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Ancienne employée du ministère de la Défense afghan, Zahra -- qui a choisi un pseudonyme de peur d'être identifiée -- a vécu trois longues années de procédures administratives à Islamabad dans l'espoir d'obtenir un visa américain de réfugié.
Depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021, les chancelleries occidentales ont fermé à Kaboul et les Afghans immigrent en masse vers le Pakistan pour y déposer des demandes de visas auprès des ambassades, avant d'attendre dans l'anxiété que leurs dossiers soient étudiés.
Ils craignent des représailles après avoir travaillé pour le précédent gouvernement ou fuient les mesures liberticides imposées par les talibans, particulièrement contre les femmes, ainsi que le chômage de masse en Afghanistan.
"La seule chose que nous souhaitons c'est d'être en sécurité et de vivre en paix, d'avoir une vie normale", dit Zahra, 27 ans. Elle se fait l'écho des appels de militants à aider les anciens fonctionnaires afghans ayant soutenu les Etats-Unis dans leur combat contre les forces talibanes. "On s'est tenu à leurs côtés ces 20 dernières années", rappelle-t-elle auprès de l'AFP.
Les Afghans ayant directement travaillé pour les Etats-Unis lors de l'intervention de l'OTAN (2001-2021) ont des visas d'immigration spécifiques et ne sont pas concernés par la mesure du président Trump. Celui-ci a décidé de geler pour 90 jours l'arrivée de réfugiés, à compter de lundi.
Cette mesure affecte quelque 10.000 Afghans, incluant des anciens soldats ou fonctionnaires, dont les dossiers avaient déjà été approuvés, d'après l'ONG AfghanEvac.
Des dizaines de milliers d'autres dont les demandes étaient dans les tuyaux sont également concernés, d'après cette source.
"Toute sorte de gens qui ont soutenu l'Amérique se trouvent désormais en danger", regrette Shawn VanDiver, fondateur de l'organisation. "Nous leur devons de les faire sortir".
L'accueil des réfugiés ne reprendra que lorsque cela ira dans le sens "des intérêts américains", d'après le décret du président Trump, qui estime que les Etats-Unis "n'ont pas la capacité d'absorber un grand nombre de migrants, et en particulier de réfugiés".
"J'avais beaucoup d'espoir pour mes soeurs, qu'elles puissent obtenir un diplôme et poursuivre leur éducation", témoigne anonymement une Afghane de 23 ans, fille d'un ancien fonctionnaire en attente d'immigration avec ses quatre soeurs. "Tous mes espoirs sont ruinés".
En 2024, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé que "l'ensemble des femmes afghanes" étaient susceptibles d'obtenir le statut de réfugiées en raison des mesures discriminatoires prises à leur encontre par les talibans.
Moniza Kakar, une avocate travaillant avec des Afghans au Pakistan, raconte que des réfugiées lui ont dit "préférer se suicider plutôt que retourner" dans leur pays.
Le gouvernement taliban invite ses compatriotes à rentrer en Afghanistan pour reconstruire le pays, assurant une amnistie aux anciens fonctionnaires et soldats.
Mais un rapport d'experts onusiens de 2023 affirme que cette amnistie est bafouée, et fait état d'informations "crédibles d'exécutions sommaires et d'actes relevant de disparitions forcées".
L'été dernier, la diplomatie pakistanaise indiquait que 25.000 Afghans étaient en attente d'immigration vers les Etats-Unis, à un moment où Islamabad menait des expulsions massives depuis 2023.
Au moins 800.000 Afghans ont quitté le Pakistan depuis octobre 2023, d'après l'ONG Norwegian Refugee Council (NRC).
N'ayant pas reçu de nouvelles consignes de la part de Washington, Islamabad s'en tient "au plan initial" selon lequel les réfugiés sur son territoire le quitteront cette année en direction des Etats-Unis, a affirmé cette semaine Shafqat Ali Khan, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
En attendant, les réfugiés afghans vivent souvent terrés, dans la crainte. Ils redoutent les descentes de police dans les auberges qui les hébergent, les extorsions ou les expulsions dans leur pays dont des Afghans sont victimes actuellement au Pakistan, selon des témoignages.
"Retourner en Afghanistan n'est pas une option et ici je vis misérablement", déplore Zahir Bahand, journaliste de 52 ans. "Il ne me reste plus rien: aucun avenir, aucune maison, aucun travail".