Je me permets d’emblée de préciser que la télévision, en tant qu’expression spécifique, est un produit difficilement critiquable : on ne critique pas un meuble ! Ce n’est pas de la littérature encore moins du cinéma. La télévision c’est d’abord un flux, en parler nécessite d’opérer des coupes, ce qui casse sa logique de fonctionnement. Situation rendue encore plus insolite par la multiplication de l’offre télévisuelle, par la multiplication des chaînes. L’acte critique change alors de nature, il passe désormais par un outil formidable, la télécommande. L’arme de la critique devient, chez le téléspectateur lambda, la critique par l’arme du zapping.
C’est une expérience largement vérifiable ; par exemple pour la publicité qui déferle sur nos écrans à l’occasion du mois de Ramadan, elle en a eu à ce propos pour son arrogance : dès le premier spot on cherche ailleurs un écran plus clément. Les téléspectateurs, en zappant, se défendent face à cette agression à domicile. Mais le gros des interventions se fait sur le rire à la télévision proposé pendant le Ramadan; il y a alors deux aspects de la problématique. L'un s'inscrit dans une démarche stratégique qui trahit davantage un malaise à l'égard du media lui-même et l'autre aspect auquel j'adhère vise à atténuer ce rejet par le recours à une approche à la fois comparative et microtextuelle, c’est-à-dire inhérente au produit dans sa fabrication.
Je dirai alors que ce que nous avons vu durant cette première semaine ramadanienne et ce que nous continuons de voir n’est pas plus bête que ce que distillent à longueur de journées les grandes chaînes de télévision internationales : le comique de TF1 est aussi insipide, fade, idiot que celui du prime time de notre cher pôle public. La bêtise en matière cathodique n'a pas de frontière; elle n’est pas une exclusivité marocaine. Ceci dit, il est important d’aborder ces produits aussi comme expression de l’imaginaire d’une époque ; comme expression des tendances profondes qui ne trouvent leur traduction par exemple que dans la fiction, lieu des représentations par excellence ; et à ce niveau, on apprend des choses. D’abord sur la langue. Il est indéniable que le grand changement, la grande nouveauté résident dans la réconciliation de la télévision avec le parler des Marocains, celui de tous les jours.
C’est peu, et c’est tellement évident, mais c’est original dans notre paysage culturel marqué par une véritable aliénation linguistique. C’est désormais un acquis à partir duquel on peut bâtir. Le reste, c’est une question de production et de persévérance; dans ce reste, ce Ramadan 2009 a apporté des acquis essentiels que nous résumons à deux niveaux. Si un changement s'opère, il est dans l'émergence de nouvelles générations de comédiens et de comédiennes. Ce sont eux qui prennent en charge la médiation sociale du discours télévisuel ramadanien. Ils paient de leur corps entier dans des sacrifices énormes et variés le peu de moyens ici, le manque de créativité là…Ils sont la figure positive de ce mouvement d'ensemble qui se dessine dans toute la mouvance artistique.
L'autre changement qui a marqué la production audiovisuelle de ce Ramadan est l'effort réel au niveau de la forme. De jeunes réalisateurs ont marqué de leurs empreintes "modernes" plusieurs émissions et programmes. Je peux alors citer deux exemples qui illustrent ces deux acquis (prestation de comédiens et de comédiennes plus une évolution de la mise en image) Dar Alwarath sur Aloula et Cool center sur la 2.