-
Les liens culturels entre Tétouan et Essaouira au coeur du Colloque "l’Âme d’Al Andalus"
-
Le Maroc invité d'honneur de la 18e édition du prix Al Burda à Abou Dhabi
-
SAR la Princesse Lalla Hasnaa et S.E. Sheikha Sara Bint Hamad Al-Thani président à Doha le "Tbourida Show"
-
Des chercheurs se penchent sur les défis de la langue arabe à l'ère du numérique et de l'IA
Dans ses peintures comme dans ses écritures, Haji déclare une vive hostilité contre le pseudo-traditionalisme, en donnant libre cours à ses sentiments raisonnés et indépendants de sa propre individualité, et ce en dehors de tout système et sans parti-pris. Cette déclaration radicale et pourtant mesurée définit clairement son credo plastique : art de lucidité, de sincérité, impliquant l’examen critique et le rejet systématique d’une « approche statique et stéréotypée».
Avec la mémoire du phénix l’intensité expressive s’assure avec certitude: sa peinture narrative est identifiée de fait à la peinture de genre, puisque «la peinture est un art essentiellement concret et ne peut consister que dans la représentation de choses réelles et existantes», comme disait Courbet. Cette brèche ouverte par la mémoire du phénix est suivie par des tableaux, qui s’intéressent aux scènes de la vie autobiographique donnant corps aux états d’âme.
Autour de ces œuvres maîtresses, plusieurs centaines de scènes se composent comme un poème de la nature. Aussi variés que les motifs dont ils s’inspirent, des « remises » en cause des paradoxes et des crises du sens se développent loin de toute concession à l'envie de plaire et de vendre.
Ses unités plastiques sont conditionnées par l'acte expressionniste de renouer avec les aspects les plus transparents de son romantisme tragique, mais proclament surtout sa dette à l'égard de poètes maudits et de militants avant-gardistes. Son univers visuel éloquent oriente la peinture poétisée vers la recherche d'une langue qui soit « de l'âme pour l'âme », résumant ainsi parfums, sons, couleurs, pensées, sensations et blessures.
Le symbolisme selon cet artiste polyvalent est une mise en symbiose entre des formes capables à la fois d'évoquer une réalité militante vécue et d'inviter le récepteur avisé à un véritable déchiffrement : d'abord voué à créer des impressions - notamment par l'harmonie picturale - un souci de rigueur l'infléchira bientôt vers la recherche d'un langage personnalisé.
L'artiste se mêle aux forces de la nature humaine et agit comme témoin de l'histoire. Il est convaincu que l'art peut capter le sens créatif des états d'âme et c'est pour cela qu'il rejette l'abstraction absolue. Concrètement, Haji se laisse influencer au début, comme un nombre potentiel d'artistes peintres, par la figuration classique et sa loi optique sur les contrastes simultanés. En même temps, il a tenu à pénétrer dans les domaines de l'inconscient et de la perception analytique et critique.
Sur sa haute solitude au sens existentiel du terme, Jacqueline Ribet, artiste peintre, a écrit : «Une sensation de chaleur humaine dans les peintures de Said Haji. Les couleurs sont chatoyantes, avec une technique variée. Ce qui attitre mon attention dans ce travail c’est le thème très engagé qui témoigne d’une période obscure vécue par l’artiste. D’ailleurs, les séquelles de cette période de métamorphose intellectuelle se dégagent facilement de son apparente timidité et de son calme énigmatique. Il n’ y a pas de doute : Cet homme a vécu longtemps seul devant ses toiles».
De son côté, Georges Lapassade, anthropologue, a confié aux passionnés d’art onirique : «Non loin du rêve, les sujets prennent vie du côté intérieur de l’être tandis que la réalité s’y reflète, pourtant dissimilée derrière les voiles de l’imaginaire. Non loin de la théâtralité, le dialogue entre l’imaginaire et le réel se pare d’une réflexion sur notre perception de l’existence humaine et de la réalité».
L’art de Said Haji tranche par sa vigueur sur les artifices et les compromis. Il rend enfin compte d’une part grandissante de la peinture de figures, des scènes humaines et des entités iconographiques des différents courants symbolistes. Le style s’efface derrière la primauté du sujet, appelé à d’incessants bouleversements et débordements.