Moutons subventionnés. Spéculateurs engraissés, consommateurs plumés

L’opposition ittihadie déplore que l’opération n’ait pas été accompagnée de mesures de plafonnement des prix


Mehdi Ouassat
Mercredi 5 Juin 2024

Chaque année, à l’approche de l'Aïd al-Adha, les familles marocaines sont plongées dans un cycle d'angoisse et de frustration face à la hausse incessante des prix des moutons destinés au sacrifice. Malgré les promesses répétées du gouvernement, le soutien destiné aux éleveurs de bétail et les mesures prises pour faciliter l'importation, la réalité du terrain reste implacablement la même.

Ismaïl Alaoui, membre du Groupe socialiste-Opposition ittihadie à la Chambre des représentants, a soulevé ce problème lors de la dernière séance des questions orales, mettant en lumière une situation qui semble empirer d'année en année et qui frappe de plein fouet le portefeuille des ménages marocains. Dans son intervention, le député ittihadi a souligné «que les prix des moutons ont atteint des sommets vertigineux ces dernières années. Des hausses qui ne sont en rien proportionnelles au pouvoir d'achat des Marocains».

Selon lui, «le coût minimum d'un mouton avoisine désormais les 3000 dirhams, soit l'équivalent d'un salaire mensuel pour un ouvrier ou un employé». «Cette réalité est d'autant plus dure pour les travailleurs du secteur informel et les retraités, dont les revenus mensuels sont souvent bien inférieurs», estime Ismaïl Alaoui.

Moutons subventionnés. Spéculateurs engraissés, consommateurs plumés
Ismaïl Alaoui
Il est crucial de protéger les citoyens vulnérables et de s'assurer que la joie de l'Aïd ne soit pas ternie par des pratiques commerciales abusives
Il a, dans ce sens, dénoncé «une déconnexion préoccupante entre les mesures de soutien proclamées par le gouvernement en faveur des éleveurs importateurs et leur mise en œuvre réelle». «Nous constatons qu’aucune mesure ne se reflète sur la réalité», a-t-il déclaré, ajoutant que «les citoyens ne perçoivent aucune baisse des prix dans le marché de bétail».

Dans une analyse plus détaillée, l’élu itthadi a évoqué l'importance d'accompagner tout soutien gouvernemental d'une régulation stricte des prix. «Il est impératif que tout soutien soit assorti de mesures de plafonnement des tarifs, particulièrement dans la conjoncture actuelle de flambée des prix et en considération de l'importance religieuse de l'Aïd al-Adha» a-t-il expliqué. Et de préciser : «C’est la seule issue pour garantir que les subventions accordées aux éleveurs et aux importateurs se répercutent effectivement sur les bourses des consommateurs». 

Ismaïl Alaoui a également appelé le ministère concerné à intervenir rapidement et fermement pour contrer toute manipulation des prix par des spéculateurs sans scrupules. «Il est crucial de protéger les citoyens vulnérables et de s'assurer que la joie de l'Aïd al-Adha ne soit pas ternie par des pratiques commerciales abusives», a-t-il martelé.

Alors pourquoi ces mesures de soutien ne parviennent-elles pas à soulager les citoyens marocains et à se traduire par des prix plus abordables sur le marché ? Pourquoi une telle déconnexion entre les politiques publiques annoncées avec grandiloquence et leur mise en œuvre effective. 

Les spécialistes, dans leur quasi-totalité, estiment que l’une des principales raisons de cette déconnexion réside dans l'absence de régulation efficace des prix. Bien que des subventions soient versées aux éleveurs, il n'existe pas de mécanismes rigoureux pour s'assurer que ces aides se traduisent par des prix plus bas pour les consommateurs. Les spéculateurs et les intermédiaires continuent de fixer des prix élevés, détournant ainsi les bénéfices des subventions à leur profit.

De plus, la transparence dans la distribution des aides et des subventions est insuffisante. Sans une traçabilité claire et une surveillance stricte, il est difficile de garantir que l'argent public atteint les éleveurs les plus nécessiteux et qu'il soit utilisé efficacement pour stabiliser les prix. Les citoyens restent dans le flou, ne voyant aucun retour tangible sur les politiques annoncées.

Pour de nombreuses familles, sacrifier un mouton à l'occasion de l'Aïd al-Adha devient un luxe inabordable, compromettant la célébration d'une fête religieuse profondément ancrée. Cela crée une frustration palpable et un sentiment d'injustice parmi ceux qui peinent à comprendre pourquoi les annonces de soutien ne se matérialisent pas en une aide concrète.

Il est crucial que le gouvernement reconnaisse cette déconnexion flagrante et prenne des mesures urgentes pour y remédier. Des mécanismes de régulation et de contrôle des prix doivent être instaurés pour s'assurer que les subventions profitent réellement aux consommateurs. Il est également essentiel de renforcer la communication avec les citoyens, en expliquant clairement comment les politiques de soutien sont mises en œuvre et en rendant compte de leurs résultats. Restaurer la confiance des citoyens dans les politiques publiques passe par une démonstration concrète de leur impact positif sur la vie quotidienne.

En fin de compte, la problématique soulevée par le député ittihadi révèle un défi plus large pour le gouvernement : celui de la crédibilité et de la confiance. Les citoyens doivent pouvoir croire en l'efficacité des politiques publiques et les voir se traduire en améliorations perceptibles dans leur vie quotidienne. La déconnexion actuelle entre les mesures annoncées et leur mise en œuvre risque d'éroder cette confiance. C’est en alignant les politiques avec les réalités du terrain, que le gouvernement peut non seulement alléger le fardeau financier des familles marocaines mais aussi restaurer la confiance dans les institutions publiques. Car l'Aïd al-Adha doit rester une occasion de joie et de célébration, et non une source d'angoisse et de frustration économique.

Mehdi Ouassat


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