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La surchauffe ne fait que commencer, car ce «désengagement» concerne, en plus du Maroc, une vingtaine de pays africains, à l’exception de l’Afrique du Sud ! La grogne gagne le terrain partout sur le continent et personne n’est en mesure, pour le moment, de prédire l’issue de cette «aventure» de Shell.
Les propos tenus à Casablanca par Mohamed Phaldie Kalam, vice-président communication de «Shell Africa», holding qui supervise les activités de la multinationale sur le continent, n’étaient guère convaincants. Il s’agissait, expliquait-il, d’une «cession des activités» qui s’opérerait dans «le respect des droits sociaux et en conformité avec la législation nationale en la matière» !
Dépêché spécialement sur place pour apaiser les esprits, l’envoyé du géant pétrolier a présenté, lors d’un point de presse organisé par l’intermédiaire d’une agence de communication locale, les objectifs stratégiques de cette cession. «Le Groupe Shell, disait-il, veut réduire sa présence dans plusieurs pays pour se concentrer sur certains pays à large spectre de profitabilité». Pourquoi ? «Le capital est réduit et il ne faut pas le diluer sur plusieurs marchés», répondait-il. On n’en revenait pas. Comment une multinationale fort puissante, -financièrement s’entend-, à l’histoire rocambolesque certaine, serait-elle à court de liquidités ? De plus, pourquoi le Groupe Shell propose-t-il cette «grande transaction» en un «lot unique» voire 3 lots, selon les principales régions du continent (Afrique du Nord, Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale) ? N’est-ce pas là une «méthode» estampillée Shell pour narguer le sentiment des Marocains et défier le principe de «souveraineté nationale».
On s’interroge en effet sur la légitimité d’une telle opération et on doute même de la sincérité de la démarche du Groupe. En excluant de cette opération l’Afrique du Sud, le Groupe n’est-il pas en train de jouer «diviser pour régner», pour éviter que tout le continent se ligue contre lui ? Non, c’est faux, répondait M. Kalam. L’Afrique du Sud représente, à elle seule, la moitié du business du Groupe sur tout le continent ! Pas si sûr. Le représentant de Shell Africa ne donne pas de chiffres, pas le moindre repère non plus sur la dimension capitalistique de cette cession? Alléguant que Shell est une entreprise privée et qu’elle n’est pas tenue de rendre public son bilan. Bien qu’elle soit cotée sur les principales places financières internationales !
Mais, bien au-delà de ce manque de transparence, mais aussi de la relation douteuse avec le régime d’Apartheid et, à présent, le problème de la plus grave pollution du continent dans le Durban, sans oublier les déconvenues de la multinationale au Nigeria, l’initiative de Shell, telle qu’elle est conçue et scénarisée, repose aujourd’hui le problème des rapports des multinationales avec les pays en développement. Quelles sont les mesures, dans ce cas, pour éviter que ces groupes multinationaux s’emparent du beurre et de l’argent du beurre ? Y a-t-il une réglementation adaptée et appropriée, à l’échelon international et régional, pour obliger des groupes de la dimension de Shell à respecter les droits sociaux dans les pays d’accueil ? Le désengagement de Shell va-t-il favoriser une coopération forte entre les Etats africains en vue d’endiguer l’influence et la désinvolture du Groupe anglo-néerlandais ? L’on sait par ailleurs que les multinationales, parce qu’elles sont puissantes, font pression sur les gouvernements et les poussent à la surenchère.
Rien n’est impossible. Toutefois, au niveau national, nos officiels, troublés sans doute par cette sortie intempestive du géant pétrolier, tardent encore à montrer la voie, à désamorcer cette «bombe à retardement». Véritable bombe en effet, car elle remet au goût du jour le débat sur l’ouverture aux IDE -investissements directs étrangers- et l’indispensable indépendance politique et économique. Au fait, la question c’est de savoir «comment endiguer le pouvoir des multinationales et sauvegarder les bases de la souveraineté nationale». Il n’est certainement pas question de limiter ou de proscrire la présence de firmes transnationales, mais tout au moins de les forcer à respecter «l’intérêt national de la filiale avant la stratégie du Groupe». Pour nombre d’économistes et d’observateurs, seule une «présence d’actionnaires minoritaires» nationaux dans le tour de table des filiales est à même «d’obliger les groupes transnationaux à tenir compte de l’intérêt national du pays d’accueil».
Abdelouahed Kidiss
Et le droit au dividende ?
Créée au début du 20ème siècle, Shell du Maroc est une des premières entreprises opérant dans le secteur des carburants et lubrifiants. Se taillant la plus grosse part de marché après le Marocain Afriquia Group, la filiale marocaine du géant anglo-néerlandais brasse un chiffre d’affaires de près de 10 milliards DH et compte plusieurs prises de participations dans diverses sociétés de raffinage et de stockage. En plus des trois centres emplisseurs et de production de lubrifiants, la société dispose d’un réseau de distribution fort de 325 stations-services. De l’aveu même du top management du groupe, Shell du Maroc est l’une des premières filiales les plus profitables au monde. Au cours des 90 ans d’activités, l’entreprise devait engranger des bénéfices sur le dos des Marocains qui semblent aujourd’hui écartés de la distribution des dividendes de la richesse créée. Après «Mobil» et son rachat par Oilibya, le syndrome Shell, de par son offre « packagée », évaluée à plusieurs milliards de dollars américains, risque de laisser de graves séquelles.