Placée sous le signe « Langage spirituel », cette manifestation événementielle (témoignages, ateliers, exposition et conférences) initiée en partenariat avec la ville de Casablanca et la Coalition marocaine de la culture et des arts parie sur l’art et la spiritualité comme produits d’éveil qui ne sont pas faits pour briller en société ou épater son prochain mais pour une nourriture d’un genre spécial qui permet à l’âme de gagner en force, en sagesse et surtout en liberté comme disait l’anthropologue Faouzi Skali.
Dans le sillage d’Edgard Morin, les organisateurs insistent sur les vertus d’une politique de civilisation face à une mondialisation qui se pensait, il y a encore peu, triomphante puisque la seule richesse qui vaille est celle de l’esprit : « Ça y est, la tradition s’installe pour l’Association Arkane. Le mois sacré de Ramadan est une opportunité précieuse pour inviter les artistes à fêter et à vivre le bonheur du sacré et du spirituel. L’année dernière, nous avions mis à l’honneur le langage sacré des signes en proposant l’exposition « Sacré signe» accompagnée de débats et d’animations.
Cette fois-ci nous proposons le thème du « Spirituel et ses traces dans la création artistique » et invitons ainsi à la réflexion au débat et à l’échange autour d’une exposition d’oeuvres artistiques particulièrement imprégnées de sacré et de spiritualité.
Pour monter cette exposition, nous avons été en quête de ces créations artistiques qui détournent leurs regards des contingences externes, pour s’intéresser à l’expression du monde intérieur de l’individu, autrement dit, au monde spirituel. D’ailleurs, qui de nous, ne déplore pas le fait que le monde contemporain soit marqué par les valeurs bassement matérialistes, au détriment des valeurs nobles liées à l’esprit et à la bonne morale ? Pourtant, le sacré et le spirituel griffent chacun de nos moments pour laisser des traces qui rappellent que ce sont les valeurs spirituelles qui donnent le vrai sens à notre existence. Et par là , la chose sacrée se trouve au cœur de la création artistique.
Le sacré est partout où sont présentes les questions de la vie et de la mort, du visible et de l’invisible. C’est pourquoi spiritualité et création se trouvent intrinsèquement liées.
Ainsi donc, l’art est constitutif de la nature humaine. Et d’ailleurs, dès la préhistoire, l’Homo Sapiens s’exprime à travers le médium artistique. », Précise Abderrahmane Ouardane, président de l’Association Arkane . Et d’ajouter : « Partant de ces constats, nous avons voulu, à travers cette exposition, tenter d’approcher « le sacré et le spirituel » convenus et de comprendre comment ces éléments se trouvent au fondement de l’expérience esthétique. D’ailleurs ceux qui visiteront l’exposition et suivront les débats, constateront aisément à travers les œuvres proposées, combien l’art moderne exprime, et de manière surprenante, un rapport intime à la spiritualité.
Ils verront comment nos artistes parviennent à voir et à montrer cette petite lumière qui s’extrait à l’obscurité, ce masque qui voile l’espace sacré et pour déteindre cette boue noire qui éclabousse aujourd’hui le monde des valeurs sacrées. Ils remarqueront ainsi que la lecture des œuvres exposées, à travers le prisme du sacré, se révèle curieusement étonnante. Il est certes admis que la couleur et la forme peuvent évoquer le mouvement, le rythme et la profondeur. Mais il y a une étape supplémentaire à franchir : « l’intériorité ». Autrement dit, il y aurait une primauté du regard spirituel sur la perception objective. Par conséquent, plus que le monde réel, la création trouve sa véritable essence dans l’intérieur de l’être. Ces artistes détournent visiblement leurs regards des contingences externes, pour s’intéresser à l’expression du monde intérieur qui les interpelle autrement dit, leur monde spirituel. Beaucoup de nos artistes se sont intéressés aux signes, symboles et allégories et en ont fait des usages généreux et parfois même pléthoriques. Or l’art ne doit pas seulement se servir des signes, mais plutôt donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde. L’œuvre d’art qui ne fait qu’établir des signes, offre moins de bonheur aux sens que celle qui renferme en elle-même un contenu spirituel. ».
Espace de réflexion, la conférence sur «Le spirituel et ses traces dans la création artistique » sera animée par un parterre distingué de professeurs chercheurs, en l’occurrence Faouzi Skali, Hmadi Guiroum, Hasan Bourkia, Abdenbi Dachine et Said Housbane. Quant à l’exposition collective, elle se veut une invitation à tous les amoureux de la chose artistique et culturelle pour venir déchiffrer les traces du sacré et du spirituel dans la création artistique et de partager les charges émotionnelles que dégagent les œuvres artistiques de Abdellah EL Hariri, Raji Said, Abderrahmane Ouardane, Aziz Sayed, Leila Cherkaoui, Rajaa Atlassi, Aziz Nadi, Youssef EL Khourassani, Nabil Bahya, Moulay Youssef Kahfai, Mohamed Boustane, Youssef Bousekri, Fatima Bousaid, Aziz Lamrani, Karim El Kharbaoui, Yassine Abrak, Nisrine Boukhari (Syrie), Mohamed Ali (Syrie), Traboulssi (Tunisie), Noureddine Alioua, Khalid Nadif, El Mehdi Moufid, Tawfiq Chichani et bien d’autres encore.
Au-delà de ce qui se rapporte au monde matériel, il y a le spirituel, une dimension qui se rapporte à une autre réalité, celle de l’esprit producteur de richesses intellectuelles et humaines. C’est une soif de la vérité qu’il fallait trouver autrement et ailleurs. Cette dimension cachée nous permet d’avoir une idée plus globale, plus profonde de ce qui constitue et donne sens à notre humanité. Elle est au-delà de la langue. C’est une recherche récurrente d’éveil et une voie de connaissance de soi, de ses états d’être ou de consciences intérieures, et en ce sens, elle mène vers un langage universel, et c’est d’ailleurs pour cela que Jalal Eddine Rumi a intitulé son livre : « Le livre du dedans », traduit en français par Eva de Vitray-Meyerovitch. Nous sommes là en face de ce que Ibn Khaldun appelait la science de l’âme ou des états spirituels qui se situent au-delà du langage verbal et de ce que les Grecs anciens appelaient Phusiko (la physique). Le spirituel rend donc l’art vivant à travers des cheminements personnels singuliers qui correspondent à ce que les soufis appellent les goûts ou les saveurs. Il s’agit d’un vrai continent de l’esprit dont on ne pouvait s’imaginer l’existence et encore moins la proximité : un enjeu culturel majeur qui va bien au-delà d’un simple « entertainement» ou loisir. L’art spirituel dans sa substance (l’émotion, la communion et le partage) se base sur une éducation à l’élévation du comportement, à un système des valeurs. C’est une matrice culturelle et civilisationnelle qui a sculpté l’essence humaine qui est imprégnée d’une certaine forme de contentement et de dignité intérieurs, d’humilité et de générosité (Delacroix avait été frappé par cette forme de culture et de dignité particulières).