Libre opinion : Quel rôle pour les fondateurs du Polisario ?


Par Taoufik Jdidi
Jeudi 6 Novembre 2014

Libre opinion : Quel rôle pour les fondateurs du Polisario ?
Chaque année, à l’occasion de la commémoration de l’anniversaire de la Marche Verte, beaucoup d’analyses vont ressurgir pour faire part de l’importance de cet événement à la fois historique et exceptionnel. Plusieurs écrits vont retracer l’évolution des conditions politiques ayant prévalu avant, pendant et après cette épopée populaire. Les observateurs et bon nombre de citoyens qui suivent de près le déroulement des tractations internationales au sujet du dossier du Sahara marocain, les négociations directes et indirectes tenues sous l’égide de l’ONU depuis des dizaines d’années, relèvent cependant, l’absence d’une pièce maîtresse dans ce puzzle diplomatico-politique qui est celle du rôle que devaient jouer les ex-fondateurs du Polisario, qui avaient rallié le Maroc pour répondre au fameux slogan lancé par l’ancien Monarque :  «La Patrie est clémente et miséricordieuse».
Si par le passé, le dossier du Sahara était presque monopolisé par l’ancien ministre de l’Intérieur, Driss Basri, laquelle monopolisation avait essuyé des critiques acerbes de la part d’une bonne partie de la classe politique et des associations de la société civile, avec l’avènement du nouveau règne, l’approche avait quelque peu changé, notamment avec la création du Conseil  Royal consultatif pour les affaires sahariennes. En effet, avec cette nouvelle donne, les Marocains avaient espéré que le dossier sera  dépoussiéré pour créer une nouvelle dynamique qui accompagnerait la proclamation du nouveau plan d’autonomie, en tant qu’alternative crédible au référendum d’autodétermination qui s’est enlisé dans les sables mouvants des désaccords entre les parties concernées .
Or, hormis l’effet d’éclat qu’a produit la création de cet organisme, l’opinion publique devait vite déchanter, puisque les dissensions internes et les divergences tant conceptuelles que personnelles voire tribales parfois, avaient eu raison de l’enthousiasme sinon de l’engouement suscité par cette initiative. Que dire alors du bilan de ce Conseil ? Son silence, son absence de la scène en disent long sur son incapacité à tracer une stratégie claire qui permettrait à l’Etat marocain de consolider ses appuis dans le processus des négociations et de défense de l’intégrité territoriale. Ce silence s’est illustré manifestement lors des douloureux événements du camp de Gdeim Izik! Ce qui a fait dire à l’un de ceux qui ont rallié le Maroc, Ramdan Ben Messaoud en l’occurrence que : «Le Corcas ne joue aucun rôle important. C’est une coquille vide. Il est là seulement pour faire amuser la galerie ». 
Il est difficile de contredire cette affirmation, mais toujours est-il qu’il est légitime de rendre la politesse à M. Ramdan et lui poser la question suivante : « Quel est le rôle qu’ont joué ou que jouent les anciens fondateurs et cadres du Polisario qui ont rallié le Maroc ?».
L’opinion publique avait suivi avec grand intérêt le ralliement, au Maroc, de plusieurs membres fondateurs du Polisario, ainsi que des cadres et autres séquestrés des camps de Tindouf. Il est question de plus de huit mille personnes qui ont, ainsi, préféré retourner au pays. Cependant, l’attention des Marocains s’est focalisée sur ces ténors, dont le retour avait provoqué un réel séisme dans les rangs des séparatistes et autres marionnettes à la solde du pouvoir algérien. 
Tous avaient loué le génie du défunt Monarque qui n’avait lésiné sur aucun moyen pour que ces piliers du mouvement séparatiste puissent regagner la mère patrie, asséner, ainsi, un coup dur aux adversaires du Maroc et démanteler un pan entier de leur idéologie. 
Bien que ce fût une victoire certaine, son effet n’a duré que ce que dure la vie d’une rose. Bien installés et confortablement entourés et choyés, ces ex-fondateurs, dans leur majorité, n’avaient pas assumé leurs responsabilités devant l’histoire et devant le peuple marocain en se mobilisant pour la défense de l’intégrité territoriale et pour contrecarrer, sur le terrain, les visées séparatistes et hégémonistes des adversaires. La déception fut grande de les voir bénéficier de privilèges énormes, comme si leur retour avait été conditionné, voire monnayé. C’est en tout cas le sentiment d’une très grande partie de l’opinion publique qui n’arrivait pas à comprendre pourquoi le Polisario et la «RASD» continuaient à bénéficier du soutien de parties non négligeables de la communauté internationale, alors que Brahim Hakim fut chargé, en tant qu’ambassadeur itinérant, de faire renverser la tendance. Les autres ex-dirigeants historiques du mouvement séparatiste ont été parqués par l’ancien ministre Driss Basri dans des fonctions plus ou moins honorifiques, sans qu’ils aient le moindre accès au dossier du Sahara, y compris pendant le déroulement des préparatifs pour le référendum qui devait se tenir après la proclamation du cessez-le-feu en 1991.
La responsabilité de l’ex-ministre de l’Intérieur a été consacrée, puisqu’en écartant sciemment ces ex-dirigeants, il voulait montrer au chef de l’Etat et au peuple marocain qu’il était capable, par sa propre stratégie, de résoudre le problème. Or, non seulement cette stratégie a débouché sur un fiasco, mais elle a contribué, au passage, à démobiliser bon nombre de bonnes volontés qui auraient pu contribuer à freiner l’élan agressif des adversaires de l’intégrité territoriale  du Maroc.
Cette  marginalisation a continué à sévir, à moindre degré, même sous le nouveau règne, notamment avec la monopolisation du dossier des négociations sous l’égide de l’ONU, par les ministres successifs des Affaires étrangères qui avaient ouvert, cependant, une petite brèche en associant épisodiquement quelques figures sahraouies à ce processus. 
Cela dit, parmi les figures sahraouies qui se sont illustrées sur la scène politico-médiatique, il y a lieu de citer Cheikh Biadillah, ex-membre fondateur du Polisario et actuel président de la Chambre des conseillers, dont le propre frère est un dirigeant de premier ordre au sein du groupe de Tindouf, qui n’hésite pas à monter au créneau et à raconter, sans complexe les péripéties de la création de ce Front dont les objectifs initiaux étaient axés sur la lutte pour l’indépendance de ce territoire de la colonisation espagnole et le rattachement à la mère-patrie. Il y a également Dahi Akay Ould Sidi Yousssef, dont l’action à la tête de l’Association des disparus du Polisario, a sérieusement ébranlé les certitudes dont se pavoisaient les maîtres de Tindouf et dont certains membres sont, actuellement, poursuivis pas les juridictions espagnoles pour divers crimes et tortures. D’autres figures politiques et  militants associatifs se démènent pour faire entendre leurs voix et s’activent aussi sur le terrain, comme c’est le cas de la députée Gajmoula Bent Abbi. Mais cela reste insuffisant eu égard à l’ampleur de la tâche. 
Les pouvoirs publics, et tous les intervenants de ce dossier sont appelés, plus que jamais, à décréter la mobilisation de toutes les potentialités du pays afin de contrecarrer, de manière décisive, les plans diaboliques de nos adversaires. Il est question, en particulier, de faire sortir les ex-membres fondateurs du Front Polisario de leur léthargie et de les inciter à prendre part individuellement ou dans le cadre d’une structure dont la mise en œuvre reste à déterminer.  
Toujours est-il que l’opinion publique marocaine demeure très attentive à l’évolution du dossier du Sahara marocain, surtout que l’Algérie et ses rejetons de Tindouf ne ménageront aucun effort pour faire enliser l’affaire dans les méandres onusiennes et de faire feu de tous bois concernant les droits de l’Homme.


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