Proverbe chinois
Le salon du livre bat son plein : les reportages de la télé le confirment, et les statistiques du nombre de visiteurs démontrent un engouement toujours renouvelé du public pour le salon : un public de tous les âges, de toutes les couches sociales et surtout ces vagues successives de groupes d’écoliers arrivés en ordre pour mettre de la vie et de l’espoir parmi les rayons et les stands. Est-ce pour autant une opportunité pour dire que le livre monte à l’assaut du S(c)iel ?
Ces belles images enthousiastes signifient-elles que le livre et la lecture se portent bien chez nous ? Hélas, la réponse est loin d’être affirmative. Bien au contraire ; des chiffres et des études fiables disent un tout autre état des choses, un état lamentable de la situation de la lecture dans notre pays classé bon dernier dans les classements établis par l’UNESCO. Certes, il faut saluer comme il se doit l’initiative d’organiser un rendez-vous récurrent pour fêter le livre et la lecture. De tous les points de vue, le SIEL est un acquis qui est venu enrichir le paysage culturel…Il offre au moins une fois l’an l’occasion de se voir dans le miroir et de s’interroger, à un niveau quasi personnel sur le livre acheté, le dernier livre lu, prêté, emprunté, échangé… Autour de ce moussem magnifique, il faut se poser les questions essentielles sur le devenir de la lecture dans notre pays. S’interroger avec humilité, et avec lucidité autant que possible se peut. La réalité de la lecture dans notre contexte est la résultante de plusieurs paramètres dont la compréhension fait appel à plusieurs disciplines de recherches dont fondamentalement l’histoire et l’anthropologie. L’acte de lire dans notre imaginaire s’inscrit dans une logique irriguée de sacré, d’exclusivité : un acte élitiste, confiné dans certains milieux fermés. La lecture au sens moderne est une conquête récente ; elle est encore une pratique insolite liée à l’école, aux examens, aux fonctions utilitaires et pragmatiques.
Lire (comme écrire) constitue cependant un attribut du projet de la constitution d’un sujet autonome. Lire pour se constituer comme sujet suppose une ouverture sur la diversité qu’offrent aujourd’hui les moyens techniques : on a l’habitude de relever que les jeunes ne lisent pas ; observation qu’il faudrait atténuer ; aujourd’hui, un jeune lit beaucoup mais de quelle lecture s’agit-il ? Quel est le chemin à parcourir entre la pratique quasi permanente de lire un texto, un SMS et la capacité de lire un roman, un essai, un recueil de poèmes ou de nouvelles ? Changer le format du livre ? Le livre électronique ?...C’est le défi qui s’impose aujourd’hui devant les différents acteurs concernés par la problématique du livre et de la lecture.