Les zones rebelles d'Alep se préparent à endurer un siège

250.000 à 300.000 personnes demeurent trop pauvres pour pouvoir fuir ou trop impliquées pour abandonner le combat


Samedi 20 Février 2016

Une seule route, cordon ombilical pris sous le feu, relie encore les zones rebelles de l'est d'Alep à la Turquie. En voie d'être assiégée, pilonnée par l'aviation, ce bastion de la rébellion syrienne stocke armes et provisions pour tenir le plus longtemps possible.
Dans la grande ville de Gaziantep, en Turquie, les ONG se mobilisent pour organiser le ravitaillement d'urgence d'Alep, dans laquelle de 250.000 à 300.000 personnes demeurent, trop pauvres pour pouvoir fuir ou trop impliquées dans ce qu'elles nomment leur "révolution" pour abandonner le combat.
"Le siège par les forces du régime n'est pas encore étanche, il reste un accès par l'ouest qu'on appelle la route du Castello. Même s'il est sous le feu d'à peu près toutes les parties et donc très dangereux", explique Assad Al-Achi, directeur de l'ONG Baytna Syria.
"Il peut être coupé à n'importe quel moment", poursuit-il, "mais j'ai un ami qui est allé à Alep il y a deux jours, il est passé", rapporte l’AFP. "Les préparatifs battent leur plein en prévision d'un véritable siège", dit M. Al-Achi. "Les organisations humanitaires syriennes, il y en a plus d'une centaine sur place, stockent tout ce qu'elles peuvent à l'intérieur de la cité. Le conseil local d'Alep a formé une structure d'urgence pour se préparer au siège. En cas d'imposition d'un siège complet, Alep peut tenir au moins un an, sans doute davantage".
Depuis le début du mois de février et l'offensive de grande envergure des forces du président syrien Bachar al-Assad, appuyées par une intense campagne de bombardement aérien russe, l'hypothèse d'un encerclement complet des zones tenues par les rebelles dans la deuxième ville de Syrie se précise.
Les groupes insurgés qui, par la route du Castello, peuvent encore rallier l'autre bastion rebelle d'Idlib, au nord-ouest, multiplient les convois d'armes et de munitions, envoient des renforts dans la ville. La farine, l'huile, le sucre, le matériel médical sont stockés en centaines voire en milliers de tonnes.
Le spectre de l'encerclement de la ville de Homs, plus au sud, qui a tenu près de trois ans mais a fini par capituler est dans tous les esprits.
"Mais pour Alep, ce ne sera pas pareil", assure Manhal Bareesh, opposant syrien, ancien membre d'un éphémère gouvernement provisoire mis sur pied par la rébellion.
"Les zones rebelles sont beaucoup plus vastes, mieux défendues. Ils sont en train de creuser des voies à demi-enterrées, des tranchées, des tunnels pour continuer à pouvoir circuler. Ce siège ne sera jamais étanche", estime-t-il.
Les hôpitaux et structures médicales, régulièrement pris pour cible afin de démoraliser les civils et les combattants, ont été largement transférés en sous-sol, comme certaines écoles dans des quartiers exposés.
"Les médecins qui devaient partir sont partis. Ceux qui restent savent à quoi s'attendre et sont volontaires, c'est leur choix", ajoute Manhal Bareesh.
Une autre ville martyre revient dans toutes les conversations: Grozny, capitale de la Tchétchénie, littéralement rasée par l'artillerie et l'aviation russes il y a vingt ans.
"Désormais, tout dépend de Moscou", assure Assad Al-Achi. "Bachar est prêt à tout détruire s'il le faut pour remporter une victoire à Alep. Il n'a pas les moyens, pas les soldats pour la reprendre. Il faudrait la raser, comme Grozny. Les Russes vont-ils accepter de le faire ?"
"Je pense plutôt que ça va rester un front ouvert pendant des années, peut-être vingt, trente ans", répond-il. "La résistance est décidée à tenir coûte que coûte, à faire venir des renforts de combattants autant qu'elle le pourra. Les Turcs feront tout pour les y aider, pour les ravitailler".
Manhal Bareesh assure que, depuis le 5 février, l'aviation russe a mené plus de 2.000 raids sur les positions rebelles, provoquant l'exode massif de réfugiés massés contre la frontière turque toujours fermée.
"Ils n'auront aucun problème à refaire un second Grozny", dit-il. "Si l'ONU, les Américains et le reste du monde détournent le regard, il n'y a plus d'espoir".


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