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Le ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a accusé vendredi dernier l'Algérie de «chercher à humilier la France» après que la junte militaire algérienne a refusé d'accueillir un de ses ressortissants en cours d'expulsion.
Naâman Boualem, plus connu sous le surnom de «Doualemn» ou de «Boualem Dz», tiktokeur algérien de 59 ans, a été arrêté à Montpellier dimanche dernier pour incitation à la violence dans des vidéos qu'il a publiées sur les réseaux sociaux.
Les services français de l'immigration l'ont placé sur un vol à destination d'Alger jeudi dernier, mais l'Algérie a refusé de l'admettre, affirmant qu'il était interdit d'entrée sur son territoire. Il a finalement été renvoyé en France dans la soirée, a souligné le ministère français de l'Intérieur.
Le renvoi vers Paris de l’influenceur algérien expulsé vers son pays a suscité la colère du gouvernement français. « On a atteint avec l'Algérie un seuil extrêmement inquiétant », a affirmé Bruno Retailleau, l’une des figures de proue au sein du gouvernement de François Bayrou.
« Je pense que la France ne peut pas supporter cette situation », a-t-il martelé, en appelant à « évaluer tous les moyens qui sont à notre disposition vis-à-vis de l'Algérie pour défendre nos intérêts ».
Et d’expliquer : « J'ai pris un arrêté d'expulsion et les autorités algériennes n'ont pas voulu le laisser débarquer sur le sol algérien en contradiction totale avec les règles », précisant que Paris n'aura « d'autre possibilité que de riposter » si « les Algériens persistent sur cette posture d'escalade ».
Parmi « les leviers que nous pourrions activer » figurent « les visas (...), l'aide au développement » ou encore « un certain nombre d'autres sujets de coopération », a détaillé le ministre français sur la chaîne LCI, en se disant « stupéfait » que « les autorités algériennes aient refusé de reprendre un de leurs ressortissants », dont le dossier est désormais « judiciarisé » en France.
La révision des accords de 1968 et de 2007
Le gouvernement français dispose d’autres leviers pour faire plier la junte algérienne, à savoir la révision de l'accord franco-algérien de 1968, qui régit les conditions de circulation et de séjour des Algériens en France, ainsi que l’annulation des accords de 2007 entre l’Algérie et la France consacrant la libre circulation aux porteurs du passeport diplomatique.
En ce sens, l'ex-Premier ministre, Gabriel Attal, appelle à dénoncer l'accord franco-algérien de 1968, pour « poser les limites et assumer le rapport de force avec l'Algérie », selon l’AFP.
Dans une tribune au Figaro, Gabriel Attal a fustigé notamment l'arrestation de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le renvoi par l'Algérie d'un influenceur algérien expulsé quelques heures plus tôt de France, et "les provocations et les insultes des hiérarques du régime" algérien.
Bruno RetailleauSelon lui, l'accord de 1968 « est aujourd'hui devenu une filière d'immigration à part entière, permettant le regroupement familial et l'installation de personnes, sans même qu'elles aient à connaître notre langue ou montrer leur intégration», soulignant qu’«il rend pratiquement impossible de retirer des titres de séjour aux ressortissants algériens, même pour des motifs d'ordre public».
On a atteint avec l'Algérie un seuil extrêmement inquiétant…
La France va évaluer tous les moyens qui sont à notre disposition
vis-à-vis de ce pays pour défendre nos intérêts
Face au régime algérien qui "balaie toutes nos mains tendues et ne cesse de tester notre pays", "l'heure de la fermeté a sonné", a affirmé Grabriel Attal, dénonçant aussi l'arrestation en Algérie de Boualem Sansal. "Ce n'est pas seulement Boualem Sansal qui est pris en otage, c'est la France".
« La France doit poser des limites et assumer le rapport de force », a-t-il fait remarquer. "La France est une grande puissance", qu'"on n'intimide pas" et qu'"on ne provoque pas sans conséquence".
"Il est temps de se débarrasser des procès en culpabilisation et de la rente mémorielle", a-t-il rappelé, estimant que sa génération, qui "n'a pas vécu l'Algérie française, la guerre d'Algérie ou la décolonisation", constitue "une opportunité historique pour établir une relation normale, dépassionnée".
Outre la remise en cause de l'accord franco-algérien de 1968, il réclame de "réduire le nombre de visas accordés" et de "pénaliser les hiérarques qui profitent de nos largesses", en revenant sur un autre accord de 2007, qui "permet à tous les détenteurs de passeports diplomatiques algériens de venir et circuler librement et sans contrainte en France".
Plusieurs personnalités politiques françaises ont exprimé leur désir de réviser ces accords comme Elisabeth Borne, l’ex-Première ministre, ainsi que Nicolas Sarkozy et Manuel Valls.
Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France en Algérie pendant sept ans, sous les quinquennats de Nicolas Sarkozy et d’Emmanuel Macron, a rédigé récemment une note, à la demande du think tank Fondapol, dans laquelle il a souligné que l'accord de 1968 favorise une immigration qu'il qualifie d'excessive et a plaidé pour son abolition pour mieux répondre aux préoccupations actuelles sur l'immigration.
«Nos dirigeants hésitent, car ils redoutent une tempête diplomatique, mais aussi la pression des quelque 10% de Français ayant, de près ou de loin, un lien avec l’Algérie – un lien charnel, intime », a-t-il fait savoir dans un entretien avec le magazine français Le Point (mai 2023). Et d’ajouter : «Mais ils font dans le même temps une erreur d’analyse en pensant que les embrassades, la contrition et les tapes dans le dos permettront d’amadouer leurs homologues algériens, qui reviendraient à une position plus raisonnable. Ceux qui tiennent le pouvoir à Alger ont été formés dans l’ex-URSS brejnévienne des années 70, ils fonctionnent au rapport de force. Aujourd’hui, ils savent au fond que cet accord de 1968 n’a plus lieu d’être et rient de notre naïveté ».
Et l’ancien ambassadeur de la France en Algérie de conclure : « On peut toujours mettre fin à un traité international, comme le prévoit la convention de Vienne sur le droit des traités. Nous reviendrions alors au dispositif de droit commun, régi par le code de l’entrée et de séjour des étrangers en France ».
Mourad Tabet