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Pourtant, certains observateurs estiment que cette question n’est pas récente et qu’elle est même devenue une pratique courante dans certaines villes. C’est le cas à Nador où il est pratiquement interdit, depuis quelque temps déjà, aux migrants de prendre les petits et grands taxis ainsi que les autocars. «De plus en plus de transporteurs refusent de prendre à bord des usagers subsahariens. Ce refus trouve son explication soit dans des consignes orales données par les autorités locales ou dans le fait que le transport des Subsahariens est devenu coûteux du fait que les véhicules qu’ils empruntent sont souvent arrêtés par les gendarmes pour être minutieusement contrôlés. Et cela coûte en temps, en énergie et en gains pour les chauffeurs», nous a indiqué Omar Naji, vice-président de l’AMDH Section Nador. Et de poursuivre : «Aujourd’hui, à l’entrée de Nador, il y a un barrage de contrôle des gendarmes qui contrôle chaque autocar qui entre en ville. Et chaque chauffeur qui transporte des Subsahariens a droit à un interrogatoire d’une dizaine de minutes. Ce qui les agace et les pousse à refuser de transporter des Subsahariens».
Mohammed Karzazi, membre de l’AMDH Oujda, différencie, pour sa part, entre deux époques : avant et après la mise en place de la nouvelle politique nationale de la migration et de l’asile. «Auparavant, la liberté de circulation des migrants subsahariens était fortement restreinte. Il leur était interdit de prendre les trains, les autocars et les petits taxis. Et même les demandeurs d’asile étaient victimes de ces interdictions. Il a fallu attendre le lancement de la nouvelle politique en 2013 pour que cette liberté de circulation soit acquise de nouveau mais avec des restrictions», nous a-t-il expliqué.
Alpha Camara, secrétaire général de la Plate-forme des associations et communautés subsahariennes au Maroc (ASCOMS), en sait des choses sur ces restrictions. D’après lui, plusieurs témoignages recueillis auprès des migrants indiquent qu’ils ne sont pas souvent les bienvenus dans certaines agences de voyages. «Et ce ne sont pas des cas isolés et uniques, mais, il s’agit bien de plusieurs cas et de faits survenus à plusieurs reprises», nous a-t-il déclaré. Et de préciser : «Ces restrictions ont atteint leur apogée en 2018 avec la vaste campagne d’arrestations et de refoulements vers l’intérieur du pays qui avait enregistré, selon un bilan non officiel, l’arrestation et l’éloignement de 3.400 à 3.500 migrants vers Marrakech, Tiznit et Béni Mellal».
Pourtant, Said Machak, chercheur en droit international sur la migration et l’asile, avance que la liberté de circulation pour les migrants n’est pas un droit absolu et que certaines réserves l’encadrent. Ceci d’autant plus que le droit de circuler prévu en droit international, comme le précise Isabelle Sauriol, est généralement invoqué au niveau des sorties et non des entrées.
En fait, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) est clair. Si son article 12 stipule que «quiconque se trouve légalement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence» et que «toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien», le paragraphe trois de cet article édicte que «les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l'objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par ledit Pacte».
La Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants (1990), dispose dans son article 8 que « les travailleurs migrants et les membres de leur famille sont libres de quitter tout Etat, y compris leur Etat d'origine. Ce droit ne peut faire l'objet que de restrictions prévues par la loi, nécessaires à la protection de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques, ou des droits et libertés d'autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par la présente partie de la Convention». Idem pour la Convention relative aux droits de l’enfant (1989) qui indique dans son article 10 que «le droit de quitter tout pays ne peut faire l’objet que de restrictions prescrites par la loi qui sont nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et qui sont compatibles avec les autres droits reconnus dans la présente Convention».
«Cela veut dire que la liberté de circulation est soumise aux lois nationales et qu’elle est garantie en premier lieu aux personnes en situation administrative régulière. Et du coup, les personnes en situation administrative irrégulière ne peuvent pas en bénéficier», nous a-t-il précisé. Et de conclure : «Mais, ces restrictions à la liberté de circulation doivent être opérées par les pouvoirs publics et non par des agences de voyages ou autres qui n’ont ni l’habilité juridique ni le droit de vérifier les identités des personnes désireuses de voyager».