Plutôt floue, la Vision stratégique du MEN : Le bilan d’étape passe à côté de l’essentiel


Hassan Bentaleb
Jeudi 2 Février 2017

Où en est-on de la Vision stratégique 2015-2030 du ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle deux ans après sa mise en œuvre ? Le premier bilan d’étape établi par ce département indique  qu’au titre des années scolaires 2015-2016 et 2016-2017, 200 établissements scolaires ont été créés. 54% d’entre eux l’ont été dans le monde rural, 119 écoles communautaires ont également été ouvertes et le nombre d’internats a atteint 242.
Un communiqué publié à l’issue d’une réunion que l’actuel titulaire de ce maroquin, Rachid Benmokhtar, a tenu avec les cadres de son département, précise que plus de 67.000 élèves ont émargé au programme de l’éducation informelle, 2.600 adultes au programme de deuxième chance, 300.000 élèves du soutien scolaire au niveau du cycle primaire et plus de 220.000 élèves en ont bénéficié au niveau des cycles collégial et secondaire.
Concernant la promotion de la qualité de l’enseignement et de la formation, le communiqué note que le «Projet de développement du modèle pédagogique» a été mis en branle en rappelant que l’opérationnalisation du projet «Lecture pour réussir» en langue arabe a concerné 90 établissements scolaires et 190 classes et que les programmes «Développement des compétences de lecture» et «Amélioration de l’enseignement et apprentissage de la langue française» ont également été lancés.    
Pour ce qui est du baccalauréat professionnel, le ministre a évoqué la création de 19 filières au titre de l’année scolaire 2016-2017. L’option internationale du baccalauréat a été quant à  elle introduite dans 448 établissements secondaires qualifiants.
Des chiffres et des données qui n’ont rien de nouveau puisque ces mêmes statistiques ont été dévoilées par le même ministre lors d’un exposé présenté le 21 novembre 2016. Pourquoi les avoir ressortis alors qu’aucun progrès ou avance n’ont  été enregistrés  depuis cette date ?
Par-delà ce débat sur le timing de publication de ces chiffres, nombreux sont, néanmoins, ceux qui remettent en cause ce bilan, arguant que plusieurs volets de la Vision stratégique ont été peu développés ou carrément occultés. Tel est le cas de Mohamed Sadouki, chercheur en pédagogie, qui estime que les statistiques relatives aux infrastructures relevées par le MEN  ne traduisent pas les besoins en termes de quantité et de qualité notamment en milieu rural. «Le taux élevé d’encombrement des classes scolaires  atteste de cette situation, et cela sans parler de leur mauvaise qualité et de l’absence  ou l’insuffisance des outils didactiques et pédagogiques», nous a-t-il précisé.
Notre source pense également que ce bilan d’étape a occulté  les résultats  concernant l’expérimentation des mesures prioritaires au niveau du cycle primaire lancée au cours de l’année dernière et qu’il n’a nullement évoqué la  formation continue des enseignants et les centres de formation. «Le ministère n’a pas jugé utile non plus de présenter avec précision et  chiffres à l’appui son bilan en matière de déficit du personnel enseignant, de recrutements et de postes budgétaires. En fait, rien n’a filtré concernant le budget consacré à la mise en œuvre de la Vision stratégique», nous a-t-elle expliqué.
A propos de la gouvernance et de la moralisation du secteur, Mohamed Sadouki nous a indiqué que le bilan du MEN les a restreintes aux volets « restructuration, décentralisation administrative et recrutement par contrat». «Et qu’en est-il des mesures prises pour consolider la transparence et la reddition des comptes ainsi que le bilan des commissions d’inspection ? C’est motus et bouche cousue», a-t-il  affirmé.
De son côté, Abdelaziz Ioui, Secrétaire général  du Syndicat national de l’enseignement (FDT), juge que ledit ministère a emprunté la même voie de réforme suivie par ses prédécesseurs et qui a démontré à plusieurs reprises son échec. «La Vision stratégique 2015-2030 est une pâle copie des précédentes réformes. Elle donne, elle aussi, plus d’importance aux volets matériels qu’au volet qualitatif. Pis, elle exclut l’enseignant qui est la pierre angulaire de toute réforme».  
Pour notre source, la vraie réforme n’a pas encore été entamée et la dynamique de changement n’a pas encore été déclenchée. «Les responsables s’intéressent trop à la construction des infrastructures sans prendre compte de l’essentiel, à savoir la mise en place d’un système éducatif de qualité», nous a-t-elle déclaré. Et de poursuivre : «Le déficit en matière d’infrastructures est un problème qui perdure depuis longtemps et l’on n’arrive toujours pas à lui apporter de solution efficiente.  Même le Plan d’urgence n’a pas réussi à opérationnaliser  ses propres mesures visant la construction de 200   écoles communautaires en trois ans et à faire face à l’insuffisance du personnel enseignant. Et les effets négatifs de ces programmes et plans sont déjà là. Ce qui en dit long sur la qualité de l’offre éducative publique. L’embauche d’enseignant par contrat ne va pas résoudre ce problème. Recruter des professeurs en les dotant d’un statut précaire ne va pas certainement pas déboucher sur une amélioration de la qualité de l’enseignement».
Pour sa part, Aicha Maazouz, enseignante, s’est interrogée sur les garanties mises en place pour assurer la réussite de cette Vision stratégique et lui permettre de ne pas subir le triste sort de la Charte nationale de l’éducation et de la formation et du Plan d’urgence. «Des réformes qui ont englouti des enveloppes budgétaires énormes sans pour autant, déboucher sur les résultats escomptés. Pis, les autorités publiques ont pris acte sans sourciller de leur échec. On a le sentiment que la seule préoccupation du MEN est d’établir des programmes sans s’inquiéter de leur suivi et de leur évaluation», nous a-t-elle affirmé.  
Notre source s’est également demandé comment le MEN compte opérationnaliser sa Vison et  ce qu’il compte faire pour fédérer et mobiliser l’ensemble des acteurs autour des mesures prises. «Nous en tant  que professeurs, nous n’avons pas été impliqués dans la conception de ces réformes et on a été tout bonnement exclus. Il faut savoir que l’enseignant du système public est le dernier à être renseigné et le premier à endosser la responsabilité de l’échec de chaque réforme», a-t-elle conclu.


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