Les jeunes ont tendance à sous-estimer les dangers du cannabis

Les risques liés aux drogues augmentent avec les effets de la pandémie


Libé
Vendredi 25 Juin 2021

Les jeunes ont tendance à sous-estimer les dangers du cannabis
L’ année dernière, l'Organisation des nations unies a reconnu officiellement l'utilité médicale du cannabis. En 2021, le Rapport mondial sur les drogues 2021, tout juste publié par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) condamne cette substance avec véhémence. Et pour cause, “au cours des 24 dernières années, la nocivité du cannabis aurait été multipliée par quatre dans certaines parties du monde”, s’inquiète ledit rapport, alors que le pourcentage d'adolescents qui perçoivent cette drogue comme nocive a chuté de 40%.

Moins consommé mais plus dangereux pour la santé, le cannabis est clairement au centre des préoccupations de l’ONUDC cette année. En détail, le rapport souligne que le pourcentage de THC, à savoir le principal composant psychoactif du cannabis, est passé d'environ 6% à plus de 11% en Europe entre 2002 et 2019, et d'environ 4% à 16% aux Etats-Unis entre 1995 et 2019. Enfin, le pourcentage d'adolescents percevant le cannabis comme nocif a diminué de 40% aux Etats-Unis et de 25% en Europe. Un constat amplifié par la pandémie du nouveau coronavirus. Toujours selon la même source, la plupart des pays ont signalé une augmentation de la consommation de cannabis pendant la pandémie.

Des enquêtes menées auprès de professionnels de la santé dans 77 pays, ont montré que dans près de la moitié de ces nations (42%), la consommation de cannabis avait augmenté. Il faut aussi noter qu’une augmentation de l'utilisation non médicale de médicaments a également été observée au cours de la même période. Et si l’ONUDC est tant préoccupé par la nocivité grandissante du cannabis, c’est parce qu'il est associé à une variété de méfaits, notamment sur la santé, en particulier chez les consommateurs réguliers à long terme.

Au vrai, les préoccupations et inquiétudes de l’ONUDC sont multiples. Entre 2010 et 2019, le nombre de personnes consommant des drogues a augmenté de 22% “en raison notamment de la croissance démographique mondiale”, explique ledit rapport. Et le pire est à venir. Car sur la base des seuls changements démographiques, les projections actuelles suggèrent une augmentation de 11% du nombre de personnes qui consomment des drogues dans le monde d'ici 2030, avec une hausse marquée de 40% en Afrique, en raison de sa population jeune et en croissance rapide.

En chiffres, les dernières estimations mondiales indiquent qu’environ 5,5% de la population âgée de 15 à 64 ans a consommé des drogues au moins une fois au cours de l'année écoulée. Le problème est que 36,3 millions de personnes, soit 13% du nombre total de personnes qui consomment des drogues, souffrent de troubles. “Une perception plus faible des risques liés à la consommation de drogues a été liée à des taux plus élevés de consommation de drogues”, constatent les auteurs du rapport. Et de rappeler “la nécessité de combler le fossé entre la perception et la réalité afin d'éduquer les jeunes et de préserver la santé publique".

La situation actuelle n’est pas le fruit du hasard. Plusieurs facteurs concourent à cet état de fait. A commencer par le Dark Web. Depuis une décennie, les marchés de la drogue y fleurissent. Ils représentent aujourd'hui un chiffre d'affaires annuel d'au moins 315 millions de dollars. Et l'innovation technologique rapide, combinée à l'agilité et à la capacité d'adaptation de ceux qui utilisent de nouvelles plateformes pour vendre des médicaments et d'autres substances, favorisent l'expansion de ce business illégal à un marché mondialisé où tous les médicaments sont plus disponibles et accessibles partout, à l’instar des optoïdes.

En effet, les deux opioïdes pharmaceutiques les plus couramment utilisés pour traiter les personnes souffrant de troubles de l'usage des opioïdes, la méthadone et la buprénorphine, sont devenus de plus en plus accessibles au cours des deux dernières décennies. En détail, la quantité disponible à des fins médicales a été multipliée par six depuis 1999, passant de 557 millions de doses quotidiennes à 3.317 millions en 2019. A la lumière de ces éléments, il paraît évident que les traitements pharmacologiques fondés sur des données scientifiques sont plus disponibles aujourd'hui que par le passé.

La pandémie aurait pu ralentir le marché de la drogue. Mais il n’en a rien été. Le nouveau rapport montre que les marchés de la drogue ont rapidement repris leurs activités comme si de rien était, en dépit de la perturbation initiale au début de la pandémie, déclenchant par conséquent certaines dynamiques de trafic préexistantes sur le marché mondial de la drogue. Comme par exemple des expéditions de plus en plus importantes de drogues illicites, une augmentation de la fréquence des itinéraires terrestres et fluviaux utilisés pour le trafic, un recours accru aux avions privés pour le trafic de drogue et une recrudescence de l'utilisation de méthodes sans contact pour livrer les drogues aux consommateurs finaux. Bref, le marché de la drogue a fait preuve d’une capacité d’adaptation quasiment inégalée. Les chaînes d'approvisionnement en cocaïne vers l'Europe en sont le reflet. Elles se diversifient, faisant baisser les prix et augmentant la qualité. Assez pour menacer l'Europe et le monde entier d'une nouvelle expansion du marché de la cocaïne.

Pour rappel, "le thème de la Journée internationale contre l'abus et le trafic illicite de drogues de cette année est "L'abus de drogue en parler, c'est sauver des vies", soulignant l'importance de renforcer la base de données factuelles et de sensibiliser le public, afin que la communauté internationale, les gouvernements, la société civile, les familles et les jeunes puissent prendre des décisions en connaissance de cause, mieux cibler les efforts de prévention et de traitement de la consommation de drogues, et relever les défis mondiaux en matière de drogues", conclut le rapport de l’ONUDC.

C.E


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