"In... inde... independència!", ont crié en catalan, dès jeudi soir à Barcelone, des milliers d'hommes et de femmes de tous âges, parmi les 485.000 Catalans inscrits pour tenir une place dans la manifestation.
Une interminable chaîne humaine devait envahir donc en fin d'après-midi une artère du nord de Barcelone, pour la "Diada", la "journée nationale de la Catalogne", qui avait déjà rassemblé plus d'un million de personnes en 2012, selon la police.
Mais cette année, la manifestation sera entièrement politisée et sécessionniste. Elle doit exprimer "la volonté sans équivoque d'obtenir un Parlement catalan de majorité indépendantiste", résume Jordi Sanchez, président de l'une des associations citoyennes qui l'organisent, l'Assemblée nationale catalane (ANC).
Le président du gouvernement de la Catalogne, l'indépendantiste Artur Mas (conservateur), a solennellement appelé jeudi soir les 5,5 millions d'électeurs catalans à décider le 27 septembre de "l'avenir politique" de leur "nation", en reprochant à Madrid d'avoir "ignoré" la "clameur pacifique" pour le droit à l'autodétermination de la région.
Pour la première fois, Mas et ses colistiers forment une large coalition indépendantiste, alliant son parti de centre droit et des formations de gauche. Ils présentent ce scrutin comme un plébiscite, pour ou contre leur projet de conduire la Catalogne vers la sécession, en 18 mois.
Depuis 2012, la région n'a eu de cesse de réclamer un référendum, sur le modèle des consultations sur la souveraineté du Québec (1980, 1995) et de l'Ecosse (2014) qui se soldèrent d'ailleurs par la victoire du "non".
Le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy (conservateur), a maintes fois répondu qu'il n'accepterait jamais un tel référendum régional, faisant valoir qu'il revient aux Espagnols, tous ensemble, de se prononcer sur l'unité du pays.
Après l'avoir ignoré ou minimisé, le Parti populaire (PP) qu'il dirige prend très au sérieux ce scrutin catalan qu'il juge "historique". La Catalogne n'a pas reçu, depuis longtemps, autant de visites de ministres et de responsables politiques, portant la bonne parole dans cette région représentant 19% du PIB de l'Espagne et responsable de 25% des exportations, au cœur de la Méditerranée.
Jeudi, à Barcelone, le ministre des Affaires étrangères Jose Manuel Garcia Margallo a surpris en ouvrant la porte à une réforme constitutionnelle donnant davantage d'autonomie à la Catalogne, notamment fiscale.
Artur Mas a en tout cas déjà gagné en mettant la Catalogne au centre des débats, à trois mois des élections législatives de décembre.
Le chef de l'opposition socialiste Pedro Sanchez s'y est d'ailleurs lui aussi déplacé, jeudi. Il se prononce régulièrement en faveur du "fédéralisme" en Espagne, assurant que sa formation serait la seule capable de rassembler les Espagnols.
La Catalogne a accumulé les rancœurs depuis 2008, sur fond de crise économique et de politique d'austérité. Elle n'a pas accepté qu'en 2010, le Tribunal constitutionnel rabote la large autonomie que lui avait accordée le parlement espagnol quatre ans auparavant, ni digéré que Rajoy refuse, en 2012, de négocier avec elle une autonomie fiscale.
Bon nombre des habitants observent avec inquiétude cette mobilisation, eux, qui se sentent Espagnols et Catalans et refusent que le pays soit un jour amputé de leur région, triangle de 32.000 km2 aux 7,5 millions d'habitants.