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Tout allait bien dans la vie d’Inès, des autres enfants et même des adultes de l’immeuble N°9 à la rue Washington donnant sur le Boulevard d’Anfa à Casablanca, jusqu’au jour où les héritiers du propriétaire avaient décidé de vendre leur immeuble. Depuis, le nouveau propriétaire a rendu la vie dure à ses locataires qui ont passé une année mouvementée dans les couloirs du tribunal de première instance de Casablanca. Au début, il leur a intenté un procès réclamant une majoration de loyer de mille dirhams. Mais le tribunal avait rendu un jugement en faveur des locataires en n’augmentant le loyer que de 8%, soit quelque 120 dirhams seulement. Quelques semaines plus tard, il a annulé son recours en appel et intenté un nouveau procès plus sérieux cette fois-ci : il demande l’évacuation des lieux. Pour quel motif ? Personne ne peut trancher. Surtout que les locataires n’ont jamais manqué à leurs devoirs : «Nous sommes bien à jour de nos loyers. Nous ne devons rien ni au nouveau ni aux anciens propriétaires de l’immeuble.», crie, furieuse, Latifa, une locatrice. Ce qui leur donne le plein droit de continuer à occuper leurs logements. Surtout que la durée de vie du contrat de bail signé avec l’ancien propriétaire est illimitée. Mais, le nouveau propriétaire des lieux joue une autre carte plus solide, celle de la restauration, sous prétexte que la bâtisse risquerait de s’effondrer si elle n’était pas retapée dans les plus brefs délais. D’où le verdict du tribunal de première instance de Casablanca en sa faveur. Plus : le jugement est tombé en un temps record, en trois mois seulement, sans même laisser le temps aux habitants d’agir et de se défendre. Le tribunal aurait même manqué aux principes d’un jugement équitable qui exigent, entre autres, la présence de toutes les parties concernées.
Ainsi, les habitants se trouvent-ils menacés d’expulsion si la Cour d’appel ne répond pas favorablement à leur demande d’expertise technique en vue de déterminer l’état des lieux. Rappelons, d’après le dossier de cette affaire, qu’aucune expertise n’a eu lieu jusqu’à présent. Est-il logique d’admettre qu’un tribunal puisse briser la vie des gens sans même leur donner chance de défendre leur droit? Comment un immeuble en bon état, si on le compare à tous les autres de son âge, où les gens vivent en sécurité, devient-il par miracle une bâtisse qu’il faut démolir sans écouter toutes les parties ni prendre l’avis des experts ? Pourquoi admettre si facilement que le nouveau propriétaire ait investi tant d’argent dans un immeuble en soi-disant mauvais état et dont les loyers lui semblent si insuffisants? Des questions parmi d’autres qui ne trouveront jamais de réponses logiques ou argumentées.
La majorité des avocats contactés par Libé nous ont confirmé que le verdict a été rendu en un temps record malgré la situation sociale des habitants. Surtout que le tribunal a préféré n’entendre que la seule version du nouveau propriétaire. La Cour aurait dû, d’après les avocats, ordonner une expertise et s’il le faut une contre-expertise pour s’assurer du bien-fondé des arguments avancés par la partie plaignante. D’ailleurs, c’est une procédure habituelle qui permet au juge de prendre une décision motivée sur la base d’une étude technique pour éviter toute erreur, tout déni de justice et tout préjudice volontaire à des tiers. A défaut d’expertise et en l’absence de toutes les parties lors des audiences, les avocats ont affirmé que le jugement devrait être, en principe, revu en appel. Et que les locataires pourraient rentrer dans leur droit si toutefois l’expertise était en leur faveur. «Le plaignant n’est pas habilité à fournir une expertise orale au tribunal qui ne doit pas juger sans motif légal. Ces gens occupent l’immeuble depuis plus de 25 ans et sont à jour dans leurs loyers. Pourquoi donc les expulser? Plusieurs immeubles du même âge que celui-ci ne représentent aucun danger. Leurs propriétaires ont même eu des autorisations de construire des étages supplémentaires», s’interroge un avocat. Surtout que l’enjeu est de taille : «L’avenir et la stabilité familiale de sept familles, soit une trentaine de personnes, sont en jeu. Il est anormal de traiter un tel dossier à la hâte et de décider pareillement. Que feraient les gens qui habitent cet immeuble depuis plus de 25 ans ? Squatter illégalement la rue », crie un militant associatif dont l’ONG a pris la défense de ces habitants.
Me Mahmoud Ben Abdeljalil, avocat au Barreau de Casablanca nous a assuré que «l’affaire n’est pas encore perdue. Il faut attendre la décision de la Cour d’appel et s’il le faut celle de la Cour suprême avant que la décision d’expulsion ne soit exécutoire. Cette décision risquerait même d’être suspendue tant que le gouverneur de l’arrondissement n’autorise pas la force publique à s’y associer s’il estime qu’elle pourrait perturber l’ordre public. Un avis qui, en réalité, ne réconforte pas les habitants inquiets, surtout que «le nouveau propriétaire pourrait très bien être un spéculateur et dans ce cas, il n’aurait acheté l’immeuble en question que pour le démolir en vue de le vendre comme terrain nu ou d’y construire un autre immeuble et réaliser ainsi une très forte plusvalue», précise une autre locatrice. Et d’ajouter : «Nous lui avons fait plusieurs propositions mais il les a toutes rejetées. Nous sommes prêts à quitter l’immeuble et à y revenir une fois retapé. Nous lui avons également suggéré de nous trouver des logements dans le même quartier à des prix raisonnables. Mais son seul objectif est de nous faire évacuer des lieux pour le revendre, le louer à des prix exorbitants ou le démolir.»
Sur place, certains habitants du quartier partagent le même avis que cette locatrice. D’après eux, le nouveau propriétaire a déjà réussi à faire évacuer plus de huit immeubles à proximité des Boulevards d’Anfa, Moulay Youssef et Zerktouni. Ceci dit, c’est un professionnel qui connaît très bien les rouages de la justice tribunaux.
Le feuilleton est à suivre. Les habitants ont adressé plusieurs doléances au ministre de la Justice et au gouverneur de l’arrondissement d’Anfa. Ils prévoient dans les jours à venir d’organiser d’autres mouvements de protestation sous la bannière des ONG locales. Comme ils envisagent de mener d’autres actions pour interpeller et les autorités et la société civile et ce, pour défendre leurs droits.