Lorsqu'il posera le pied à La Havane le 20 mars, M. Obama fera tomber la barrière symbolique érigée, à la faveur de la Guerre froide, au milieu du détroit de Floride entre la première puissance mondiale et l'île communiste. Mais sa visite sera aussi le point culminant d'efforts engagés depuis 2009 pour améliorer les relations avec une région où le souvenir de décennies d'interventions musclées et de soutien à des régimes autoritaires reste vif.
A peine trois mois après son arrivée au pouvoir, le nouveau président des Etats-Unis assurait, lors d'un sommet des Amériques à Trinidad, que la donne n'était plus la même. La nouvelle approche consistait à proposer un partenariat plus équilibré et à priver des leaders populistes d'arguments pour leur rhétorique anti-américaine.
"Nous avons essayé de faire en sorte que la politique des Etats-Unis ne soit plus un argument pour développer ce genre de discours", explique à l'AFP Ben Rhodes, proche conseiller de M. Obama.
Pour l'équipe Obama, la présidence George W. Bush et en particulier l'invasion de l'Irak avaient réactivé les vieux clichés sur "l'impérialisme yankee".
"Une politique étrangère agressive et la confrontation avec (le président vénézuélien Hugo) Chavez" ont contribué à alimenter le même discours, souligne Ben Rhodes.
Il a serré la main de M. Chavez, rencontré le président du Nicaragua Daniel Ortega, s'est rendu au Salvador sur la tombe d'un héros de la guerre civile tué par des escadrons de la mort, et, au Chili, a évoqué des "erreurs" en parlant du coup d'Etat par lequel le dictateur Augusto Pinochet est arrivé au pouvoir.
Cette nouvelle politique a cependant été rapidement mise à l'épreuve lorsque, au Honduras, le président de gauche Manuel Zelaya a été renversé par un coup d'Etat.
"Le jour où cela a eu lieu, j'étais avec le président dans le Bureau ovale", se souvient Daniel Restrepo, qui fut pendant six ans conseiller de M. Obama pour cette région. "Il a clairement dit que c'était inacceptable". Mais le président américain a ensuite décidé de s'appuyer sur le résultat de nouvelles élections plutôt que de réinstaller Manuel Zelaya, au grand dam du Brésil et d'autres pays de la région.
Pour Michael Shifter, président du groupe de réflexion Inter-American Dialogue, "cela a renforcé le sentiment chez certains que rien n'avait vraiment changé, que les Etats-Unis étaient toujours trop accommodants avec les auteurs de coups d'Etat".
D'autres crises allaient venir contrecarrer la stratégie de la Maison Blanche, au premier rang desquelles les révélations sur l'espionnage par l'agence de renseignement américaine NSA de la présidente brésilienne Dilma Rousseff.
Dans le même temps, cependant, Ben Rhodes rencontrait en secret des responsables cubains au Canada pour des négociations qui allaient aboutir au rétablissement des liens diplomatiques entre les deux pays. "Pour changer la dynamique (avec la région), le geste le plus important que nous pouvions faire était de changer notre politique vis-à-vis de Cuba", raconte-t-il.
Cette main tendue s'inscrit aussi dans un contexte régional nettement plus favorable. Nombre de gouvernements très critiques envers Washington ont cédé la place ou sont en difficulté, que ce soit en Argentine, en Bolivie, en Equateur ou au Venezuela.
"L'anti-américanisme en Amérique latine ne suscite plus la même adhésion", juge Ben Rhodes. "Cela rend plus difficile pour certains dirigeants de continuer à jouer la partition sur laquelle ils s'appuyaient dans le passé".
La paix entre le pouvoir et la guérilla semble à portée de main en Colombie, ce qui devrait permettre à Washington de tourner la page d'une assistance militaire controversée.