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L'arrivée de la télévision, renforcée par les médias électroniques, dénote ainsi l'entrée dans un nouvel ordre familial caractérisé par un nouveau statut de la circulation de l'information entraînant, comme conséquence, un réajustement majeur des catégories fondatrices de la hiérarchie traditionnelle comme les catégories d'enfant, d'adulte. Qu'est-ce qu'un enfant aujourd'hui à l'heure du numérique, du clavier, de la téléphonie mobile et de la multiplication des écrans?
On peut dire que, jusqu'à il n'y a pas longtemps, l'enfance pouvait se définir comme une exclusion du système informationnel adulte. L'enfant est celui qui ne sait pas, ou ne sait pas encore. C'est d'ailleurs un postulat transposable pour l'ensemble du champ social : la distinction entre les statuts sociaux se fonde principalement sur le cloisonnement des individus dans différents niveaux informationnels. L'information, c'est le pouvoir, a-t-on dit aussi. Dans le processus d'évolution biologique d'un être humain, passer de l'enfance à l'âge adulte se traduit aussi d'une manière ou d'une autre par l'accès, plus ou moins autorisé, à de nouvelles informations, à d'anciens secrets pendant que d'autres informations ou plutôt un autre niveau d'information demeurent inaccessibles : la somme et le type d'informations reçues participent à une mise en ordre sociale et font partie des critères de catégorisation.
L'image idyllique sur l'innocence enfantine était en partie fondée sur l'exclusion de la sphère informationnelle adulte. Des sujets délicats, adultère, divorce, criminalité…étaient en quelque sorte censurés dans les discussions familiales pour préserver cette "innocence". La télévision vient parasiter cette situation ; elle vient déchirer ce voile de pudeur en irriguant l'ensemble de l'espace familial par un faisceau d'informations à la portée de tous, sans distinction d'âge. Avant, les parents disposaient du monopole de la gestion de l'information qui circule au sein de la famille : le père et/ou la mère pouvaient contrôler les lectures des enfants, leurs fréquentations, leurs amis et leurs contacts extérieurs. Ce n'est plus le cas. Les parents doivent désormais faire face à une nouvelle concurrence, faite d'une multitude d'idées, d'images, de signes sur lesquels ils n'ont aucune emprise.
Ce qu'il faudrait souligner à ce niveau, c'est que la télévision, au sein de la famille, n'apporte pas seulement de nouveaux messages mais surtout un nouveau mode de circulation de l'information que je qualifierai de démocratique, au sens opératoire du mot, par opposition au mode que je dirai aristocratique spécifique au livre. Car le livre, ou le texte imprimé d'une manière générale, instaure, développe une hiérarchie quant à sa réception. Il y a des livres inaccessibles aux enfants.
Il y a des rayons de la bibliothèque familiale qui ne sont atteints qu'avec l'âge. Une distinction que la télévision tend à dissiper en rapprochant son public, en l'agrégeant dans une sublimation collective. Le j.t, moment informationnel par excellence, n'est-il pas reçu au moment des repas, quand toute la famille est réunie ? "Une famille occupée à lire peut être rassemblée dans une même pièce et répartie en univers informationnels distincts. Dans une famille disposant de plusieurs postes de télévision, enfants et adultes peuvent se trouver dans des pièces différentes et former tout de même une seule arène informationnelle", écrit Josua Meyrovitz, auteur d'une étude sur la télévision et l'intégration des enfants.
Au lieu de chercher à dissimuler cet état de fait ou le sublimer par divers subterfuges, il faut l'aborder de front comme une composante de l'environnement familial. Les parents doivent tout simplement s'adapter au nouveau statut de l'enfance, en reconnaissant qu'il n'y a plus de secret, ou presque, pour les enfants. Il s'agit alors de se préparer sans cesse à des questions, jugées jusqu'ici délicates.
Il faudra surtout préparer de nouvelles réponses. A l'instar de ce qui s'est passé dans certains foyers avec l'arrivée des nouvelles mathématiques qui ont pris au dépourvu des parents formés à l'ancienne école. Ce qui compte alors, ce n'est plus l'attitude à l'égard du contenu mais l'aptitude générale à poser un problème, à l'organiser. Face au circuit vertical de la circulation médiatique de l'information, instaurer des rapports horizontaux au sein de la famille. Ne pas réprimer la question, appeler à l'échange, au débat, réhabiliter le temps de la recherche, en renvoyant sans cesse à d'autres sources d'information : le journal, le magazine spécialisé, le dictionnaire, l'encyclopédie, la toile, le maître à l'école. La télévision se retrouve alors comme un stimulant de la vie intellectuelle au sein de la famille.