La peinture de My Abdallah El Yamani, où domine la tendance abstraite, formes allusives, aplats contrastés, motifs mémoriels à configuration libre, émane d’une imagination émancipatrice, qui tend à libérer l’être d’étranges ordalies pour accorder sa sensibilité éprouvée au déterminisme d’une vie plutôt subie que choisie.
Des formes figurales souvent féminines percent ici et là à travers une palette polychrome où dominent les tons chauds, foncés, que l’artiste épure en les poussant parfois à leur extrême transparence. Lyamani a l’air (c’est une façon de dire) de relater des récits de vie monologués, des rêves vécus et intériorisés au point de se confondre avec son âme, des pressentiments de joie, de peur, qui font que réel et imaginaire chez lui se télescopent dans une suite d’œuvres échevelées. Lumière et obscurité alternent dans un jeu de voilement/dévoilement, préfigurant des personnages en silhouettes, dans des attitudes d’attente, d’interrogation (figures métaphoriques d’êtres essentiellement absents), et tout un éventail d’objets/images dont l’artiste n’a de cesse de réinventer le sens.
Ce créateur avant la lettre y va naturellement de son don (il est autodidacte), comme on fait une plongée en apnée dans les eaux profondes du psychisme, fouillant à coups de traits, de touches, de mouvements pour pouvoir ramener à la surface de la toile et du présent des signes identificatoires qui rassurent, quelque chose comme les fondamentaux d’une histoire propre, dégagée de tout emprunt et que Lyamani s’attache à spécifier artistement, en autant d’expressions qui sont les siennes.
L’artiste travaille à régénérer par instinct des acquis et un apprentissage non accordés, accumulés au fil du temps et devenus comme une peau de chagrin, à l’initiation desquels il n’avait pas voix au chapitre.
Sa peinture est une perpétuelle remise en cause et un sensible rejet dans les règles de ces derniers. C’est ce qui, apparemment, fait son côté ambivalent et lui donne une dimension inquiétante, qui n’est rien moins que dramatique.
* Poète et critique d’art