Sankara, figure légendaire qui dépasse les frontières du Burkina


Vendredi 13 Octobre 2017

Chantre de l’anti-impérialisme, figure tutélaire du “printemps burkinabè”, Thomas Sankara, dont le Burkina Faso commémore dimanche le 30e anniversaire de l’assassinat, est devenu un mythe panafricain, occultant les côtés sombres de son régime.
Le culte de celui qu’on surnommait “Che Sankara” est encore entretenu à travers toute l’Afrique, et particulièrement dans son pays qu’il dirigea de 1983 à 1987. Ses idées fortes, mais aussi sa mort, ont nourri la légende.
Né le 21 décembre 1949 à Yako (Nord), Thomas Sankara a douze ans au moment de la décolonisation.
Son premier fait d’armes intervient lors du premier conflit ayant opposé son pays, alors la Haute-Volta, au Mali, en 1974-75.
Il n’a pas 32 ans lorsque, après le coup d’Etat de novembre 1980, le nouveau chef de l’Etat, le colonel Saye Zerbo, lui confie le poste de secrétaire d’Etat à l’Information. Ses idées progressistes lui font claquer la porte du gouvernement un an et demi plus tard.
Mais il revient à la faveur d’un nouveau coup d’Etat et est nommé Premier ministre, en janvier 1983. Une sourde lutte pour le pouvoir s’engage alors entre militaires.
D’abord arrêté en mai 1983, il ressurgit en août, cette fois pour de bon, à la suite d’un coup d’Etat mené par son ami intime, le capitaine Blaise Compaoré.
Agé de tout juste 33 ans, Sankara symbolise l’Afrique des jeunes, celle de l’intégrité, tranchant avec les dirigeants bedonnants issus des indépendances.
D’allure sportive et élancée, le sourire facile et le charme certain, il bénéficie d’une indéniable popularité.
Grand travailleur, dormant peu, autoritaire, il ne se montre jamais qu’en treillis, portant à la ceinture un pistolet à crosse de nacre offert par le dirigeant nord-coréen Kim Il-Sung.
Vivant chichement avec sa femme et ses deux fils dans un palais présidentiel délabré, il n’a pour tout bien que sa guitare et sa Renault 5 d’occasion, un véhicule qu’il impose comme voiture de fonction à tous les membres de son gouvernement habitués aux luxueuses berlines.
A peine au pouvoir, il change le nom de son pays —la Haute Volta sous la domination française—, qu’il rebaptise Burkina Faso, “pays des hommes intègres”.
Ses priorités: assainissement des finances publiques et dégraissage d’une fonction publique “pléthorique”, amélioration de la situation sanitaire et désenclavement des campagnes, élévation du taux d’éducation, politique rurale plus proche des aspirations des paysans.
Mais cette politique volontariste est menée d’une main de fer. “Il faut décoloniser les mentalités” dit-il.
“Il a fait des omelettes en cassant beaucoup d’oeufs”, résume l’ancien ministre ivoirien Laurent Dona Fologo, qui l’a rencontré à plusieurs reprises.
La population est surveillée par les “Comités de défense de la révolution” (CDR) et sanctionnée par les “Tribunaux populaires de la révolution” (TPR). Il brise une grève des instituteurs en les licenciant, l’opposition syndicale et politique est réprimée par des arrestations.
Ses relations avec les autres pays ne sont pas simples. Ses prises de position, ses liens avec les sulfureux dirigeants de la Libye et du Ghana lui valent de solides inimitiés en Afrique, à commencer par la Côte d’Ivoire et le Togo.
Au président français François Mitterrand, qui avait accueilli officiellement le rebelle angolais Jonas Savimbi et le Sud-Africain Pieter Botha, il donne une leçon de droits de l’Homme, lors d’une visite à Ouagadougou.
Il appelle l’Afrique à ne pas payer sa dette aux pays occidentaux: “La dette ne peut pas être remboursée parce que si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par contre, si nous payons, c’est nous qui allons mourir. Soyons en sûrs également”.
Il dénonce, devant l’ONU, les guerres impérialistes, l’apartheid, le conflit israélo-palestinien, la pauvreté.
La parenthèse “sankariste” ne dure que quatre ans. Le 15 octobre 1987, alors qu’il se rend à un conseil des ministres extraordinaire, il est assassiné lors d’un putsch qui laisse Blaise Compaoré seul au pouvoir. Il a 37 ans.
Trente ans après, Thomas Sankara reste davantage célébré pour son courage et ses idées que pour son bilan au pouvoir.


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