Michel Blanc. Clown triste du cinéma français


Libé
Lundi 7 Octobre 2024

Michel Blanc. Clown triste du cinéma français
 Acteur populaire français depuis la comédie à succès des "Bronzés", Michel Blanc, décédé à 72 ans dans la nuit de jeudi à vendredi, a alterné le rire et l'émotion, explorant tout en finesse l'âme humaine, devant et derrière la caméra.
Tout au long de sa carrière, ce gros bosseur, perfectionniste, sait d'ailleurs utiliser ses complexes et son talent d'écriture pour explorer le désenchantement et façonner les personnages de ses films
"On sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher..." Pour beaucoup, il restera à jamais Jean-Claude Dusse, le gringalet chauve et moustachu des "Bronzés", film sorti en 1978 où il incarne un dragueur raté toujours persuadé de pouvoir "conclure" et dont les répliques sont passées à la postérité.

Gros succès puis carton encore plus énorme, un an plus tard, avec "Les Bronzés font du ski", les deux films sont devenus cultes.

Des générations ont ri en entendant "Oublie que tu n'as aucune chance, vas-y, fonce ! On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher" ou encore "Eventuellement, si vous étiez au bout du rouleau, on pourrait envisager de conclure ?"
Ce personnage aussi exaspérant qu'attendrissant a un temps enfermé Michel Blanc dans des rôles d'hypocondriaque ou de maladroit.

Le comédien avait pourtant déjà fait ses preuves dès le milieu des années 1970 en tournant pour Bertrand Tavernier ("Que la fête commence"), Claude Miller ("La Meilleure façon de marcher") ou Roman Polanski ("Le Locataire").
Après l'énorme succès public de "Marche à l'ombre" (1984), son premier film en tant que réalisateur, le comédien sait finalement rebondir et élargir son registre.

Il est le premier à s'éclipser de la bande du "Splendid", du nom de ce café-théâtre parisien fondé avec des copains de lycée et pépinière d'acteurs devenus célèbres.
Et fait exploser le "plafond de verre" grâce au transgressif "Tenue de soirée" (1986) du réalisateur Bertrand Blier.

Il y incarne l'émouvant Antoine, qui s'entiche de Gérard Depardieu et se travestit. Le rôle, couronné du prix d'interprétation masculine à Cannes, marque un tournant dans sa carrière.

Né le 16 avril 1952 à Courbevoie (Hauts-de-Seine), Michel Blanc vient d'un milieu plutôt modeste, avec un père déménageur qui finira cadre moyen et une mère dactylo devenue comptable. Des parents très aimants qui surprotègent ce fils unique, né avec un souffle au cœur.

Timide, chétif, grand hypocondriaque - "je suis le pionnier du gel hydroalcoolique !" -, le jeune Michel perd vite ses cheveux et va miser davantage sur l'autodérision et l'humour, parfois caustique, que sur son physique.
"J'ai un avantage sur les chauves tardifs, je n'ai jamais associé la calvitie à l'âge", plaisantait celui qui a longtemps été mal dans sa peau.

Dès l'enfance, il se passionne pour la musique classique. A 20 ans, il tente même de faire carrière comme pianiste. Il y consacre six à sept heures par jour mais renonce assez vite, comprenant qu'il ne sera jamais "le nouvel Arthur Rubinstein".
Changement de cap avec l'aventure du Splendid, où il rejoint sa bande de copains du lycée de Neuilly, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte et Christian Clavier.

"Comme je ne m'aimais pas, j'avais envie de jouer des personnages qui n'étaient pas moi".
"C'est un homme solitaire, blessé, déconcerté", disait son amie, l'écrivaine Françoise Sagan. "Je suis un anxieux qui préfère l'action à la dépression", précisait l'intéressé.

Tout au long de sa carrière, menée également au théâtre, ce gros bosseur, perfectionniste, sait d'ailleurs utiliser ses complexes et son talent d'écriture pour explorer le désenchantement et façonner les personnages de ses films, notamment ceux qu'il réalise comme "Grosse Fatigue" (1994) et "Embrassez qui vous voudrez" (2002).

Il se montre convaincant dans le registre dramatique, en campant l'inquiétant "Monsieur Hire" (1989), d'après Simenon, ou un médecin au début du sida dans "Les Témoins" (2007) d'André Téchiné. Ou encore à la télévision dans "L'Affaire Dominici" (2003).

Après le rendez-vous raté du troisième opus des "Bronzés" en 2006, Michel Blanc, nommé quatre fois au César du meilleur acteur, remporte en 2012 la précieuse statuette pour son second rôle inattendu de directeur de cabinet dans le thriller politique "L'Exercice de l'Etat".


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