Les cahiers des charges des médias publics entreront en vigueur le 1er septembre : Au Parlement, El Khalfi envoie la patate chaude au gouvernement


Narjis Rerhaye
Lundi 30 Avril 2012

Devant les députés venus en commission parlementaire de l’information, la culture et l’enseignement pour lui demander des explications sur les nouveaux cahiers des charges des médias publics, le ministre PJD de la Communication ne dira rien. Ou presque. Dans un interminable exposé de plus d’une heure et trente mn sur le mode des « meilleurs cahiers des charges que le Maroc n’ait jamais connus », Mostafa El Khalfi laissera échapper dans une demi-phrase ce que tous savaient mais dont ils attendaient confirmation : les cahiers des charges sont bien entre les mains du gouvernement. Personne n’en saura plus. Et ce vendredi 27 avril, la séance d’audition du ministre de la Communication devant la commission que préside la PPS Guejmoula Ben Abbi avait de forts accents kafkaïen.  M. El Khalfi a défendu bec et ongles son projet de programmation dans les télés et les radios publiques. « Je n’attends les remerciements de personne sinon de Dieu. La souveraineté informationnelle de notre pays vaut toutes les polémiques. J’assume mes responsabilités et si ces cahiers des charges étaient anti-constitutionnels, j’aurai été le premier à en demander la révision ».
Méthodologie, principes, référentiel, l’auteur des cahiers des charges a tout dit… sauf l’essentiel. Et l’essentiel étant que les cahiers des charges de la SNRT et de SOREAD-2M doivent repasser par la case « amendement ». Et depuis que le Roi a reçu le chef de gouvernement, accompagné des ministres Baha et El Khalfi, pour leur signifier l’impératif du  respect du pluralisme  que prône la Constitution, un silence assourdissant entoure le sort de ces cahiers des charges dont une partie devait entrer en vigueur demain mardi 1er mai.
Politiquement, le PJD a joué gros...et perdu.  En faisant de la réforme une question purement partisane et non pas gouvernementale,  les islamistes du gouvernement n’ont pas tenu compte de leurs alliés de la majorité dont ils ne peuvent, après coup, solliciter le soutien. El Khalfi est aujourd’hui invité à revoir sa copie. Sa famille politique aussi. Difficile de l’admettre publiquement d’autant que le ministre de la Communication –comme celui de la Justice d’ailleurs- a brandi, lors du débat sur le budget de son département, la menace de la démission s’il était dans l’incapacité de faire aboutir ses réformes.

El Khalfi prend ses distances sans le dire

« J’ai fait ce que j’avais à faire. J’ai préparé les cahiers des charges du pôle audiovisuel public en respectant la méthodologie réglementaire et la Constitution et après avoir obtenu la validation de la HACA. Aujourd’hui, les cahiers des charges sont entre les mains du gouvernement .» La déclaration du ministre de la Communication devant les députés doit être lue avec la plus grande attention.
C’est l’Exécutif qui hérite de la patate chaude. Si amendement il y a des cahiers des charges –et il y aura bel et bien rectification dans le sens du pluralisme- elle viendra du gouvernement. A l’évidence, M. El Khalfi qui avait fait de ces cahiers des charges une affaire personnelle  ne veut pas prendre le risque de se voir  accuser de reculade ou d’avoir cédé à une quelconque pression, oublieux du fait que la seule pression prise ici en considération est celle de l’opinion publique. Comment balayer d’un revers de la main ces acteurs politiques, ces associatifs,  ces professionnels qui se sont inquiétés de cette tentative de coup de force à la télévision ? Comment rester sourd devant ce débat sur la nécessaire indépendance des médias publics, un débat que ces nouveaux cahiers des charges sous forme de grilles des programmes ont  eu le mérite de soulever ? La posture du ministre de la Communication construite sur la base « ce n’est pas moi qui revient sur ces cahiers des charges mais le gouvernement » signifie bien que M. El Khalfi refuse d’écouter les clameurs du débat qui traverse la société.   Ce qui ne manquera pas de soulever la question de la gestion des amendements des cahiers des charges placés sous la tutelle d’un ministre qui donne l’impression de prendre ses distances avec toute révision de son projet.
Le dossier des cahiers des charges qui est aussi et surtout celui de la volonté de contrôle des télévisions publiques est le premier test grandeur nature du PJD, le parti qui conduit la majorité. Le bras médiatique des islamistes du gouvernement, le quotidien Attajdid que dirigeait, avant son destin ministériel, Mostafa El Khalfi avait fait de leur application un enjeu nodal de la réforme et du changement. Les accusations de résistance, de lobby contre la bonne gouvernance, de rentes médiatiques  sur fond de retour des vieux démons ont été pendant plus de 15 jours  la trame de fond des éditoriaux incendiaires de ce journal porte-parole du PJD.
Depuis une semaine, l’étrange réserve du chef de gouvernement et des ministres islamistes, pourtant champions de la communication et des informations fuitées pose question. C’est par Nabil Benbadallah, le leader du PPS et ministre de l’Habitat, invité jeudi sur le plateau de Médi 1 TV, que les Marocains apprendront la révision des cahiers des charges dont le contenu sera revu « à hauteur de 30% ».
Reste que les patrons des chaînes publiques n’ont pas été pour l’heure officiellement informés de ce report. Et selon nos informations, les équipes de la SNRT et de 2M sont à l’ouvrage afin que soit respecté le deadline du 1er  mai pour que soit appliquée une partie de ces cahiers des charges.
Mercredi 2 mai, El Khalfi revient devant les députés et la commission parlementaire de l’information. Il écoutera les interventions des groupes parlementaires qui avaient demandé sa convocation pour lui faire prendre conscience comme le rappelle le député usfpéiste Hassan Tariq, de l’impérieuse distance qui doit être observée entre la tutelle d’un département, la communication, et la gestion d’un secteur, ici celui de l’audiovisuel.


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1.Posté par ouchen le 30/04/2012 20:15
Faut-il lier l’histoire de ces cahiers des charges aux échéances électorales qui pointent à l’horizon ?
Je pense que l’enjeu de ces élections nécessite un remplissage assez fort de la part du PJD pour qui le risque de ne pas réaliser un score qui marquer sa primauté dans le paysage politique national est difficilement supportable.
En politique, tous les moyens sont bons, les maillons faibles et vulnérables sont largement exploités, les chasses aux sorcières ne peut que concrétiser dans certains esprits la traduction des slogans transparence te bonne gouvernance en actions réelles.
Les cahiers des charges, et le ministre lui-même, érigent l’indépendance des médias publics en principe inviolable alors que le chef du Gouvernement réclame à cor et à cri qu’il est le chef de ces médias et qu’ils ont failli à leur mission en opérant des montages « malsains » sur les couvertures télévisées de ses activités et ses discours. Pour cela, il n’hésite point à « téléphoner » au PDG du pôle pour lui dire que s’il n’est pas satisfait du fait qu’il son chef, il n’a qu’à ses troupes de reporters chez lui ! ( source : le journal Good.ma)
Le chef du Gouvernement va dans son acharnement contre le top management du pôle public audiovisuel jusqu’à souiller la dignité de tous les fonctionnaires de l’Etat qui selon lui se taisent par crainte de perdre leur emplois, et de se demander qui soutient les directeurs du pôle pour oser, sans crainte, exprimer des inquiétudes (et non des avis ou prises de positions) quant à la mise en œuvre des cahiers des charges.

Qu’est ce qu’on peut retenir de toute cette sortie médiatique ?
Une conception dégradante des commis de l’état qui ne sont que de pauvres bougres qui n’osent pas s’exprimer par peur, des lâches en quelque sorte,
Une immixtion et une volonté très claire d’asservir les médias publics pour en faire le média officiel du gouvernement et le porte parole de sa propagande, les cahiers des charges ne sont en fin de compte que des textes de littérature ou de la science fiction.
La cible évidente de ce discours sont les couches sociales en manque de défoulement sur tout ce qui leur parait hors d’atteinte, c’est logique, nous sommes dans un système libéral où cohabitent les riches et les pauvres, les intellectuels et les analphabètes, les modérés et les fanatiques, les progressistes et les réactionnaires et enfin les conservateurs et les modernistes.
Le PJD vise-les démunis, ils sont prédisposés à gober ses slogans et ses promesses, la religion aidant et il l’exploite à bon escients car elle sacrée et leurs interprétations sont les seules et uniques voies qui mènent au paradis.
Le mutisme des autres partis au gouvernement, excepté le PPS qui se sent vexé à cause de ses propres cahiers des charges qu’on taxe implicitement de défaillants, le MP et le PI jouent au spectateur. Leur silence est stratégique et puis ils ne veulent pas se mouiller avec le PJD et prendre le risque de perdre leur électorat pour les beaux yeux du Ministère de la communication, affiche une urgence nerveuse à passer ses cahiers des charges en touchant à travers eux un large électorat difficile à convaincre par des slogans relatifs à l’emploi, la santé et la lutte contre la précarité sociales déjà usé à force d’être exploités pendant les législatives.
L’opposition doit être conscient du fait qu’on voulant éterniser ce faux débat sur les cahiers charges ne fait qu’aider le PJD dans sa campagne prématurée tout en donnant crédit à ses allégations et son repli derrière ce qu’il appelle « poches de résistance » justifiant son laxisme et soin incompétence qui commencent à prendre forme.

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