Quelles réponses pour l’emploi, la croissance et la relance économique ? «On ne peut pas gouverner et plaire à la rue»


Narjis Rerhaye
Jeudi 3 Mai 2012

Premier test pour l’équipe gouvernementale, la célébration du 1er Mai s’est plutôt bien passée. Les doléances et slogans scandés ont été puisés dans le registre des revendications des travailleurs. Rien de grave ni de menaçant. Augmentation des salaires, travail pour tous, garantie du droit de grève : les marches organisées à travers les principales villes du pays ont dans l’ensemble respecté la tradition du 1er Mai : une fête du travail, dans une ambiance bon enfant faisant presque  oublier les tensions sociales.
Après ses 100 jours aux commandes du pouvoir, le gouvernement Benkirane surfe sur la vague de la popularité. Le  déficit social et la crise économique n’ont pas encore rattrapé l’Exécutif. L’adoption par la Chambre basse d’une loi de Finances décevante, n’a pas (encore) altéré le moral des ménages. Le chef de gouvernement et ses troupes  du PJD sont au cœur des discussions, dans les chaumières et les cafés.  «Parce que Benkirane et les siens savent entretenir ce lien avec les citoyens qui sont à leurs yeux des électeurs d’abord et avant tout. Un tel lien, tout le monde l’aura remarqué, est fondé sur le populisme dans ses expressions les plus criardes », fait remarquer un cacique de l’Union socialiste des forces populaires. Le discours prononcé, mardi 1er mai, à Casablanca, par celui qui conduit l’Exécutif est à ce titre révélateur d’une manière de faire. Face aux masses ouvrières, Abdelilah Benkirane a, comme il sait bien le faire, harangué les foules. Non, il ne sera pas question d’amélioration des conditions de vie des Marocains. Il ne sera pas question non plus d’augmentation de salaires, d’emploi pour les diplômés chômeurs, pas même la garantie du droit de grève comme dernier recours dans le processus de revendication. Ce 1er Mai, à Casablanca, sur l’avenue Bouchaib Doukkali, le chef de gouvernement, en guest star de la centrale syndicale islamiste, a longuement parlé du «complot contre le gouvernement et le PJD», de ces poches de résistance qui se dressent contre le changement et la réforme et  de ces «adversaires qui veulent parasiter les rapports de Benkirane avec le Roi». «Vous m’avez élu. Je suis là parce que vous m’avez choisi», a lancé Abdelilah Benkirane, comme un lendemain de victoire électorale, devant des syndicalistes encartés PJD en délire.

Discours fondé sur la morale et le panier de la ménagère

Surfant plus que jamais sur la vague du complot et des ennemis de la réforme, le PJD agit à l’évidence comme un parti de l’opposition et non pas comme un parti au pouvoir. «Le chef de gouvernement et ses ministres islamistes sont dans le discours de la morale et de la vertu. Aucune solution n’est proposée pour sortir le Maroc de la crise et les Marocains de la précarité. Il n’y a même pas de déclarations de bonnes intentions, mais du discours construit sur les ennemis de la lutte contre al fassad.
Ceux qui critiquent l’action gouvernementale qui se réduit pour l’heure à un show politique, ceux qui s’élèvent contre les sorties des ministres islamistes, tous ceux-là prennent le risque de se voir accusés d’être contre le changement, à la solde de sphères alimentant la résistance contre le gouvernement et son action. Bref, le message du PJD est clair : pas de place pour les voix dissonantes, pas de place pour le débat contradictoire», explique cette  figure de la société civile.
Mais un tel discours peut-il se substituer au panier de la ménagère? Peut-il contribuer à l’amélioration du climat des affaires? Suscitera-t-il la relance économique? Avec  ce discours  construit quasi exclusivement sur la morale, le gouvernement conservateur  mettra-t-il un terme à l’enclavement, à la précarité, à l’inégalité dans l’accès aux soins ou à un habitat décent? «Abdelilah  Benkirane sait bien que non. Et c’est bien pour cette raison qu’ils préfèrent lui et les siens appartenant au gouvernement mobiliser les foules sur des thématiques pour le moment encore porteuses mais qui, à terme, ne vont plus faire recette. Passé le temps de la dénonciation, de l’accusation et de la victimisation, les citoyens qui ne manquent pas d’intelligence vont réclamer du concret et surtout une vie meilleure», répond cette députée de l’opposition.
En 100 jours de gouvernement, les réformes annoncées tambour battant par certains ministres de l’Exécutif qui ont la particularité d’être tous du PJD, relèvent plus de l’effet d’annonce que d’une politique de réforme structurelle.  Les partis de la coalition gouvernementale, notamment le PPS et l’Istiqlal,  ont été les premiers à s’en inquiéter et à  appeler à un recadrage de l’action gouvernementale. «Des dossiers urgents attendent des réponses : l’emploi, l’habitat, la santé, la relance économique. Le gouvernement doit s’y atteler», avait fait d’ailleurs savoir le PPS à travers un communiqué de son bureau politique
«Sur les questions économiques de fond et les grandes réformes emblématiques comme celle de la Caisse de compensation ou encore celle des retraites, ce gouvernement botte en touche, comme incapable de prendre le taureau par les cornes et s’engouffrer dans des réformes nécessaires mais qui risquent d’être impopulaires. Les islamistes du gouvernement n’ont pas encore compris que la réforme ne rime pas forcément avec popularité. On ne peut pas gouverner et plaire à la rue à la fois», conclut cet économiste dont le cœur bat à gauche.


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