Paris abandonne le projet controversé de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes

L'annonce de la décision a déclenché une explosion de joie


Vendredi 19 Janvier 2018

Après 45 ans de polémique, le gouvernement français a annoncé mercredi l'abandon d'un projet très controversé de nouvel aéroport dans l'ouest du pays et va désormais devoir gérer l'évacuation de centaines de protestataires occupant le site.
Lors d'une déclaration au palais présidentiel de l'Elysée, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé l'abandon "définitif" du projet, évoquant "l'aéroport de la division", tout en reconnaissant qu'il "n'y avait pas de bonne décision".
Ce projet d'aéroport, devenu un emblème des luttes environnementales en France, a empoisonné la vie politique du pays depuis des années. La saga a débuté en 1965, quand le préfet de cette région avait lancé la recherche d'un nouveau site pour l'aéroport de Nantes.
Malgré les multiples rejets des recours en justice des anti-aéroport, le soutien au projet d'une majorité des élus régionaux, et un référendum consultatif local favorable (55,17%) en juin 2016, l'exécutif a préféré lâcher ce projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes (NDDL).
Selon un sondage réalisé mercredi après cette annonce pour une chaîne d'information en continu, BFMTV, près de trois quarts des Français (74%) approuvent la décision du gouvernement.
La solution alternative retenue est d'aménager l'actuel aéroport Nantes-Atlantique, qui sera "modernisé", a souligné le Premier ministre, annonçant également le lancement de la procédure pour en rallonger la piste.
Né dans les années 60, relancé en 2000, attribué au groupe de construction français Vinci par appel d'offres en 2010, le projet d'aéroport "du Grand Ouest" a traversé un demi-siècle pour se transformer en quasi affaire d'Etat.
Les partisans de la nouvelle infrastructure dénonçaient les nuisances sonores et les risques que fait peser, selon eux, le maintien d'un aéroport à proximité de l'agglomération de Nantes (620.000 habitants).
Ses opposants, eux, fustigeaient une aberration environnementale et un gaspillage de l'argent public. Les "zadistes", des opposants vivant sur cette zone humide (environ 400 hectares de friches, de bois et de routes) à une vingtaine de kilomètres au nord de la ville, travaillent la terre des fermes et vivent en quasi autonomie.
Surnommée la "mère de toutes les zones à défendre", cette contestation a précédé en France d'autres occupations contre des projets controversés dans différents domaines : stockage de déchets, transports, hydrocarbures.
Se pose désormais la question de l'évacuation du site, occupé - selon une source policière - par environ 150 personnes en permanence, mélange d'agriculteurs, de militants écologistes, d'altermondialistes et d'éléments plus radicaux.
Le Premier ministre a affirmé mercredi qu'il souhaitait "rétablir rapidement l'Etat de droit" sur la "zone d'aménagement différé" (ZAD, rebaptisée "zone à défendre" par les opposants). "Les occupants illégaux devront partir d'eux-mêmes d'ici le printemps prochain ou seront expulsés. (...) Les squatteurs doivent libérer progressivement les terres qui ne leur appartiennent pas".
Il a précisé plus tard sur la chaîne privée TF1 que cette expulsion commencerait, le cas échéant, le 30 mars. Plus des trois quarts des Français (76%) approuvent une éventuelle expulsion, selon le même sondage.
Un tragique précédent en France est néanmoins dans tous les esprits : la mort du militant écologiste Rémi Fraisse, 21 ans, tué par un gendarme en 2014 lors d'affrontements sur le chantier d'une retenue d'eau controversée à Sivens (sud-ouest).
L'annonce de la décision a déclenché une explosion de joie dans la ZAD, où une vingtaine d'occupants ont ouvert du champagne pour fêter "une victoire historique". Le mouvement anti-aéroport s'est engagé à rouvrir les accès à la ZAD, tout en affirmant son "refus de toute expulsion" de ceux qui se sont installés illégalement sur place.
"C'est une immense joie pour tous ceux qui ont lutté contre le projet", s'est réjoui Julien Durand, porte-parole de l'Acipa, principale association d'opposants.
"Aujourd'hui, nous célébrons la victoire", a également réagi Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.
A Nantes, environ 500 manifestants ont célébré l'abandon du projet, dans une atmosphère bon enfant.
Mais plusieurs élus locaux ont fait part de leur colère. La maire socialiste de Nantes, Johanna Rolland, a dénoncé une "trahison" et un "déni de démocratie".
Ce dossier de NDDL était une épine dans le pied du président Macron, alors qu'il multiplie les initiatives sur le climat au niveau international. Plusieurs ONG environnementales avaient exhorté le président à faire une "première application concrète" du sommet sur le climat organisé en décembre à Paris.
Reste la question de l'indemnisation de Vinci par l'Etat. Selon un rapport, elle avoisinerait les 350 millions d'euros.


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