Rapport de la BAD sur la sécurité alimentaire : Dépendance et vulnérabilité du Maroc face aux importations de céréales


Mohammed Taleb
Vendredi 23 Novembre 2012

Rapport de la BAD sur la sécurité alimentaire : Dépendance et vulnérabilité du Maroc face aux importations de céréales
Le Maroc  est fortement dépendant des importations de céréales.  Cependant, sa forte dépendance à l’importation le rend fragile aux chocs quantitatifs tels que les embargos commerciaux ou les interdictions d’exportation des pays exportateurs de produits alimentaires. Ce constat est contenu dans un récent rapport intitulé «L’économie politique de la sécurité alimentaire en Afrique du Nord» publié par la Banque africaine de développement (BAD).
D’après ce rapport, les années 2000 ont été marquées par une grave explosion des cours mondiaux des denrées alimentaires. En 2007 et pendant la première moitié de 2008, les prix des produits alimentaires ont flambé. De mars 2007 à mars 2008, les prix du blé ont grimpé de 130% en moyenne partout dans le monde. Les cours du pétrole et des matières premières ont chuté à la fin de 2008 du fait du ralentissement de l'économie mondiale, mais ceux des produits alimentaires ont atteint des niveaux record pendant la première moitié de 2011 et devraient rester élevés dans un avenir prévisible. Ce choc a poussé de nombreux pays à s'intéresser de nouveau à la question de la sécurité alimentaire, l'Afrique du Nord, constituée de l'Egypte, la Libye, la Tunisie, l'Algérie, le Maroc et la Mauritanie, n'était pas en reste.
Le Maroc et la Tunisie se retrouvent dans la catégorie des plus vulnérables, car ils sont tous deux extrêmement dépendants des importations de céréales et en proie à des contraintes budgétaires.  La BAD compare cette situation à celle de l’Egypte qui est un grand producteur agricole et moins dépendante des importations de céréales, mais malgré cette donne, elle connaît des difficultés budgétaires qui la rendent vulnérable à l’envolée des cours mondiaux.
Du côté de la sécurité alimentaire, ce rapport a adopté les données les plus récentes de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) sur la sécurité alimentaire dans le monde arabe et a utilisé également des indicateurs de microniveau et de macroniveau.
D'après deux indicateurs combinés, à savoir l'indicateur de microniveau qui souligne la prévalence du retard de croissance chez les enfants, et l'indicateur de macroniveau qui mesure le volume des importations de denrées alimentaires par rapport à l'ensemble des exportations et aux envois nets de fonds de l’étranger.  Ce rapport a classé  le Maroc, avec l’Algérie et l’Egypte, dans une situation grave, tandis qu’il estime que la situation en   Mauritanie est alarmante, et ce au moment où elle est modérée en Tunisie et en  Libye.
Au regard des données de l’IFM au microniveau, l’indice forêt météo, le Maroc est le seul pays où le niveau de la faim est modéré, tandis que  la Mauritanie apparaît comme le pays faisant face aux plus graves problèmes de sécurité alimentaire en Afrique du Nord. Cependant, une fois que les indicateurs macroéconomiques (tels que la dépendance aux importations de produits alimentaires et la situation budgétaire) sont pris en compte dans l’analyse, tous les pays d’Afrique du Nord semblent confrontés à des problèmes de sécurité alimentaire.
S’agissant du rythme d’inflation des prix alimentaires dans les cinq pays d’Afrique du Nord, ledit rapport souligne qu’en Mauritanie, en Algérie et en Egypte, l’augmentation des prix alimentaires était plus importante qu’en Tunisie et au Maroc, une situation qui  tient au fait que le secteur agricole de ces deux derniers pays est plus important.  Ce rapport montre également que  le déficit des échanges agricoles a bondi en Egypte et en Algérie après la flambée des cours mondiaux des produits alimentaires de 2007/2008 et s’est considérablement apprécié en Libye et au Maroc.
 La BAD estime que le Maroc est un pays à revenu intermédiaire de tranche inférieure, tandis que la Libye, l’Algérie et la Tunisie sont des pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure. Ce qui  se répercute négativement sur le financement de ses importations de produits alimentaires et le rend particulièrement vulnérable à la flambée des prix des produits alimentaires.
En rappelant  qu’au Maroc et en Tunisie, plus de 12% des personnes se retrouvent sous le seuil de deux dollars par jour alors que cette proportion atteint 18,5% en Egypte.
Ce rapport souligne que  la pauvreté est sensible à la moindre augmentation du coût de la vie et même des chocs relativement mineurs sont susceptibles de faire basculer beaucoup de personnes dans la pauvreté. A cet égard, les paysans sans terre, les petits exploitants agricoles et les pauvres des villes constituent les groupes les plus vulnérables.
Le fait de posséder d’importantes ressources minérales ne garantit pas cependant la sécurité alimentaire, notamment le cas de l’Algérie, selon la BAD qui estime que «tous les pays d’Afrique du Nord semblent confrontés à des problèmes de sécurité alimentaire». Le rapport souligne, par ailleurs, que la sécurité et la souveraineté alimentaires en Afrique du Nord ne peuvent être abordées d’un point de vue purement économique. «Elles ont également de profondes connotations politiques, comme en attestent le rôle joué par les prix des denrées alimentaires dans la vie politique des pays pendant le Printemps arabe, ainsi que les répercussions politiques du recours à un nombre restreint de fournisseurs de céréales pour l’essentiel des besoins alimentaires de la région».
C’est pourquoi les futures approches en matière de sécurité alimentaire devront mettre l’accent sur les voies et moyens permettant aux pays d’Afrique du Nord de mieux se positionner pour tirer parti des marchés alimentaires mondiaux.
Par ailleurs, l’intérêt croissant pour la production alimentaire locale montre qu’on est devenu de plus en plus préoccupé par la souveraineté alimentaire. Les importations de vivres continueront de jouer un rôle clé dans la sécurité alimentaire.
En fait, il serait risqué de réagir à la récente crise alimentaire mondiale en pensant que la production alimentaire locale et le secteur agricole constituent à eux seuls la panacée pour parvenir à la sécurité alimentaire. Une approche globale et plurielle en matière de sécurité alimentaire constitue la voie à suivre, car elle ne peut être séparée du besoin plus général et plus pressant d’une nouvelle stratégie de développement socioéconomique inclusif, conclut la Banque africaine de développement. 


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