Plus de la moitié des Soudanais confrontés à "une insécurité alimentaire aiguë"


Libé
Vendredi 28 Juin 2024

Quelque 25,6 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population du Soudan, sont confrontées à "une insécurité alimentaire aiguë" en raison de la guerre qui ravage ce pays du nord-est de l'Afrique, a indiqué jeudi un rapport appuyé par l'ONU.


Selon les projections du rapport du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), sur lequel se basent les agences de l'ONU, ce chiffre inclut "plus de 755.000" Soudanais confrontés à la "famine", le niveau le plus élevé de l'échelle IPC.
 Par ailleurs, plus de 8,5 millions de personnes sont en situation d'"urgence", dernier palier avant la famine.


"Pour la moitié de la population du Soudan, ravagé par la guerre, chaque jour est une lutte pour se nourrir, eux-mêmes et leurs familles", ont souligné dans un communiqué conjoint le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM).


Une guerre oppose depuis avril 2023 l'armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de son ex-adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo.
Elle a fait des dizaines de milliers de morts et provoqué le déplacement de plus de neuf millions de personnes, selon l'ONU.


"Quatorze mois de conflit ont plongé le Soudan dans les pires niveaux d'insécurité alimentaire jamais enregistrés par l'IPC dans le pays", indique le rapport.
Les deux belligérants utilisent "la faim comme arme de guerre", ont affirmé mercredi des experts de l'ONU, estimant que les gouvernements étrangers qui les aident sont complices de "crimes de guerre".


Ces experts ont mentionné le siège d'el-Facher, chef-lieu de l'Etat du Darfour-Nord, seule capitale des cinq Etats du Darfour à échapper aux FSR, qui menace des centaines de milliers de civils en proie à la faim et à la soif.
Les deux camps ont été accusés de crimes de guerre pour avoir visé délibérément des civils, bombardé des zones habitées et bloqué l'aide humanitaire.


Il existe "un risque de famine dans 14 zones" du Darfour (ouest), du Kordofan (sud-ouest), d'al-Jazira (centre) et de la capitale Khartoum et ses environs, selon l'IPC.
 La famine est définie par l'IPC comme "un état de privation alimentaire extrême". "Des niveaux d'inanition, de décès, de dénuement et de malnutrition aiguë critiques sont manifestes ou risquent de le devenir".


L'accès des organisations humanitaires au Soudan est "insuffisant" et une partie de la population risque de "mourir de faim", avait déjà averti début juin le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi.


Le conflit a plongé le pays dans "une des pires crises" humanitaires au monde depuis des décennies, a récemment indiqué l'ONG Médecins sans Frontières (MSF).
Dans les zones les plus affectées du conflit, "l'envoi d'argent depuis l'étranger et les système d'entraide locaux", dont les nombreux groupes de défense de la démocratie, "ont largement contribué à éviter une détérioration plus grave encore de la sécurité alimentaire" des populations, souligne le rapport de l'IPC.


Les agences humanitaires préviennent de longue date que seule la difficulté d'accès aux données sur le terrain a empêché que la famine soit déclarée officiellement au Soudan.
"L'histoire a montré qu'au moment où une famine est officiellement déclarée, les gens meurent déjà à un rythme effroyable", note le directeur général de l'ONG Mercy Corps, Tjada D'Oyen McKenna.


Si la situation humanitaire actuelle perdure, 2,5 millions de personnes pourraient mourir de faim d'ici   fin septembre, selon les estimations de l'Institut Clingendael, un groupe de réflexion néerlandais.
 Au Darfour, les enfants sont déjà "en train de dépérir à cause de la malnutrition sévère", a souligné l'ONG Islamic Relief Worldwide.


Même à Port-Soudan (est), nouvelle capitale de facto du pays sous contrôle militaire, les centres de déplacés sont remplis de "nourrissons aux bras squelettiques", selon le PAM.
La malnutrition aiguë sévère rend les "enfants jusqu'à 11 fois plus susceptibles de mourir que leurs pairs bien nourris", a souligné Lucia Elmi, directrice des programmes d'urgence de l'Unicef. 
Il est encore possible "d'éviter une famine totale" si les agences bénéficient d'un "accès sans entrave" et d'un financement adéquat, veut de son côté croire Eddie Rowe, directeur du PAM au Soudan.




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