Qu’il est loin, le temps de l’âge d’or des lutteurs au Pakistan


AFP
Jeudi 31 Janvier 2013

Qu’il est loin, le temps de l’âge d’or des lutteurs au Pakistan
Pendant des décennies, le cercle de terre proche de Lahore  a aiguisé le talent de la plus célèbre dynastie de lutteurs du Pakistan. Aujourd’hui, c’est un cimetière abritant leurs dépouilles, témoin du déclin d’un sport séculaire autrefois symbole de la nation musulmane. Les frères Bholu y sont enterrés sous un mausolée de marbre et un arbre banyan vieux de plusieurs siècles dans une propriété comme figée dans le temps entre un vieux terrain de lutte boueux, une salle de gym abandonnée et un jardin délabré. La négligence du gouvernement et la pauvreté ont fait oublier les exploits de lutteurs pakistanais, autrefois portés par des milliers de spectateurs.
Ils avaient connu la gloire avec, de 1954 à 1970, 18 médailles d’or aux Jeux du Commonwealth, cinq aux Jeux asiatiques et une de bronze aux Jeux Olympiques.
Depuis, à part une médaille d’or aux Jeux asiatiques en 1986 et deux aux Jeux du Commonwealth de 2010, on n’a guère plus vu de victoires internationales.
“Je ne peux pas parler de lutte, ça me fait mal. Nous avons perdu toute la gloire et c’est douloureux de se rappeler les beaux jours”, explique Abid Aslam, dont le frère, Jhara, fut le dernier des Bholu, lutteurs depuis 1850, titré.
Cette génération dorée de frères (Bholu — qui a donné son nom à la dynastie —, Azam, Aslam, Akram et Goga) qui s’entraînait à Lahore accumula les exploits sur le circuit international des exhibitions.
En mai 1967 au stade de Wembley à Londres, Bholu devient champion du monde des poids lourds face au tenant du titre franco-anglais Henry Perry. Aslam et Azam combattront eux aussi à travers le monde et vaincront d’autres champions, du Canada au Liban en passant par l’Australie, les Etats-Unis...
Jhara, décédé en 1991 à 31 ans, fut le dernier grand nom de la famille.
Son frère Abid s’est gardé de suivre ses traces, devenant homme d’affaires entre construction, immobilier et import-export.
“Quand vous êtes numéro un et que personne ne vous respecte, que le gouvernement ne se soucie pas que vous et votre famille n’ont pas les moyens suffisants, mieux vaut faire des affaires et gagner de l’argent”, dit-il. Pendant des siècles, les lutteurs firent la gloire des États indiens, chouchoutés par les souverains. Mais après la partition de l’empire des Indes en 1947, le nouvel Etat du Pakistan les peu à peu a ignorés.
Ceux qui sont restés dans le sport disent que sur les 300 terrains de lutte recensés en 1947, à peine 30 fonctionnent encore, et que le nombre de lutteurs a lui chuté d’environ 7.000 à 300.
La plupart des terrains de lutte, principalement dans les provinces du Pendjab (centre) et du Sind (sud), sont déserts et peu de jeunes sont tentés de se huiler le corps et de consumer leur énergie à se battre dans la boue toute la journée.
Shehwar Tahir, 19 ans, est l’un de ces pionniers.
“Les jeunes ne veulent pas devenir lutteurs. Ils disent: +Pourquoi jouer à ce jeu quand il n’y a pas d’avenir, pas d’argent?+”, explique-t-il.
Tahir se réveille à 4 heures du matin, fait des pompes, dit la prière du matin et retourne se coucher. Il se réveille dans l’après-midi et s’entraîne, après avoir aplani lui-même le terrain de 30 mètres carrés avec une grande houe.
Pour cela, il dit avoir besoin de manger tous les jours du pain, du poulet, des fruits et deux kilos d’amandes.
Ce régime, beaucoup de gens ne peuvent se le permettre dans un pays où le chômage est énorme et où les attaques des talibans et d’Al-Qaïda ont plombé l’économie depuis dix ans, note Amir Butt, l’entraîneur de Tahir.


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