencontre en 1965 dans un restaurant de Rajiv Gandhi, étudiant en ingénierie à la prestigieuse université et fils aîné d’Indira. Ce dernier l’épouse en 1968 et l’emmène en Inde.
De cette union naîtront deux enfants, Rahul en 1970 et Priyanka en 1972. En 1983, Sonia abandonne sa nationalité italienne et devient indienne à part entière.
Jeune épouse timide, elle vit dans la maison familiale de son mari, comme il est de coutume en Inde, en l’occurrence la résidence de la Première ministre Indira Gandhi. Dans l’ombre de sa belle-mère, elle y découvre les coulisses du pouvoir.
Sonia est l’une des premières personnes à courir au secours de la fille de Nehru lorsque celle-ci, au matin du 31 octobre 1984, tombe sous les balles de ses gardes du corps sikhs dans son jardin.
Après la mort d’Indira, Sonia “se bat comme une tigresse”, en vain, pour dissuader son mari d’entrer en politique et succéder à sa mère. Sanjay, le fils cadet d’Indira et héritier présumé, s’était tué quelques années auparavant dans un accident d’avion.
Sa peur que la politique ne coûte également la vie à son époux se concrétisera tragiquement en 1991, lorsque Rajiv est assassiné dans un attentat-suicide perpétré par des extrémistes tamouls.
Pendant six ans, Sonia mène une existence de recluse, élevant ses enfants loin des regards. Elle finit par céder en 1998 aux pressions des ténors du Congrès pour redonner un élan au parti vieillissant et en assume la présidence.
Dans une rare interview à la télévision l’année dernière, elle a raconté avoir changé d’avis “en raison d’un certain sens du devoir que je ressentais envers ma belle-mère et mon mari”.
“Parce que je les ai vus lutter, travailler jour et nuit pour défendre certaines valeurs, certains principes (...) lorsqu’on m’a appelé, j’ai eu le sentiment que j’aurais été lâche de ne pas y répondre”.
Celle qui s’exprime en hindi avec un accent écume alors les rassemblements politiques à travers le pays aux cris de “Sonia Gandhi zindabad !” (“Longue vie à Sonia Gandhi !”).
Son renoncement au poste de Premier ministre lui vaut un temps le surnom de “sainte Sonia” dans la presse indienne et renforce la mystique autour de la famille Gandhi.
Après des années de spéculations alimentées par ses problèmes de santé, Sonia Gandhi passe finalement la présidence du Congrès à son fils aîné, entré en politique en 2004. Elle devrait rester impliquée dans la vie publique et conserver son siège au Parlement.
Attaquée l’année dernière encore sur ses origines italiennes par Narendra Modi, elle réitérait que l’Inde était sa patrie, celle où elle avait passé sa vie et celle où elle la finirait.
“C’était ici que j’émettrai mon dernier souffle et c’est ici que mes cendres se mêleront à ceux de mes êtres aimés”.


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