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Fruit d’une grande expérience poétique et d’une passion renouvelée, le recueil «Prière des paupières» (Salatou Alachfar) de l’écrivain Azedine Idrissi a été publié récemment, dans l’imprimerie Anajah Aljadida. La couverture de cette nouvelle production poétique est illustrée par un tableau merveilleux de Meki Megara, une figure incontestée de l’art contemporain au Maroc.
Plus de deux cents poèmes sur différents thèmes, constituent la trame textuelle de ce recueil et la synthèse de la vie de son auteur illuminé, qui a dans son actif tout un répertoire foisonnant et abondant : Illuminations (1986), Naissance d’une étoile (1988), Grains des fleurs (1993), Palpitation de la passion (1995), Sang des roses (1998), Langage des anges (2001), Perles et porphyres (2007).
Les poèmes de Azedine Idrissi (vit et travaille à Casablanca) ont suscité par leurs textes métaphoriques et polysémiques de nombreuses interprétations et approches analytiques. Ici, le poète joue avec les mots, les percepts et les sons en un tableau polyphonique très coloré, déjà auteur des « Illuminations », sur les traces de Arthur Rimbaud qui disait :"J'ai cru voir, parfois j'ai cru sentir de cette façon, et je le dis, je le raconte, parce que je trouve cela aussi intéressant qu'autre chose. Je pense, donc je suis un autre".
Les poèmes se présentent comme des fragments et des univers où on peut s’évader et contempler nos propres réalités, sens et couleurs (naissances latentes). Les images poétiques ont une valeur symbolique. Elles dénoncent la cruauté et la haine et enchantent la fierté, la pureté et l’amour au sens platonicien du terme. Le poète loue également les vertus de la sérénité, de la paix et de la majesté. Aussi, on décèle toute une évocation symbolique des cieux et des horizons (suprême clairon, anges, rêves, femmes). Peut-être une allusion à tous les amateurs de poésie hantés par la quête de la vérité : un abécédaire de la passion dans ses connotations mystiques. L’œuvre de Azedine Idrissi éveille en nous un désir inconscient d’une expression magique : la poésie qui nous procure un moment agréable.
Dans son nouveau recueil «Prière des paupières» (422 pages), le poète nous invite à percevoir tout un chromatisme musical ou audition colorée. Il meuble ses univers visuels et leur attribue les sons des voyelles, à la recherche d'une langue complète et universelle, résumant tout, «parfums, sons et couleurs» : c’est la langue de « l’aisé inaccessible». Le poète figure parmi les acteurs culturels qui contribuent de façon déterminante au retour de la poésie dans l’espace public. Ainsi, a-t-il bien voulu l’inscrire dans une action au long cours. Derrière chacune de ses publications, des convictions fermes : la création poétique contemporaine est riche de son extraordinaire diversité, elle est aussi le lieu où la langue est maintenue à son plus haut degré d’intensité et, en cela, elle incarne une objection forte aux démagogies régnantes. C’est au nom de ces convictions que Azedine Idrissi travaille jour après jour, à rendre la poésie disponible à tous. Il a dépassé les clichés autour de la poésie : la formes lyrique et rimée est une perpétuelle métamorphose. A l’instar d’un ciseleur, le poète travaille la forme du langage, sans chercher de point d’arrivée, il conteste les formes dominantes, les formes historiquement léguées, il est en recherche de la forme, c’est un atelier, un laboratoire de formes, le lieu où se réinvente sans cesse le texte.
La poésie chez Azedine Idrissi est souvent liée à un aspect édulcoré du sentiment, du rêve et de l’évasion ; c’est une image lénifiante, romantique, aseptisée, douce, lyrique. Par ailleurs, on lit des poèmes qui dérangent et qui renvoient au complexe et au tragique. Le poète est perçu comme un rêveur, un illuminé et un évadé, son seul souci c’est la confrontation à la réalité. La réalité poétique demeure notre apparence, notre identité de surface, mais c’est aussi notre vie intérieure, nos aspirations, nos inquiétudes, notre mémoire collective…
Ainsi, la poésie de Azedine Idrissi nous parle de notre réalité pleine et entière, elle renvoie à notre «moi» inscrit dans le monde. Rilke disait «la poésie est le lieu d’une expérience», c’est finalement l’expérience de notre propre rapport au monde. Ici, la poésie est une façon d’être au monde, de le questionner, de s’interroger sur les choses existentielles. Sur son expérience créative, le poète a confié à Libé : «La rencontre avec le poème, c’est comme la rencontre avec une femme, elle suppose le temps, la patience, la fréquentation, un désir de découvrir et une certaine attente en même temps. Pas de poésie sans femme. Je cherche la beauté de l’âme et de l’esprit. Je rends un fervent hommage à la beauté mystique, devenue le havre de créativité et le génie d’innovation exceptionnel. Depuis que j’ai découvert la poésie, je fus ébloui par ses illuminations et ses révélations. Le divin, la femme, la nature et l’humanité constituent une véritable richesse symbolique aux ressources intarissables». Sa déclaration d’amour soufi pour les vérités divines a été si bien traduite par le poète à travers son recueil, consacré à la beauté latente, à laquelle il a choisi l’intitulé touchant et très expressif «Prière des paupières» : c’est cette beauté fugace qui lui a insufflé l’inspiration poétique et c’est à nous de faire le chemin du sens.
Reste à souligner que Azedine Idrissi, juriste et titulaire d’un doctorat en lettres et sciences humaines, conçoit la poésie comme une façon de traverser le monde, l’esprit ouvert, curieux, c’est s’interroger sur la complexité de la vie. Lieu de forte implication où l’être se révèle, l’acte d’écriture nous rappelle la citation de Octavio Paz : «La poésie n’est pas incompréhensible, elle est inexplicable».