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Moins de deux semaines nous séparent de cette immolation rituelle où religion, traditions, et économie s’entremêlent.
En effet, cette fête religieuse qui est porteuse de valeurs de don, de dévouement, de partage, n’échappe nullement aux rigueurs de l’économie.
L’Aïd est une sorte de courroie de transmission de fonds vers le monde rural. La demande en ovins est évaluée cette année à un peu plus de 5 millions de têtes. Les transactions commerciales des animaux destinés au sacrifice généreront un chiffre d’affaires qui dépasserait les 10 milliards de dirhams selon un communiqué du ministère de l’Agriculture tout en précisant que la demande en têtes de bétail sera largement couverte par une offre qui dépasse les huit millions. La plus grande partie de ces recettes ira directement aux agriculteurs. Une aubaine pour un monde rural éprouvé par des années de sécheresse successives.
Le mouton à tout prix,
le mouton à crédit !
Côté prix, les prévisions du ministère affichent une légère baisse par rapport à l’an dernier, soit un prix moyen entre 2.200 et 2.300 DH. Or, sur le marché, la réalité est tout autre. Les prix sont généralement déterminés par la loi de l’offre et de la demande. Ils varient selon la qualité, la race, l’âge des animaux. Ils sont aussi déterminés en fonction du lieu de vente et de la durée qui nous sépare du jour de l’Aïd.
Haj Zarhouni, un sexagénaire, a installé son troupeau dans un garage près du quartier populaire “Ifriquia”. Pour lui, les chiffres du ministère “ sont peu réalistes” : “Je viens de vendre un beau mouton au prix de 4700 DH. Généralement, le prix d’un mouton normal commence à 3.000 DH.” Et pour expliquer cet écart, Haj Zarhouni rajoute: “L’engraissement aux grains coûte cher. De plus cette année, le manque de pluies nous a privés de pâturages. L’éleveur est obligé de faire monter ses prix pour pouvoir se faire une marge correcte. “
Trois mille dirhams le mouton, soit un peu plus que le SMIG en vigueur au Maroc, arrêté à 2.570,86 DH. Un prix inaccessible pour la majorité de la classe moyenne, surtout que la fête coïncide cette année avec la rentrée scolaire et ses frais exorbitants. Cependant, malgré son prix, le sacrifice rituel est une pratique immuable pour les Marocains qui, traditionnellement, n’y dérogent pas. Bien des chefs de familles modestes s’endettent auprès des banques pour satisfaire les leurs .Mohamed Bakkali, 49 ans, fonctionnaire dans une commune urbaine de Casablanca en fait partie : « Je n’ai pas d’autre choix. S’abstenir de l’achat d’un bon mouton est inenvisageable. C’est mon image de père et d’époux qui est en jeu. J'ai recours au crédit à la consommation pour accomplir ce devoir. »
Le malheur de M. Bakkali et de ses semblables fait le bonheur des organismes de crédits à la consommation. A en juger par le contenu de leurs offres, les fonctionnaires semblent particulièrement aiguiser l’appétit des spécialistes du crédit qui s’activent en matière de communication pour l’occasion. Rassurés du sort de leur argent dont le montant serait débité à la source concernant cette catégorie, ils proposent des financements allant de 3.000 à 5.000 DH, remboursables en 18 mois à coût allégé, voire à taux zéro. Une souplesse qui rassure la clientèle de ces organismes et l’encourage à s’endetter davantage, accumulant de petits crédits qui, en fin de compte, deviennent un vrai calvaire pour les bénéficiaires qui se retrouvent à chaque fin de mois à découvert, avec des retenues dévorant la quasi-totalité de leurs salaires.
L’option de la grande
distribution
Les grandes surfaces surfent à leur tour sur la vague et concurrencent les sociétés de crédit. Un hypermarché, qui organise sur son parking la vente massive de moutons pour l’occasion, promet à ces clients potentiels un financement immédiat avec une procédure simplifiée qui n’exige que trois pièces à fournir. Conscients de la frénésie des achats qui s'empare des ménages durant les jours qui précèdent la fête, cet hypermarché élargit son offre de financement pour englober congélateurs, réfrigérateurs, cuisinières, barbecues et aussi tous les accessoires et ustensiles y afférents (brochettes, grills, couteaux…).. Si beaucoup de ménages se contentent de leur bonne vieille gazinière, ou de leur ancien réfrigérateur, d'autres en revanche profitent de cette fête sacrée pour changer d'équipement électroménager. Le mouton représente ainsi le produit d'appel pour booster les ventes. La période de l'avant Aïd est considérée par les magasins et les distributeurs comme une véritable aubaine, puisqu'elle leur permet de réaliser 60% de leur chiffre d'affaires, particulièrement dans le réfrigérateur.
Les petits métiers
de l’Aïd
Le côté lucratif de cette fête religieuse prend d’autres aspects. A l’échéance de l’Aid Kébir, de nombreux petits métiers fleurissent notamment dans les quartiers populaires, pour répondre à un besoin imminent, et disparaitre le lendemain du jour J.
Cela va des petits transporteurs et des aiguiseurs de couteaux, aux vendeurs de foin...Ne nécessitant aucune autorisation préalable, le nombre de ceux qui s’adonnent à ces activités temporaires se multiplie. Des garages se transforment en marchés de bétail, des jeunes étalent quelques meules de foin près des souks, sur le trottoir, parfois à même la voie publique, des rémouleurs munis d’une meule qu’ils confectionnent avec les moyens du bord, proposent leurs services aux désireux d’aiguiser leurs couteaux et autres accessoires d’abattage, des transporteurs qui, ne disposant pas de capital nécessaire pour monter un fonds de commerce, utilisent leur force physique pour aider les acheteurs à transporter leurs animaux jusqu’à la voiture, des vendeurs de charbon, des épices, des ustensiles de cuisine…Mais le métier phare de l’Aïd reste le boucher qui permet à celui qui le pratique de gagner au moins 1000 DH en plus des tripes que les clients lui donnent. Une recette juteuse qui pousse bon nombre de ceux qui savent égorger à se transformer en bouchers accompagnés d’apprentis bouchers le jour de la fête.
Un autre métier constitue une source de revenu pour certains : il s’agit de l’hébergement des moutons jusqu’au jour J. Taxés à 10 DH la nuitée, les animaux sont nourris et logés dans des garages aménagés pour l’occasion. Une solution efficace pour répondre au besoin des habitants des appartements dont le mode de construction n’avait pas pris en considération cette exigence. L’année dernière, la ville de Casablanca a dédié aux habitants un service d’abattage et d’« hébergement » de mouton au sein des abattoirs de la ville jusqu’à la fête. Les moutons sont gardés pour 20 dirhams par jour et l’opération d’abattage est facturée 200 DH. Le souci des initiateurs de ce service étant d’ordre hygiénique et environnemental selon un communiqué. Si certains ont trouvé dans cette solution un bouée de sauvetage, d’autres, comme Mohamed, n’apprécient guère l’idée : « L’Aïd Al-Adha ne l’est pas sans cette ambiance festive autour du mouton égorgé chez soi », et il continue sur un ton ironique : « A force d’aseptiser, il risque de ressembler plus à Noël qu’à la fête de sacrifice ».
Hygiène et environnement, c’est aussi la hantise des citoyens qui ont répondu positivement à la campagne gouvernementale «Zéro Mica », mais qui ne trouvent pas encore d’alternatives biodégradables. En l’absence d’une politique adéquate, les rues risquent de se transformer en de grands dépotoirs à ciel ouvert par les déchets qui s’entasseront dans les caniveaux et au bord des trottoirs.
Tout le monde y trouve
son compte
Les hôtels, désertés durant cette période, cherchent eux aussi à prendre leur part du gâteau de la fête sacrée. Les promoteurs touristiques multiplient les offres dites familiales, qui concernent surtout des couples solitaires ou avec un seul enfant à charge. Certaines entités hôtelières proposent même la possibilité de ramener son bélier avec soi, de se charger de l’égorger, d’en cuisiner les plats spéciaux de cette fête et d’emballer le reste pour ses clients ou le donner en guise de charité. Sur les sites de deals, les offres pullulent. Ainsi, le luxe s’offre à petits prix à l’occasion de l’Aïd Al-Adha. Autant en profiter.
Autre domaine qui fait ses choux gras de cette fête, ce sont les opérateurs téléphoniques. En effet, cette fête marque la fin du pèlerinage. Les Marocains ont tendance à appeler leurs proches pour avoir de leurs nouvelles, surtout que les événements tragiques de la bousculade à La Mecque de l’année dernière avaient marqué les esprits. Ils profitent aussi de l’Aïd Al-Adha pour s’échanger les vœux de bonheur et se féliciter à cette occasion par des appels ou par de simples SMS.
C’est dire que la fête du sacrifice est une grande aubaine où chacun peut y trouver son compte, même pour les pickpockets qui rôdent ces jours dans tous les marchés de bétail, profitant de l’absence de sécurité pour dépouiller les citoyens qui viennent se procurer un mouton. Un petit tour dans un commissariat de Hay Hassani confirme la multiplication des agressions et vols durant cette période. Alors citoyens, attention à vos poches, ou optez pour un mouton 2.0, commandé sur Internet. Encore faut-il faire confiance à ces sites !
* Journaliste stagiaire