D’ailleurs l’apprentissage des langues, aussi étrange que cela puisse paraître, met en branle la fixité de notre identité. Celui qui apprend le français sait qu’il n’est plus le même et sait aussi que cette langue qu’il a apprise n’enlève rien à sa langue d’origine. Autrement dit, en apprenant une langue étrangère, on se transforme en s’enrichissant. Il n’y a donc rien à craindre vis-à-vis de l’apprentissage des langues étrangères et de l’apprentissage tout court. Apprendre qui peut !
L’apprentissage des langues pourrait être comparé à une aventure amoureuse, n’ayons pas peur de profiter de cette expérience fructueuse et avantageuse ! Ainsi donc, comme on l’aura compris, l’apprentissage des langues ne remplit pas seulement une dimension fonctionnelle, utile, mais, plus que ça, il sert à ce que les uns et les autres se transforment. Se transformer pour devenir autre que soi-même, un individu au bon sens du terme.
De même que la langue sert à la vie, à permettre à celui qui la maîtrise de trouver facilement un emploi, de même qu’elle sert également à vivre, sauf que cette fois-ci vivre signifierait être, être dans le monde, en ce qu’apprendre une langue nous donne la chance d’en être plus proche et ce par sa compréhension. Lire par exemple Goethe dans sa langue d’origine aide mieux à être dans le monde allemand, donc, à saisir ce que l’allemand a de culturel.
Apprendre peu de langues, c’est être moins dans le monde, car dans ce cas on en sait encore moins. On le voit, les langues ne sont pas séparées de l’être, elles sont l’être. Voyez donc, la question de la langue, vue de ce côté, reste une problématique qui n’en est pas moins complexe. Alors, suivant ce point de vue, on peut se demander ce qu’il en est de ceux qui nous disent qu’il faut mettre au premier plan de l’apprentissage l’anglais et le chinois, d’autres opteraient pour l’allemand !
A vrai dire, ces gens ne pensent pas, sinon, du moins, ils pensent mal. Il est évident que ce qu’ils pensent des langues s’en tient juste au travail, à la loi du marché, en aucun cas, ils ne pensent les langues en ce qu’elles sont un moyen pour comprendre l’Autre. Le moins qu’on puisse dire en est que ces gens-là ont la tête dans le ventre. Têtes d’emploi !
Mais en outre, la maîtrise d’une langue donnée ne se limite pas à la maîtrise de sa syntaxe, sinon alors, on est encore loin de la culture. Nous saisissons le génie de celle-ci une fois nous parvenons à détecter son humour.
D’où l’intérêt de la littérature qui rend possible l’accès non seulement à la langue en tant que moyen de communication mais plutôt à repérer ce que la langue a d’humoristique et de culturel, tant est si vrai le fait qu’humour et culture vont de pair. Pourrait-on prétendre connaître une culture si l’on ignore son humour et son ironie?
La langue sans la littérature n’incarne pas toute la culture. S’ajoutent évidemment à la langue naturelle, verbale, d’autres formes linguistiques qui sont inhérentes à d’autres domaines différents, notamment le domaine artistique. Nous en citerons principalement le langage musical qui s’exprime à travers la chanson. Enseigner une chanson française par exemple s’inscrit parfaitement dans l’apprentissage des langues étant donné que l’art de la chanson est un moyen d’expression culturel.
Une chanson française est susceptible de nous apprendre non seulement le vocabulaire et la syntaxe français mais elle nous transmet tout un art, l’art français. Rien donc à craindre des langues des autres, rien à craindre des autres, mais tout à craindre de l’esprit sclérosé et borné !
Par Najib Allioui
Professeur agrégé de français
aux classes préparatoires de BTS