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Nouvelles appréciées de la littérature arabe : Deux tableaux du sextuple des six jours de Emile Habibi


Traduit par Sahraoui Faquihi
Mercredi 9 Juillet 2014

Nouvelles appréciées de la littérature arabe : Deux tableaux du sextuple des six jours de Emile Habibi
Emile Choukri Habibi est né à  Haiffa en 1921, d’une famille arabe, chrétienne. Il poursuivit ses études secondaires à Haiffa puis à Aakka, et eut son diplôme de fin d’études secondaires en 1939. Il travailla dans les raffineries de pétrole de Haiffa, et prépara en même temps, pendant deux ans,  un diplôme d’ingénieur de mine qu’il obtint de l’université de Londres. De 1941 à 1943, il travailla comme speaker, et responsable du service culturel dans la radio de Palestine émettant en arabe. Il démissionna pour s’occuper exclusivement d’activités politiques au sein du parti communiste palestinien. Il fut  l’un des premiers créateurs de la «ligue de la libération nationale en Palestine» en 1945. Il était également le premier à œuvrer pour l’unité des communistes palestiniens et juifs en 1949 dans le cadre du parti  communiste israélien. Il représenta son parti au Knesset pendant 19 ans,  de 1952 jusqu’en 1972, année où il démissionna pour s’adonner aux activités littéraires ; ainsi s’occupa-t-il de la rédaction du journal du parti en arabe : ««Alittihad». -L’Union- Il réussit à le faire paraître quotidiennement  depuis 1983. Il fut obligé en 1989 de démissionner  de tous les postes qu’il occupait au sein du parti, y compris celui de rédacteur en chef du journal «Alittihad». En 1991, il démissionna du parti, et cessa toute activité politique.  Son talent d’écrivain se manifesta depuis sa jeunesse. Ses premières nouvelles apparurent dans le journal Alittihad,  qui fut créé en 1943, puis dans la revue Almihmaz-L’aiguillon- qu’il publia en 1946, et dans de nombreuses publications  égyptiennes, libanaises et irakiennes. Il publia également six romans et pièces de théâtre. Le sextuple des six jours –1968, Almoutachail-1972-74, Lakaa fils de Lakaa  en 1980- Akhtia  1985 –Fables de Saraya fille de l’ogre en 1991 et une pièce intitulée Oum Arroubabika, -le village Kassem -La Boucherie politique  en 1976.
 
 
Quand Messoud-l’heureux- fut heureux  de retrouver son cousin
Jamais Messoud ne fut si orgueilleux que cette matinée du mois chaud de juillet où il descend dans la rue pour annoncer, preuve concrète à l’appui, qu’il avait lui aussi des oncles et des cousins.
 Messoud, connu parmi nous sous le surnom de Fejla,  est l’un des enfants de notre quartier.
Il dépasse de peu les dix ans, mais n’est plus un enfant. Il n’est pas dans ton intérêt de le réprimander,  comme on réprimande un enfant. Il vous fera entendre alors ce qui ne vous plaira pas. Messoud s’intéresse à la politique. Mieux, il a son activité politique à lui ; comme par exemple crever le pneu droit de la voiture de police quand il arrive à celle-ci de stationner tout près du mur de Kobt -pour s’assurer qu’on s’éloigne du mur. Et il existe plusieurs preuves qui témoignent que c’est lui, qui le premier, avait  lancé : «Arabe = dahab/Or», d’autant plus que son frère aîné ne cesse  de soupirer,  en répétant à qui veut l’entendre «Arabe = Jarab : gale», et Messoud n’apprécie pas Massâad.
Et voici -chers amis- l’histoire de cette matinée du mois chaud de juillet, où Messoud fut d’un orgueil jamais affiché auparavant.
Cette histoire, je l’ai apprise de la bouche même de l’oiseau qui ne cesse d’étonner les enfants parce qu’il ne cesse de colporter leurs secrets parmi les adultes ; ils oublient  que ces adultes étaient à leur tour enfants, mais qu’ils ont grandi !
La veille du vendredi, une  belle voiture privée arriva au quartier, avec deux ailes tel un avion. Elle est étrangère, avec une plaque d’immatriculation bleue, et un klaxon qui fit disperser les enfants chacun dans leur direction. Messoud fut l’un de ceux qui cédèrent le passage.
L’avion passa à côté de toutes les maisons du quartier, et ne stoppa que devant celle de la famille de Messoud.  Ni moi, ni quelqu’un d’autre, sommes capables de vous dire que les autres maisons de notre quartier avaient l’habitude de voir des voitures privées aussi belles et luxueuses stationner devant leurs portes, à part les fourgons et les jeeps, qui ne cessent de faire leur tournée dans notre quartier mélancolique ; cependant,  des exceptions ne sont pas à écarter.
Dans ce quartier, nous sommes tous du même tissu, plutôt  des parties qui divergent  du même tissu. Et il n’est pas rare que l’un des  notables de ce tissu nous rende visite, dans sa voiture luxueuse,  le jour de la fête du mouton, quelques semaines avant les élections municipales, ou lorsqu’il a besoin de nous pour donner à son rival une leçon au sujet de la pompe à essence. Comme il n’est pas rare que «Alkhouaja», vienne  nous voir, dans sa belle  voiture,  quand il passe chaque samedi à Tabria, pour être sûr que le Chid est bien arrivée dimanche matin.
Je disais que nous sommes tous du même tissu sauf l’enfant Messoud et sa famille. La famille d’Abou Massâad, dont le chef travaille dans les urgences  à la municipalité, est une famille  «sortie d’on ne sait où», sans oncle ni tante, ou comme nous disons nous les enfants des Hamail, elle n’a ni soucis ni ennuis.
C’est pour cette raison que lorsque cette luxueuse voiture s’arrêta  devant la maison de la famille de Messoud, les enfants perdirent presque la parole. Ce qui serait normal, c’est qu’ils la suivent en courant, qu’ils la touchent, qu’ils dessinent sur ses vitres poussiéreuses. Mais quand Messoud la vit stopper devant leur porte, il resta ébahi, ainsi que ses camarades : comment se fait-il que cette belle et luxueuse voiture s’arrête devant la maison de Messoud, elle qui n’a ni origine, ni poids dans le quartier ?
Messoud ne se demandait jamais pourquoi on l’appelait «Fejla» (le radis), ni comment ce surnom lui était collé. Sa mère l‘appelait ainsi également ; et lui, à son tour, appelait tous ses amis de leurs surnoms. Celui-là : «le soldat», l’autre «le cafard», et même l’instituteur qui leur apprend le calcul,  on l’appelait le «Hihi», en plus, lui, il aime –les radis-,, et il aime en général appeler les gens par leurs surnoms parce que cela assure une sorte d’égalité entre les gens. Mais il aimerait avoir comme tout le monde des frères et des cousins. 
Après que Messoud eut traîné le pas pour arriver à la maison,  il rencontra pour la première fois son oncle et ses cousins qui venaient de «Silat Addahr» rendre visite à leur oncle Abou  Messoud. 
Messoud découvrit qu’il n’était pas «tombé du ciel», et qu’il n’était pas étranger dans ce monde. 
Ce qui est plus important que cette découverte, c’est de  prouver ce fait à ses camarades.
Pour la première fois une série d’évènements commença dans la vie de Messoud.
Pour la première fois, il remarqua que sa mère essayait de le comprendre, et qu’elle ne lui tenait pas tête. Elle se réveilla à l’aube,  ouvrit le coffre où l’on entassait les vêtements et lui  mit les habits de la fête,  avec un long pantalon. Et pour la première fois, il ne tint pas tête à sa mère ; ainsi fit-il sa toilette sans  réprimandes, ni coups.  Il fit semblant d’être poli devant son cousin Sameh qui avait le même âge que lui,  et qui prononçait le «K» comme il devait être prononcé : avec emphase. Et pour la première fois, il prit son petit déjeuner sans pour autant salir sa chemise. Et pour la première fois, il remarqua que son frère Massâad glissait dans sa poche et dans celle de son cousin quelques sous.    

A suivre


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