Les prescriptions fatales des radio-herboristes

17 victimes dont deux enfants en bas âge


Hassan Bentaleb
Samedi 5 Avril 2014

Les prescriptions fatales des radio-herboristes
Les émissions radiotélévisées et articles de presse encourageant les citoyens à utiliser de soi-disant plantes médicinales sont-ils devenus un vrai danger pour la santé publique ? C’est ce que laissent penser les derniers cas d’intoxication enregistrés par le Centre antipoison du Maroc (CAPM). Selon le dernier numéro de la revue trimestrielle «Toxicologie Maroc»,  17 cas d’intoxication ont été enregistrés provoquant le décès de deux enfants. 
A en croire les responsables du CAPM, sept cas d’intoxication dus à l’ingestion de Daghmous  on été notifiés dernièrement.  Il s’agit de cinq membres d’une même famille, âgés entre 6 et  70 ans, qui ont ingéré le jus de cette plante utilisée comme fortifiant, suite aux conseils délivrés par une chaîne radiophonique nationale sur les éventuelles vertus de cette plante du désert.  
Le CAPM  cite également le cas d’une  jeune patiente qui a pris du Daghmous en guise de médication contre son kyste mammaire. Une ingestion qui a vite provoqué chez elle une forte irritation digestive avec des vomissements. C’est le cas aussi d’une autre patiente de 28 ans qui a pris la même plante pour traiter une rhinite allergique et qui a vite présenté une altération de l’état général et une cytolyse hépatique accompagnés d’une forte irritation digestive avec des vomissements.
Une fille de 6 ans a fait elle aussi les frais de ces conseils lancés  à tout vent par ces émissions radiophoniques.  Elle a utilisé de l’huile d’armoise blanche comme vermifuge. Une thérapie  lourde de conséquences puisque la fille en question a rapidement été saisie de nausées, de vomissements et de convulsions avant d’être admise à l’hôpital. Sitôt arrivée aux urgences, son cœur a cessé de battre, mais elle a été miraculeusement sauvée après un massage cardiaque et l’utilisation d’une thérapeutique appropriée.
Mais, il n’y a pas que les seuls patients qui soient victimes de l’utilisation à l’aveuglette de ces plantes. Même la simple collecte de ces produits peut s’avérer dangereuse.  C’est le cas  de neuf enfants (5 garçons et 4 filles), âgés entre 8 et 12 ans, et qui ont participé à la collecte d’Addad, un tubercule fortement conseillé par les herboristes  qui sévissent sur les stations radios. Ces enfants ont présenté des signes d’intoxication de gravité variable allant jusqu’à l’insuffisance hépatocellulaire et le coma convulsif. Malheureusement, deux d’entre eux n’ont pu être sauvés et  sont décédés.
Pour Khalid Zouine, expert en politique et industrie pharmaceutiques, les cas cités par le CAPM demeurent  non représentatifs. Selon lui,  le chiffre de 17 cas reste faible et loin de la réalité. «Beacoup de cas ne sont pas déclarés au CAPM», nous a-t-il expliqué avant d’ajouter : «En France, pays où l’usage des plantes est fortement réglementé, on compte 300 cas d’intoxication par mois dus à l’ingestion des plantes» .  
Zouine ne mâche pas ses mots. Il estime que le CAPM a lancé ces chiffres pour démontrer qu’il fonctionnait encore. Mais notre expert est catégorique. Le CAPM demeure incapable de cerner l’ensemble des cas d’intoxication qui surviennent au Maroc. « Le CAPM n’est aujourd’hui qu’une simple institution dépendant du ministère de la Santé et dont l’activité est fortement centralisée à Rabat alors qu’on doit disposer de six centres dans les 12 régions que compte le pays pour être à même de répondre sur place à la demande». Notre source pense également que le CAPM ne dispose pas d’une vision claire et l’ensemble de son travail est fondé sur les déclarations des pharmaciens d’officine dont un grand nombre ne juge pas utile de le faire.  Des propos qui remettent en cause la validité des statistiques émanant du CAPM et la persistance de sa mise en garde contre la prolifération des émissions  radiotélévisées et articles de presse écrite encourageant les citoyens à l’usage des plantes, mais qui ne remettent pas en cause le véritable danger que représentent  les émissions en question.   
Contacté par nos soins, les CAPM nous a indiqué qu’il ne pouvait fournir d’informations à la presse qu’avec l’aval du ministère de la Santé. Une procédure qui en dit long sur la disponibilité et la volonté de collaboration des services de communication de ce centre.   


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