On est encore loin de la charte de l’Environnement


L B
Vendredi 23 Juillet 2010

Que l’on en finisse avec la mer poubelle !

On est encore loin de la charte de l’Environnement
L’occupation des bassins portuaires notamment par des navires de pêche non actifs pour diverses raisons liées à leur exploitation, pose aujourd’hui la problématique de leur devenir.
L’Agence nationale des ports (ANP) semble avoir répondu à cette question, puisqu’elle a pris récemment des dispositions assez originales pour résoudre ce problème, notamment au port d’Agadir. Cette Agence a fixé courant avril 2010, une liste de navires qu’elle qualifie « d’abandonnés, de désarmés ou d’épaves » et a ensuite entrepris des opérations d’éloignement vers le large des navires ainsi listés et leur immersion dans l’océan atlantique.
Ces mesures exceptionnelles interpellent fortement:
- d’abord sur les aspects se rattachant notamment au droit de propriété garanti par la Constitution, le fondement légal de telles mesures, la charge de la preuve du danger que représentent ces navires invoqué par l’opérateur portuaire….;
- ensuite sur l’impact des opérations d’immersion sur le milieu marin.
Si ces questions font sans doute le bonheur des juristes et plus particulièrement les spécialistes en droit maritime fins connaisseurs du statut particulier du navire, des avocats des armateurs et de leurs créanciers, la problématique du milieu marin concerne tous les Marocains utilisateurs ou non de l’espace maritime.
En effet, on ne peut que s’étonner que des opérations d’une telle envergure dans nos eaux maritimes ne suscitent aucune réaction, au moment où 2010 est déclarée au Maroc année de l’Environnement et que les discussions portant sur la Charte nationale sur l’environnement et le développement durable passionnent et impliquent plusieurs institutions comme les ministères chargés de l’environnement, du transport et de l’équipement, des pêches maritimes, du tourisme…, ainsi que la société civile.
La mer est-elle devenue une poubelle ? Telle est la question qui vient immédiatement à l’esprit. D’autres interrogations également sont des plus légitimes :
En effet, un opérateur économique, fût-il un établissement public comme l’ANP peut-il se comporter comme si les espaces maritimes lui appartenaient et se permettre de remorquer des navires qualifiés par ledit opérateur comme « abandonnés » pour les mener hors des limites du port où cet opérateur est habilité à agir et les faire couler dans des conditions que lui seul s’est fixées ?
Existe-il un cahier des charges liant cet opérateur au gouvernement marocain par lequel ce dernier a fixé les normes, protocoles et prescriptions techniques à respecter lors de chaque opération ?
Une carte de ce cimetière de navires est-elle établie par ledit opérateur pour être communiquée aux pêcheurs dont les filets, hélices ou engins risquent d’être pris par ces navires enfouis ?
Une étude d’impact sur l’environnement menée par une institution scientifique neutre a-t-elle été diligentée par le même opérateur ?
Certes, des personnes peuvent trouver des avantages à l’immersion de navires au motif que ces derniers, une fois coulés, peuvent constituer des abris ou récifs artificiels pour la faune et la flore marines. Si tel est le cas, les carcasses des véhicules (autobus, voitures…) et autres ferrailles, peuvent également servir cette « cause ». Nous supposons que l’ANP a eu au moins le réflexe de procéder à la dépollution de chaque navire coulé.
Toutes ces questions sont d’autant plus insistantes qu’une dynamique législative est enclenchée par plusieurs départements ministériels soucieux de contribuer à la préservation du milieu marin.
Ainsi, le ministère de l’Equipement et du Transport, département de tutelle de l’ANP, a élaboré un projet de loi intitulé « Loi relative aux rejets illicites de matières polluantes dans le milieu marin » qui ne traite pas directement de l’immersion de navires, mais qui est animé par un esprit, on l’espère sincère, de protection de notre environnement marin.
Le secrétariat d’Etat en charge de l’Environnement, quant à lui, vient de faire adopter un projet de loi qu’il ambitionne d’appliquer à l’ensemble de la zone économique exclusive et qui traite notamment de la protection et de la conservation de cette zone et des compétence de l’administration à prendre toutes les mesures appropriées pour préserver les équilibres biologiques et écologiques, conserver le patrimoine naturel, les sites et les paysages… .
Le ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime n’est pas en reste de cet élan « écologique », puisqu’il a également élaboré un projet de code traitant de la préservation des écosystèmes halieutiques et de la prévention de la pollution en mer.
En attendant l’adoption de ces textes de loi, le gouvernement marocain ne doit-il pas opter pour une approche de précaution (préconisée d’ailleurs par le protocole de 1996 de la Convention sur la prévention de la pollution marine causée par l’immersion de déchets et autres matières, appelée Convention de Londres, publiée au Maroc par le Dahir n°1-78-59 du 30 mars 1979) et n’autoriser des immersions de navires que lorsque les mesures garantissant leur dépollution ont été prises ? Dans le même esprit, n’était-il pas possible de recourir de manière concertée avec tous les départements ministériels concernés, à des méthodes alternatives pour la destruction de ces navires?
L’Association nationale des administrateurs de l’Administration maritime ne peut qu’attirer l’attention des responsables sur ces opérations d’immersion successives et exprimer son inquiétude quant à leur impact écologique sur l’environnement marin.

Association Nationale des Administrateurs de l’Administration Maritime


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1.Posté par Mutuelle le 26/07/2010 12:15
Superbe travail, je vous remercie pour votre aide, et notez dans un 1er temps que je "plussoie" moi aussi entièrement votre positon ! J'insiste, oui votre article est vraiment bon, je reviendrai régulièrement vous lire... Je vais avoir besoin d'un peu de temps pour réfléchir à tout ça.

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