Pour les ex-yakuza japonais, de faux doigts pour une vraie vie


AFP
Mercredi 3 Juillet 2013

Pour les ex-yakuza japonais, de faux doigts pour une vraie vie
Quand un yakuza (mafieux nippon) jette l'éponge, il a beau être "rangé", son passé se voit tout de suite: il lui manque un doigt, parfois plusieurs. Une solution: des faux.
"Regardez! On dirait des vrais, non?". La cinquantaine bien tassée, Toru n'est pas peu fier de ses deux nouveaux auriculaires et de son annulaire gauche.
Il a d'emblée déboursé l'équivalent de 7.000 euros pour des moules de ses nouveaux doigts... et une nouvelle vie avec.
"Il n'y a qu'une personne, une vieille de 70 ans, qui ait remarqué tout de suite. Alors je lui ai raconté que j'avais eu un accident du travail dans une usine", raconte Toru, un faux prénom car le passé yakuza colle malgré tout à la peau, et pour longtemps.
Comme la mafia italienne ou les triades chinoises, les organisations de yakuza sont dans tout: le jeu, la drogue, la prostitution, le racket, le blanchiment via des sociétés des plus honorables, etc...
Ces gangs, qui compteraient environ 63.000 membres, sont tolérés par les autorités, tant que ça ne se voit pas trop, même si une plus grande sévérité s'est appliquée à leur encontre ces dernières années.
En octobre 2012, un certain Keishu Tanaka avait dû quitter le gouvernement après avoir confessé des liens passés avec un chef yakuza et avoir participé il y a une trentaine d'années à une soirée organisée par un patron de la pègre de Yokohama, près de Tokyo. Problème: ce ministre, honorable vieillard de 74 ans, détenait le portefeuille... de la justice.
Dans l'imaginaire collectif, les yakuza sont certes souvent des héros dont les aventures sont transposées et romancées en BD ou au cinéma, mais la vraie vie est moins divertissante.
Les mafias japonaises observent un code d'honneur, et si un yakuza l'enfreint, il doit, pour se faire pardonner, se mutiler lui-même un doigt et l'offrir au parrain.
Une fois qu'on a quitté un syndicat du crime, la société japonaise vous rattrape toujours et impose ses règles et codes.
Histoire de Toru: tout allait bien pour ce grand gaillard qui gérait bien sa petite entreprise de "protection" de bars et clubs du quartier chaud de Kabukicho à Tokyo. Les gangs rivaux ne se hasardaient pas sur "son" territoire, et lui pouvait ramener de l'argent à ses patrons.
Mais un jour, pas de chance: un "frère", autrement dit un membre du même gang, a eu la mauvaise idée de toucher à la drogue et de se mettre à voler. Colère du boss. Danger. Alors pour calmer le chef, Toru se coupe la première phalange de l'auriculaire gauche.
Re-pas de chance: un autre frère fait à son tour des siennes. Seule solution pour Toru: une autre phalange.
"La première, tu peux la couper facilement. Tu l'attaches solidement et après tu appuies avec tout le poids de ton corps sur le couteau de cuisine. Mais la deuxième, c'était plus dur que je ne pensais". Il s'est fait aider par un frère.
Toru se met à boire, fait du scandale et saccage un bar. Re-re-pas de chance: le propriétaire est un ami de son chef.
On ressort le couteau: un petit bout supplémentaire d'auriculaire en moins. On a beau avoir dix doigts, ça commence à faire beaucoup, pense Toru qui finalement sera en quelque sorte sauvé par l'amour, mais dans la souffrance.
"J'ai rencontré une fille. Je voulais l'épouser, mais elle me disait qu'elle ne pouvait pas se marier avec un yakuza. Alors j'ai décidé de quitter le gang".
Las, on ne part pas comme ça... sur un claquement de doigts. Il faut en "offrir" un autre. Alors va pour l'annulaire. "J'ai essayé le bon vieux couteau de cuisine, mais c'était trop épais, la lame ne rentrait pas dans le muscle. Avec un frère on en est venu à bout avec un marteau et des ciseaux. Dieu que j'ai eu mal!"


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