L’autre film primé n’en est pas moins aussi courageux puisqu’il aborde de front la question des jeunes qui « disparaissent » subitement pour apparaître finalement à la Une des journaux à l’occasion d’un attentat terroriste. Mon ami disparu, court-métrage de 15 mn de Zinealabidine Mohamed Almokhtar, a d’emblée attiré l’attention des observateurs présents à Nouakchott non seulement pour la force de son sujet mais aussi pour la qualité de son organisation technique.
Certes, il est plutôt proche du reportage que d’un vrai documentaire mais la structure de base tient la route. Il donne la parole à des amis du disparu : leur témoignage est très courageux dans un contexte où l’opinion publique mauritanienne est encore traumatisée par l’attentat perpétré par un kamikaze près de l’ambassade de France à Nouakchott. Un acte inouï au sein d’une société bédouine marquée par de grandes traditions de tolérance et d’hospitalité. Le mérite du film est de cerner le sujet à travers un cas concret, celui d’un ami disparu mais en fait qui a décidé de rejoindre les extrémistes religieux. Le film a bénéficié d’une aide du Centre cinématographique marocain lui permettant d’être transféré sur support argentique. Geste qui a été fort applaudi et apprécié par les cinéastes mauritaniens et l’ensemble des invités de la Senaf.
Ces films primés expriment une tendance générale du jeune cinéma mauritanien : témoigner sur la réalité de la société mauritanienne actuelle. La situation de la femme, les relations ethniques entre noirs et blancs, les phénomènes liés à la migration…Il faut citer dans ce sens un moyen-métrage de 52 mn coproduit avec la France et qui aborde le sujet de la découverte du pétrole en Mauritanie. Il s’agit du film de Thierry Nutchey, Du brut sous les pirogues. On se rappelle en effet qu’il y a quelques années, beaucoup de bruit avait accompagné la découverte du pétrole au large des côtes mauritaniennes. Le film saisit les différents moments rocambolesques de ce qui allait vite se révéler comme un nouveau problème pour un Etat mal préparé et souffrant de manque de moyens pour affronter les calculs, le cynisme des grosses compagnies pétrolières et surtout les conséquences d’une nouvelle situation économique et sociale. Les conséquences sur l’environnement en sont l’un des aspects tragiques. Historiquement la Mauritanie a vécu d’une richesse que l’océan livrait avec générosité : le poisson. L’arrivée du pétrole risque de mettre fin à ce trésor. Conséquence sur l’environnement naturel mais aussi sur l’environnement général du pays : dès l’annonce de la découverte du pétrole, la Mauritanie a connu un coup d’Etat. Une ère d’instabilité fut ouverte. Le pétrole : une malédiction ? C’est la conséquence qui se dégage en filigrane de ce film fort qui interpelle bien au-delà de la Mauritanie.