Saloua Karkri au Club des femmes ingénieurs : «Les élites doivent s’impliquer dans la vie politique»


KAMAL MOUNTASSIR
Lundi 17 Janvier 2011

Saloua Karkri au Club des femmes ingénieurs : «Les élites doivent s’impliquer dans la vie politique»
Saloua Karkri, députée USFP, a été, samedi dernier, l’invitée du Club des femmes ingénieurs EMIstes pour débattre du thème «L’engagement politique, pourquoi au féminin». Un débat animé et parfois houleux qui s’est focalisé sur la conjoncture politique actuelle au Maroc, le rôle des femmes et des élites en général dans la vie politique. Son indifférence ou sa déception  vis-à-vis de la politique telle qu’elle est pratiquée chez nous, du rôle des partis politiques, de l’alternance et des acquis du gouvernement El Youssoufi.
La plupart des remarques et critiques formulées portaient sur le rôle et l’importance de l’USFP. Chose normale, puisque la conférencière est parlementaire socialiste. Et parce que l’USFP cristallise, pour les Marocains, l’espoir de guider une gauche forte, capable de gérer à bon escient le pays, dans une conjoncture mondiale de crise, de mutations vers une globalisation plus étendue et plus difficile à gérer, notamment pour les pays émergents comme le Maroc.
Lors de cette table ronde, Saloua Karkri a exposé les idées et programmes de l’USFP, a décortiqué la situation politique actuelle et scruté l’horizon 2012, responsabilisant les élites dont les femmes ingénieurs pour ne plus permettre à des personnes incompétentes, animées par le seul intérêt personnel et sans scrupules, de gérer la chose publique. «Ne restez pas indifférents, votez, selon vos convictions mais allez aux urnes», a rétorqué la socialiste, convaincue que  les élites dont les femmes, doivent participer au changement en initiant un certain  dynamisme, de nouvelles idées et des actions pour aller de l’avant. L’élite peut apporter une contribution importante en termes de rationalité, de capacité d’organisation et de modernisation. Le Club des femmes ingénieurs créé en juin 2009 compte 1200 femmes. Sa vocation reste l’émergence d’une communauté forte de femmes ingénieurs. Elle entame, cette année, un cycle  autour de l’engagement politique pour les femmes ingénieurs, par des rencontres avec des parlementaires de différentes tendances politiques.

Lire l’intervention de Saloua Karkri


La conférence inaugure un cycle de rencontres avec les partis politiques en vue des élections législatives de 2012, avec pour objectifs d’initier les femmes ingénieurs à la vie politique, et de les inciter à participer plus activement ou à s’engager dans les carrières politiques.
Voilà une brève description du paysage que l’on me demande de vous inciter à rejoindre :
Pléthore de partis, mais faible participation de la population  aux grandes rencontres électorales ; transhumance sans scrupules des élus ; utilisation de l’argent pour l’achat des votes ; querelles intestines, opportunismes, absence de renouvellement dans les partis, dynamisme en panne, leadership défaillant, pas de véritable  projet de société ou incohérence entre le discours et l’action politique véritable.
La tâche semble ardue, mais j’adhère à la mission parce que je pense avoir des arguments pour vous convaincre au moins sur deux points :
D’une part, j’estime que les élites du pays, que vous représentez, hommes et femmes doivent s’impliquer dans la vie politique, pour occuper le terrain, initier le dynamisme, des idées et des actions, apporter leur culture et leurs compétences, dans toutes les institutions, et en particulier l’institution parlementaire, dont toutes les conférencières que vous avez choisies sont issues.
D’autre part, je considère que le socialisme, autour de l’USFP, basé sur la liberté d’entreprendre, mais aussi sur la protection sociale des populations, est le seul système viable pour le Maroc d’aujourd’hui et je vous inviterais à partager mes convictions et à venir renforcer les rangs de l’USFP.

La protection de notre potentiel en ressources humaines

En France, lors de la campagne électorale de 2012 déjà entamée, l’immigration et l’identité nationale occupent une place importante dans le débat. Pourtant, un étudiant marocain brillant se verra attribuer la nationalité française, quelques mois seulement après en avoir fait la demande. Dans chacune de nos familles, il y a des exemples.
Pour notre pays, ces Marocains nationalisés, ne représentent plus que quelques milliers de dirhams mensuels d’aide familiale, quelques entrées touristiques par an et l’acquisition d’un bien immobilier ou courant de leur vie ; peu de choses comparé à l’investissement consenti pour leur éducation et leur formation et comparé à l’appauvrissement de notre communauté en savoir et en compétences. Leur progéniture qui représente un potentiel important en ressources humaines aura sûrement oublié le Maroc.
Les filles représentent plus de 50% des réussites au baccalauréat. Elles assurent la parité sur les bancs des universités où elles sont brillantes. Elles investissent également les écoles d’ingénieur et je pense qu’elles sont près de 25% dans votre prestigieuse Ecole.
Mais elles s’évaporent dans la nature après leurs études. Les femmes sont rares dans les postes de décision, à la tête des entreprises où elles ne représentent plus que 5%. Elles ne sont présentes dans les institutions politiques que grâce aux discriminations positives.
Voilà au moins deux sources d’appauvrissement de nos ressources humaines.
Notre économie et notre paysage politique ont pourtant besoin de ces compétences perdues et je pense qu’il faut mettre en place une véritable politique pour récupérer ces forces du pays.
L’examen des lois au sein de l’Institution parlementaire et le contrôle de l’Exécutif requièrent de plus en plus des compétences et un niveau d’instruction élevé. L’exemple  du Statut avancé, qui offre au Maroc un espace économique commun avec l’Union européenne exige l’harmonisation de notre arsenal juridique et sa mise en conformité avec celui de l’UE. Les projets  de lois soumis au Parlement sont de plus en plus techniques et à caractère économique.
La maîtrise des langues étrangères, est indispensable pour un parlementaire censé représenter le pays.
Pour améliorer le niveau de cette institution, il faut que les partis disposent d’un réservoir important de compétences, et qu’ils mettent en place une stratégie de recrutement des élites et de leur renouvellement.
Ceci est également valable pour la gestion de nos villes qui ne peut plus être confiée à des analphabètes. Nous ne pouvons relever les défis du 21ème siècle en confiant la destinée de nos populations et de nos communes à des personnes qui ne soient hautement qualifiées et au fait des technologies du siècle.
Un des défis actuels du pays est la mise en place de la régionalisation avancée. La réflexion menée devrait impliquer les partis. Elle crée une opportunité de démocratisation du pays. Les élus, issus des partis prendront en main véritablement la gestion de leurs régions.
Les partis doivent préparer leurs élites, capables de concevoir des projets de développement moderne incluant la croissance durable, et d’implémenter la politique sur le terrain. C’est la politique par l’application et la politique au service des citoyens.
En ce qui vous concerne les élites, je considère que c’est une obligation et un devoir civique, de participer et de briser ces plafonds de verre qui éliminent les femmes, les intellectuels,…
Maintenant pourquoi je considère que l’idéologie socialiste est aujourd’hui la meilleure voie pour notre pays.

L’idéologie socialiste

Dans le contexte international de globalisation et de mondialisation, le socialisme international est un peu en panne. Les pays avancés qui sont à l’origine de la mondialisation, peuvent se permettre une telle panne de socialisme : ils sont arrivés à un degré relativement appréciable d’évolution de leur modèle socialiste : enseignement, éducation et formations performantes et accessibles  à tous, système de santé efficace, couverture sociale des travailleurs, indemnité pour perte d’emploi, justice performante, garanties démocratiques, respect des droits de l’Homme.
Les pays développés qui ont également des structures de productions efficaces ont besoin de mondialisation pour la performance financière de leurs richesses et l’élargissement de leurs marchés. C’est l’avènement du capitalisme financier.
Les pays émergents ou en voie de développement, qui ont mis le pied à l’étrier de la globalisation, comme c’est le cas pour le Maroc, ont eu bien raison, en particulier pour profiter du courant d’investissement mondial. Ils ont par contre des structures sociales embryonnaires et les inégalités sociales y sont encore frappantes :
Le socialisme y reste d’actualité parce que le modèle social y  est encore en construction.
Mais pourquoi l’USFP (Union socialiste des forces populaires) ?
L’USFP est le seul parti au monde, ayant participé au mouvement de libération de son pays mais ayant été tenu  à l’écart de sa construction pendant près de 40 ans.
L’USFP a été appelé à la rescousse en 1998 dans des conditions très difficiles : d’abord un passif lourd, pesanteur politique, faiblesse des investissements, période de sécheresse pour un pays où l’agriculture est importante pour l’économie.
Les acquis du gouvernement socialiste dirigé par M. El Youssoufi sont importants pour notre jeune pays et je voudrais en souligner les grandes lignes.
L’institution primaire a véritablement pris son sens, avec un Premier ministre politique, ayant un programme, qu’il s’est évertué à défendre devant le Parlement.
L’organisation des premières élections véritablement libres en 2002, qui ont donné espoir à tous les Marocains, et qui en principe,  devaient donner la légitimité au gouvernement d’alternance : l’ouverture des chantiers de réforme de la justice et de moralisation de la vie publique ; progrès important de la scolarisation des enfants ; électrification des campagnes, généralisation de l’accès à l’eau, désenclavement rural ; couverture médicale se généralisant et prenant son véritable sens qui a finalement abouti à l’extension de l’AMO aux soins déambulatoires sous la houlette de M. Jamal Aghmani, ministre socialiste actuel  de l’Emploi.
Sur le plan économique, le gouvernement socialiste peut se targuer d’avoir réussi les rééquilibres structurels et réduit les déficits budgétaires.
Sur le plan des libertés et de la démocratie, les projets du Code de la famille ont été initiés avec M. El Youssoufi, la liberté de la presse, malgré quelques couacs, s’est considérablement améliorée ; la rentrée de feu Serfaty, la libération de M. Yacine sont à mettre au crédit de ce premier gouvernement d’alternance.
C’est la démonstration qu’un gouvernement politique responsable est capable de réaliser des avancées sociales importantes.

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, le gouvernement est moins politique. Le Premier ministre n’est pas très visible et les partis  politiques sont réduits à leur lutte d’influence.
Le gouvernement actuel est issu de 70% d’abstentions exprimées lors des élections législatives de 2007, de l’absence d’un véritable premier parti (peu de différence entre le premier, qui représente 5% et le cinquième avec 3,5%), de l’incapacité du Premier ministre de négocier un accord entre les partis devant constituer la majorité, et de l’incapacité des partis de contenir l’ambition de leurs éléphants ou de mettre en avant leurs jeunes loups.
La faute vous incombe à vous qui avez boudé les urnes et qui n’avez pas élu un parti fort.  Alors les technocrates sont de retour.
Mais la crise aussi est de retour, peut-être plus sévère encore avec en filigrane, le repli des investissements en raison de la crise européenne, de la crise financière des pays du Golfe ; le renchérissement du prix des matières premières et les menaces inflationnistes.
Pour 2012, les défis à relever vont être plus importants.  Le pays doit sortir de la crise sans sacrifier les intérêts de la  population et sans rompre les équilibres financiers.
Seule une équipe gouvernementale cohérente, réduite, efficace, capable d’afficher une coordination réfléchie entre ses différents départements et ses différents plans peut relever les défis : conserver  l’acquis des dix dernières années de croissance économique soutenue et contenir l’inflation ; prendre par les cornes les problèmes d’enseignement et de santé ; mettre en œuvre des réformes structurelles importantes : chantier de la Caisse  de compensation et celui de la retraite; trouver des solutions au chômage des jeunes ; réduire la pauvreté ; développer la classe moyenne ; réduire les déséquilibres régionaux ; réformer la justice, moraliser la vie publique et lutter efficacement contre la corruption.

 Conclusion

La démocratie se mérite. Le peuple marocain entier doit se mobiliser, afficher sa maturité politique et exprimer ses choix lors des manifestations électorales.
Les élites ont un rôle primordial ; elles doivent encadrer les masses.  Les élites instruites sont les mieux placées pour orienter les choix vers la solution viable, moderne et consacrant le bonheur des populations.
Le socialisme tel que défendu par l’Union socialiste des forces populaires est encore aujourd’hui la voie pour le pays, et le retour des restrictions budgétaires, du renchérissement du prix des matières premières, des tendances inflationnistes,vont encore plus imposer la protection des employés des petites et moyennes entreprises et des populations.



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