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A la question de savoir s’il est facile d'établir un lien entre les migrations de population en Afrique du Nord et le changement climatique, Alexis McLean, chargé de recherche au Centre international pour le développement des politiques migratoires (ICMPD), a expliqué, dans une interview à ESG Mena Arabic, que « souvent, les décisions de migration ne sont pas attribuées au changement climatique en tant que tel, car les impacts liés au climat se manifestent souvent indirectement par des difficultés économiques - exacerbées par des facteurs environnementaux - telles que la perte de revenus et l'évolution progressive des conditions de vie, qui influencent ensuite les décisions de migration proprement dites ». Et d’ajouter : « C'est également le cas dans la région étudiée (Egypte, Tunisie et Maroc), où le changement climatique a un impact progressif sur les écosystèmes, ce qui peut entraîner une baisse du niveau de vie et exacerber les problèmes socio-économiques existants au fil du temps».
L’interviewé a indiqué, par ailleurs, que «le sort des populations « piégées» est particulièrement préoccupant étant donné leur visibilité limitée dans les récits nationaux et internationaux sur le changement climatique, et il est important de mettre en évidence ces groupes et leurs vulnérabilités particulières pour mettre en place des réponses équitables au changement climatique».
Complexe
En réponse à la question relative aux difficultés à établir un lien entre le changement climatique et les mouvements migratoires internes et externes dans les trois pays, Alexis McLean soutient que « la compréhension de la manière dont les facteurs de stress climatiques et environnementaux affectent les résultats des migrations est encore incomplète. La caractérisation des migrations liées au climat dans la région étant assez complexe, il existe très peu de données permettant d'attribuer clairement la décision de migrer au changement climatique, ce qui s'explique en partie par la nature progressive des effets du changement climatique dans la région, qui imprègnent les écosystèmes au fil du temps. Des facteurs tels que les opportunités économiques, les questions de gouvernance et l'accès à l'éducation influencent également grandement les processus de prise de décision en matière de migration et peuvent n'être qu'indirectement liés aux changements environnementaux, en fonction des circonstances et du statut socioéconomique des personnes ». Et de préciser : «Les aspirations à la migration découlent principalement de la perception d'un manque d'opportunités, et il est intéressant de noter que les personnes touchées n'associent pas toujours cette dégradation au changement climatique, mais se concentrent plutôt sur des manifestations plus visibles et tangibles, par exemple la qualité des sols ».
Pénurie
Mais, d'une manière générale, comment le changement climatique a-t-il alimenté la migration des agriculteurs en Égypte, en Tunisie et au Maroc ? « Dans les trois pays étudiés, le lien entre climat et mobilité s'articule principalement autour de la pénurie croissante d'eau, qui affecte de manière disproportionnée les agriculteurs et les communautés rurales tributaires d'eau », souligne Alexis McLean. Et d’observer : « En Egypte, il s'agit notamment d'une grave pénurie d'eau exacerbée par la réduction du débit du Nil et la détérioration des conditions agricoles dans les zones rurales. Ces défis ont suscité d'importantes tendances migratoires internes qui ont accéléré les processus d'urbanisation en cours. En outre, l'élévation du niveau de la mer affecte considérablement les zones côtières telles que le delta du Nil, les projections indiquant que la moitié de ses zones côtières pourraient être touchées d'ici 2100, ce qui pourrait entraîner des changements démographiques majeurs ».
Il a remarqué également que « si la pénurie d'eau touche tous les segments de la société, ses effets les plus graves sont ressentis par les agriculteurs, les femmes et les jeunes qui subissent de plein fouet cette évolution. Contrairement aux villes, les zones rurales n'offrent pas de possibilités d'emploi ou d'éducation en dehors de l'exploitation agricole. En outre, ces espaces sont généralement structurellement marginalisés et isolés des flux économiques et d'investissement et sont souvent négligés dans la planification du développement, de sorte que la migration est considérée comme l'une des rares alternatives permettant de conserver une source de revenus ».
A ce propos, il a cité l’exemple de l'échec de la récolte de mangues de 2021 à Ismailia (Egypte) qui a eu un impact direct sur la décision de nombreux jeunes agriculteurs qui ont décidé de s'installer dans des zones urbaines pour compenser les pertes importantes, ce qui a mis en évidence les implications pratiques de la mobilité pour les risques climatiques imprévisibles. « Dans cette optique, outre les déplacements induits par les catastrophes, la mobilité climatique en tant que phénomène moderne est étroitement liée à l'agriculture et au bien-être des communautés agricoles. Parallèlement, l'immobilité est tout aussi importante, car l'attachement à la terre, à la culture et à la communauté dans ses dimensions émotionnelles est un facteur négligé mais crucial dans la décision des personnes de se déplacer ou non », constate-t-il. Et d’expliquer : « La terre est étroitement liée aux normes et au sentiment d'identité des agriculteurs. Souvent, les liens ancestraux ou intergénérationnels expliquent pourquoi les agriculteurs sont réticents à céder leurs terres, malgré les signes de baisse de la valeur commerciale ou les risques climatiques inévitables. Cette inertie présente des défis importants dans la région, dans un contexte de changement de la réalité climatique ».
Obstacle
Et de conclure : « L'existence d'obstacles formels et informels à la mobilité dans le contexte du changement climatique suggère que la relation entre le climat et la mobilité est beaucoup plus nuancée qu'on ne le dit généralement. Cependant, les parties prenantes s'accordent à dire que l'immobilité interne et internationale constitue un risque sérieux dans la région, en particulier à mesure que les impacts du changement climatique deviennent plus prononcés ».
Hassan Bentaleb