L’actualité du sujet au Maroc est illustrée chaque année par les polémiques suscitées par la programmation télévisuelle dédiée au Ramadan. Mais la réflexion touche aussi le cinéma puisque depuis 2004, on a instauré au sein du Fonds d’aide rebaptisé avance sur recettes, une rubrique destinée au développement de l’écriture. Une manière de professionnaliser davantage ce volet de la création cinématographique. Il semblerait qu’au sein des chaînes de télévision on s’achemine vers l’idée de consacrer des ateliers à l’écriture dramatique. Certaines expériences menées dans le passé ont montré que c’était une piste qu’il fallait creuser…On se souvient du succès de la sitcom Lala Fatéma qui avait séduit certes par sa maîtrise technique, la prestation des comédiens mais aussi par la cohérence d’ensemble de structure dramatique. C’était le résultat d’un travail d’équipe en amont. Le succès actuel de Dar Alwaratha ne s’explique pas autrement : c’est un travail collectif qui préside à l’écriture de la série même si chaque épisode porte l’empreinte de l’un ou de l’autre des auteurs engagés dans le projet.
Sur un plan théorique se pose la question de la spécificité de l’écriture selon que le projet est destiné au cinéma ou à la télévision. Certes, on peut évacuer facilement la question en postulant qu’il n’y a aucune différence intrinsèque. Postulat renforcé par le fait que tous les films finissent par être récupérés par le petit écran, y compris les fameux cinémascopes nés avant la télévision. D’autant plus aussi que sur un plan technologique, le numérique facilite le kinescopage, autrement dit même un film tourné dans les conditions de la télévision, en caméra-vidéo, peut se retrouver dans de bonnes conditions de projection sur grand écran. D’autant plus enfin que la télévision est devenue le principal bailleur de fonds du cinéma et qu’elle est déjà inscrite dans les gènes du film en projet avec souvent des implications esthétiques flagrantes. Il n’empêche cependant que la question mérite d’être posée.
Il s’agit alors d’aborder la spécificité du téléfilm par rapport au cinéma, non pas en termes d’infériorité, de prestige ou d’égalité, mais en termes d’altérité et d’originalité. L’écriture télévisuelle n’est pas toujours un genre mineur.
Il n’en demeure pas moins qu’elle obéit à des paramètres qui ne sont pas forcément pris en compte au moment de l’écriture pour le cinéma. Ecrire un téléfilm, c’est intégrer ce fait essentiel lié à la nature du médium lui-même, à savoir son caractère intimiste. Un produit télévisuel est destiné à un environnement familial. La réception surdétermine l’émission. Le contenu et le langage sont marqués par le concept de la proximité qui, elle-même, se décline à travers des variations en liaison avec le choix des personnages ; le milieu socio-économique, leur âge et professions ; les relations et les émotions qu’ils développent. Cela contribue à poser les éléments d’un univers diégétique qui peut facilement être repérable. Il est porté, en outre, par une narration souvent linéaire et un recours à des cadrages performatifs : ils fixent d’emblée le sens, d’où l’usage récurrent du gros plan.
Un téléfilm est un produit de proximité qui, même sur le plan des moyens mis en œuvre, fait davantage appel à l’économie : on ne parle que très rarement d’un téléfilm en termes de super-production. Les fresques historiques sont également rarissimes.
Au Maroc, le téléfilm est encore un territoire vierge ; il peut donner lieu à une activité fictionnelle qui finira par toucher le cinéma. Des jeunes annoncent déjà la couleur et affûtent leurs armées pour investir demain le grand écran. Je pense en particulier à quelqu’un comme Brahim Chkiri qui est la véritable révélation de ce Ramadan en matière de téléfilms. Ces films destinés à la télévision sont portés par un véritable souffle cinéphilique. On lui souhaite de passer bientôt à une véritable expérience de long métrage de cinéma.