Les propos de Trump sur Gaza éloignent la perspective d'une normalisation entre Ryad et Israël


Libé
Dimanche 9 Février 2025

Les annonces surprenantes de Donald Trump sur Gaza éloignent la perspective d'une normalisation entre Israël et l'Arabie saoudite, qui devra ménager Washington tout en veillant à préserver ses intérêts dans la région, soulignent des experts.

M. Trump a affirmé mardi que "les Etats-Unis vont prendre le contrôle de la bande de Gaza" et répété que ses plus de deux millions d'habitants pouvaient être déplacés vers l'Egypte et la Jordanie voisines, qui ont catégoriquement rejeté cette option.

"S'il en fait sa politique, il ferme la porte à une reconnaissance d'Israël par l'Arabie saoudite", affirme à l'AFP James Dorsey, chercheur à l'Institut du Moyen-Orient de l'Université nationale de Singapour.

Le président américain s'est exprimé après une rencontre à Washington avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui a avancé, lui, qu'un accord allait "se faire" avec l'Arabie saoudite.
Mais pour Anna Jacobs, de l'Arab Gulf States Institute, l'approche de M. Trump "ne fait que rendre la normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël encore plus difficile".

La diplomatie saoudienne a en effet vivement réagi, en disant écarter toute normalisation sans la création d'un Etat palestinien, et qualifiant sa position d'"inébranlable".
Elle a également réaffirmé "son rejet catégorique" de tout "déplacement forcé des Palestiniens", dans un communiqué publié très peu de temps après les déclarations mardi de M. Trump.

"Une rapidité inhabituelle pour l'Arabie saoudite qui souligne la gravité avec laquelle ils prennent cette question", estime M. Dorsey.
Les annonces du président américain ont déclenché un tollé dans la communauté internationale, l'ONU mettant en garde contre un "nettoyage ethnique" dans le territoire palestinien.
 
L'administration Trump s'est efforcée ensuite de nuancer en assurant que tout transfert des Palestiniens de Gaza serait temporaire.
Si M. Trump mettait ses plans à exécution, il risquerait de "déstabiliser la région et alimenter le sentiment anti-américain, en particulier en Arabie saoudite", où la population est largement solidaire de la cause palestinienne, décrypte Anna Jacobs.

Le royaume avait entamé en 2020 des négociations en vue d'un rapprochement avec Israël en échange notamment d'un pacte de défense avec Washington et d'une assistance américaine pour un programme nucléaire civil.

La première économie du monde arabe avait toutefois suspendu les pourparlers après le début de la guerre dans la bande de Gaza, déclenchée par l'attaque sanglante du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023.

La puissante monarchie du Golfe "n'est pas un Etat vassal des Etats-Unis", affirme Andreas Krieg du King's College de Londres. "Les Saoudiens ne se contenteront pas de suivre les diktats de Trump, ils resteront fermes sur leurs positions, prêts à négocier sur certains points, mais avec des lignes rouges".

"Personne en Arabie saoudite n'a intérêt à brader la cause de l'Etat palestinien. C'est le dernier et le plus important levier dont disposent les Saoudiens en termes d'autorité et de légitimité dans le monde arabe et musulman. C'est un atout essentiel qu'ils ne peuvent pas simplement abandonner", estime-t-il.

Toutefois, tempère M. Dorsey, l'Arabie saoudite devra trouver un équilibre délicat entre sa relation avec les Etats-Unis et son propre intérêt régional: "en matière de sécurité, l'Arabie saoudite n'a personne qu'elle peut solliciter sauf Washington", notamment pour l'achat d'armes. La Chine "n'est ni disposée ni capable (de l'aider) et après l'Ukraine, peut-on compter sur la Russie?", ajoute-t-il.
Mais la stabilité régionale est aussi essentielle pour l'ambitieux projet de transformation économique "Vision 2030" du prince héritier et dirigeant de facto d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane.

Si les habitants de Gaza sont déplacés en Egypte et en Jordanie, cela "fragilisera deux pays essentiels à la stabilité régionale et particulièrement à la sécurité de l'Arabie saoudite", risquant d'éloigner de potentiels investisseurs et touristes du pays, affirme le chercheur saoudien Aziz Alghashian.

"Le plan de Trump, associé à l'approche de Netanyahu, représente des risques majeurs pour l'Arabie saoudite. Cela souligne qu'ils ne sont pas de véritables partenaires pour la paix aux yeux de Ryad, surtout Netanyahu, qui semble vouloir tous les avantages sans faire de concessions".

Autant de facteurs qui poussent Ryad, premier exportateur de brut mondial, à une approche prudente: "l'Arabie saoudite ne devrait pas prendre de mesures majeures pour l'instant. Bien qu'elle dispose d'un levier important sur les Etats-Unis, notamment dans le secteur de l'énergie, elle ne semble pas prête à l'utiliser à ce stade", affirme M. Krieg.
 


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