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L’élection d’Obama est un signe, écrivent Glissant et Chamoiseau, allant dans le sens de l’enthousiasme inouï qui s’est emparé de la planète à cette occasion. "De toute manière, l’actuel mouvement est irrattrapable : quelque chose échappé du gouffre ou nourri dans la terre est là en marche. Chacun s’aperçoit que Barack Obama est une illustration fantastique, complète et absolue de ce phénomène de créolisation dont on prend de plus en plus conscience […]". Créolisation qui essaye de penser la diffusion et la transmission de la culture et de l’histoire des Noirs dans le cadre d’un dialogue permanent entre les cultures, les lieux du monde et sous la forme d’un mélange fécond, poétique surtout.
"Des imaginaires qui font dérive, et s’entrecroisent par-dessus les océans, au-dessus des frontières, dans le silence ou dans l’émoi des dieux, en plein travers des continents, dans les semailles d’îles, levant une géographie que nul ne dessinerait sans la perdre aussitôt." L’idée maîtresse, que Glissant développe depuis maintenant quelques années, est celle de la "Relation" : une manière de vivre sa particularité culturelle sans revendication, mais dans une ouverture maximale aux autres, en vue d’entrecroiser les imaginaires et de découvrir le "pur chatoiement des différences". C’est dans cet perspective que l’Institut du Tout-monde a été créé en 2007.
Obama incarne notamment cette pensée, lui qui a refusé de mettre en avant son appartenance ethnique dans son discours de campagne, et qui s’est fait élire grâce à sa volonté de rassemblement.
Mettre en relation. Briser les frontières, dépasser les frilosités identitaires, faire cesser les discours sur l’identité nationale. En cela le livre de Glissant et Chamoiseau est aussi un pamphlet anti-idéologique à peine déguisé qui vise les pratiques et le discours du gouvernement français, contre lesquels ils avaient déjà exprimé leur indignation dans Quand les murs tombent. L’identité nationale hors-la-loi ? Là se tient peut-être l’un des fondements de la pensée politique de ces deux empêcheurs de penser en rond : le refus catégorique d’un dogme, de la supériorité d’un discours ou d’un système, au profit de la féconde mise en danger de soi devant l’étranger, et dans le but, avant tout, de rechercher et de célébrer la beauté. Ce n’est donc pas tant une politique que décrivent les auteurs, qu’une poétique, rêvant que les deux manières de voir se rassemblent, que la poésie guide la politique, que la politique travaille à concrétiser les idéaux de la poésie.
Le livre n’en comporte pas moins quelques propositions concrètes : mettre fin à la guerre en Irak et pourquoi pas à celle menée en Afghanistan, mieux répartir les richesses, créer un tribunal apte à juger les crimes économiques… De grandes espérances, bien sûr, mais ce n’est pas l’essentiel du livre, son mérite est ailleurs. Car il faut bien du courage aujourd’hui pour accorder une telle confiance en la poésie, pour oser lui demander de rappeler les consciences à l’ordre, de leur redonner de grandes ambitions et de leur insuffler la passion de la dignité humaine.