Moqtada Sadr, ancienne bête noire des Américains et actuel champion des réformes en Irak


Lundi 2 Mai 2016

Le puissant chef chiite Moqtada Sadr, qui s'est réinventé comme le champion des réformes en Irak, est un descendant d'une influente famille religieuse devenu populaire après s'être rebellé contre les Américains durant l'invasion du pays.
Toujours coiffé du turban noir des descendants du Prophète, le visage rond et la barbe grisonnante, Moqtada Sadr est à la tête d'un des mouvements chiites les plus importants d'Irak, représenté depuis des années au Parlement même si ses partisans fustigent aujourd'hui l'establishment politique.
Né dans les années 1970 à Koufa au sud de Bagdad, Moqtada est le fils de Mohammed Sadek Sadr, héraut d'un chiisme militant que Saddam Hussein a fait assassiner en 1999. Le cousin de son père, Mohammad Baker, était un grand penseur chiite, lui-même éliminé en 1980 par le dictateur irakien.
Grâce à cette prestigieuse lignée, Moqtada Sadr est propulsé, à partir de 2003, à la tête de la "résistance" chiite à l'occupation de son pays par les forces de la coalition emmenée par les Etats-Unis. Les musulmans chiites sont majoritaires en Irak.
Un an plus tard, en 2004, il crée l'Armée du Mahdi, qui devient rapidement la plus puissante des milices irakiennes avec 60.000 combattants.
Les stratèges américains, qui avaient mésestimé son influence, doivent prendre la mesure de sa puissance. En 2004, de violents combats opposent à Najaf, ville sainte chiite au sud de Bagdad, les GIs à ses miliciens qui sont défaits mais qui établiront leur réputation de combattants déterminés.
En décembre 2006, les généraux américains considéraient encore que Moqtada Sadr était la plus grave menace à la stabilité de l'Irak.
C'est à peu près à cette période que Sadr part en Iran, pour se consacrer pendant environ quatre ans à des études religieuses dans la ville sainte de Qom, tout en conservant la main sur ses partisans en Irak.
Après plusieurs semaines de combats contre les forces américaines et irakiennes dans son bastion de Sadr City à Bagdad en 2008, il met fin aux opérations de sa milice, sans toutefois renoncer à faire entendre sa voix, surtout son hostilité à "l'occupation américaine".
A la tête d'une vaste organisation sociale, il s'est parallèlement prêté au jeu politique dans le nouvel Irak en participant au gouvernement de Nouri al-Maliki avant d'en faire sortir ses six ministres, en 2007.
Mais en 2010, Moqtada Sadr va jouer un rôle crucial pour sortir le pays de la crise liée à l'incapacité des partis à forger une coalition de gouvernement.
Malgré sa rancune tenace à l'égard de M. Maliki pour la répression menée en 2008 contre l'Armée du Mahdi, il choisit de le soutenir, lui donnant un avantage décisif sur ses rivaux.
Néanmoins, le leader chiite critique régulièrement M. Maliki l'accusant de se comporter comme un "dictateur". En 2012, il tentera en vain de retirer la confiance au Premier ministre avec les autres responsables irakiens.
Il a ensuite alterné entre des périodes de quasi retrait de la vie publique, se consacrant à l'étude de la religion à Najaf, et des prises de position publiques marquées comme lorsqu'il a appelé ses partisans à un sit-in devant la Zone verte ultra-sécurisée de Bagdad.
"Il est temps pour vous d'éliminer la corruption et les corrompus", a lancé en mars dernier le chef religieux depuis Najaf, rapporte l’AFP.
Durant deux semaines, des milliers de partisans de Sadr camperont devant cette zone où se concentrent les institutions du pouvoir pour réclamer un nouveau gouvernement à même d'appliquer les réformes politiques et économiques promises par le successeur de M. Maliki, Haider al-Abadi.
M. Sadr entrera lui-même dans la Zone verte le 27 mars pour accentuer la pression sur le Parlement et le gouvernement.
"Sadr est très apprécié par les classes populaires chiites et il utilise cet avantage pour asseoir le succès de son mouvement", estime Ahmed Ali, chercheur à l'Institut des études régionales et internationales de l'Université américaine d'Irak.


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