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Zineb El Adaoui présente un exposé devant les deux Chambres du Parlement sur les activités de la Cour des comptes au titre de 2023-2024
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Conférence à Rabat sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité maritime le long des côtes atlantiques africaines
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Le Maroc participe à Genève au er Congrès mondial sur les disparitions forcées
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Participation du Maroc à la 49ème session ordinaire du COREP en perspective du Sommet de l’UA
Abdelilah Benkirane s'adapte, sait capter l'instant. Il a aussi et surtout l'intelligence du moment politique. Il rassure autant qu'il effraie par ses déclarations intempestives, dérangeantes, inattendues. « Il est brut de décoffrage », expliquent ses proches. « Mais il a le cœur grand comme ça », s'empressent-ils d'ajouter. Entre l'intelligence du moment et l'opportunisme politique, il n'y a qu'un pas que le leader islamiste qui ne porte jamais de cravate n'hésite pas à franchir. Il dit que le PJD n'interdira pas la vente d'alcool au Maroc. « Il y a d'autres priorités plus urgentes », justifie-t-il. Il le sait, cela rassure les modernistes, les producteurs, les touristes, les chancelleries.
Dans le même temps, l'ancien de la Chabiba islamya, cette organisation islamiste clandestine qui s'en était prise violemment aux mouvements de gauche et serait responsable de l'assassinat de l’Ittihadi Omar Benjelloun, s'en est allé en guerre contre le concert d'Elton John au Maroc.
L'invitation de cet immense artiste britannique encouragerait l'homosexualité chez nous, a soutenu mordicus Abdelilah Benkirane. Parce que ce responsable politique peut aussi être d'une rare virulence. Démago et populiste, rétorquent ses adversaires. Parfois, l'intolérance n'est pas loin, elle est même à portée de main, au bout de la langue. Au Parlement, la scène est encore dans toutes les mémoires lorsqu'il s'en prit avec verve à une camerawoman de 2M parce qu'elle portait un t-shirt à courtes manches.
La liberté de conscience prônée par les dé-jeûneurs marocains de MALI a provoqué chez lui une colère noire. Les festivals culturels et artistiques réduits à des espaces de débauche, c'est encore lui. Les laïcs qui veulent arracher le Maroc de l'Islam, c'est toujours lui. Sa dernière bataille a été livrée il y a quelques mois à peine, au moment de la rédaction du projet de la nouvelle Constitution. Le leader et sa famille politique se battront bec et ongles contre l'introduction du principe de la liberté de culte…Il n'aura pas par contre gain de cause sur l'amazighité du Maroc : la langue amazighe sera élevée au rang de langue officielle du Maroc, malgré toutes les réticences du PJD et de son patron.
Abdelilah Benkirane parle aussi bien l'arabe que le français. Mais pas la langue de bois. Ses petites phrases -aux très fortes résonnances- font mouche dans le monde de la presse. Les « unes » de journaux en regorgent. Et c'est tant mieux pour la communication de celui qui se présente invariablement comme un fils du peuple, né à Rabat dans le quartier populaire « Akkari ». L'homme n'a pas non plus la langue dans la poche et l'a bien montré dans ses répliques contre le Parti authenticité et modernité, son ennemi juré. Il n'a jamais manqué de dire tout le mal qu'il pensait des fondateurs du PAM, allant jusqu'à mettre en garde le Roi sur le mode de « protégez-moi de mes amis… ». Alors que la campagne électorale pour les législatives du 25 novembre battait son plein, c'est le même Benkirane qui ripostait aux attaques du président du RNI et leader du G8 en lâchant : « Moi, en tout cas, je ne prends pas mes ordres chez Fouad Ali Al Himma et Ilyas El Omari!».
Les pro-Benkirane piaffent d'impatience
Abdelilah Benkirane dérange, en tout cas ne laisse pas insensible. Ses « frères » du PJD s'inquiètent parfois de ses emportements et parlent en aparté d'un « Monsieur la gaffe ». Ils ne sont pas près d'oublier le compte de solidarité avec la Palestine, une initiative Royale que Benkirane avait attribuée au PJD. Le leader islamiste minimise : « Je me suis mal exprimé tout simplement ».
Ses fidèles, eux, ne veulent retenir que les accents de sincérité d'un Benkirane qui a toujours rêvé de pouvoir. De la Chabiba Islamya à la Jemaa Islamya qui a fini par se transformer en « Mouvement unicité et réforme », de l'Istiqlal (auquel il a adhéré brièvement) à la création du Parti justice et développement, cet homme politique a su évoluer. A-t-il viré sa cuti ou plus prosaïquement retourné sa veste ? s'interrogent les plus sceptiques. Les pro-Benkirane, et ils sont nombreux, préfèrent parler d'un responsable qui a choisi de mener son combat à l'intérieur des institutions, d'un militant qui a préféré la lumière de la légalité à la longue nuit de la clandestinité. « Et il a eu raison ! », soulignent ses aficionados. En 2008, il est élu secrétaire général du PJD remportant 684 voix loin devant son rival de toujours Saadeddine El Otmani qui en avait récolté 495. Trois ans plus tard, et sous son leadership, Benkirane conduit sa formation politique à une victoire que beaucoup présentent comme historique.
Abdelilah Benkirane est aujourd'hui aux portes du pouvoir. Sera-t-il ou pas nommé par le Souverain chef de gouvernement ? Ses inconditionnels croisent les doigts et piaffent d'impatience de voir leur leader revêtir le costume de chef de l'Exécutif. Ses adversaires politiques, eux, mettent en garde contre son imprévision. Oublieux du fait que le chef des islamistes, député de Salé depuis 1997, a des qualités d'adaptation insoupçonnées. Et si ses concessions ne sont jamais des compromissions, assure-t-il, il saura probablement mettre de l'eau dans ce vin qu'il n'interdira pas à la vente.