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On s’en souvient le 2 juin dernier, les Sages, plus que jamais gardiens du temple audiovisuel, rendaient publique leur décision n°35-10 relative à l’émission «Mag Mars» diffusée sur «Radio Mars». L’édition du 31 mai avait pour invité le cinéaste décalé Hicham Ayouche qui se prêtait au jeu de l’autoportrait chinois. «Si vous étiez un espoir ?» lui demande l’animatrice du Mag Mars. «Ah c’est beau la présidence de la république du Maroc !», répond le jeune Ayouche, celui-là même qui s’était déjà fait remarquer grâce à sa voiture bariolée sur laquelle on pouvait lire «Vive moi !» et qui n’était pas du tout au goût des autorités.
Panique à Radio Mars qui s’empresse de lire à l’antenne un communiqué, en arabe et en français, condamnant les propos du cinéaste qui sont qualifiés «d’irresponsables et irrévérents envers les constantes du Royaume». Mieux encore, l’émission disparaît de la grille.
C’est le branle-bas de combat au sein de la HACA dont les membres tiennent réunion dans l’urgence. L’émission en question est écoutée avec la plus grande des attentions. Les propos de Hicham Ayouche sont décortiqués et la prestation des animatrices passée à la loupe.
Le verdict des Sages tombe comme un couperet : la société éditrice du service radiophonique «Radio Mars» est condamnée à une suspension totale du service radiophonique durant 48 heures et à une sanction pécuniaire dont le montant s’élève à 57.000 dhs. Pour ceux et celles de la Haute autorité, il y a sans conteste atteinte aux constantes de la Nation, telles que définies par la Constitution. En clair, la réponse de Hicham Ayouche a porté atteinte à la monarchie et l’article 6 du cahier des charges de l’opérateur relatif à la maîtrise de l’antenne n’a pas été respecté.
La justice doit être le seul recours
Entre condamnation et censure, les Sages ont donc choisi la fermeté. «La décision n’a pas été simple. La HACA devait envoyer un signal fort. Des constantes ont été touchées et le cahier des charges est sans ambiguïté à ce sujet : on ne touche pas à l’Islam, à l’intégrité territoriale et à la monarchie. Il nous fallait un message fort pour éviter toute forme de surenchère radiophonique. L’expérience de la libéralisation est encore fragile. Notre responsabilité est aussi de préserver cet acquis. De tels dérapages comme celui de Radio Mars peuvent donner raison à tous ceux qui sont contre l’ouverture de l’espace audiovisuel», explique sous le sceau de l’anonymat un Sage du CSCA.
Et quel sort a été réservé aux animatrices de ce Mag Mars ? On ne le sait pas encore. En tout cas, les Sages, eux, ont qualifié leur délit : «Les animatrices n’ont fait preuve d’aucune maîtrise de l’antenne, tel qu’il est stipulé dans le cahier des charges de Radio Mars»
La récréation est-elle finie ? Le printemps des radios libres est-il en train de s’assombrir ? La libre antenne est-elle désormais condamnée à l’autocensure ? Les questions se bousculent et comme le fait remarquer Khalil Hachimi Idrissi dans son éditorial paru lundi sur les colonnes d’Aujourd’hui le Maroc, en se saisissant de tous les sujets qui poseraient problème dans les médias, «la HACA devient par sa propre nature une instance normative qui juge, définit, tranche, légifère, valide, censure, relit, reformule, produit du sens politique, juridique ou social dans le pays. Elle devient la gardienne d’un projet de société produit uniquement par ses propres délibérations qui elles-mêmes sont enclenchées par ses propres auto-indignations variables».
«Ne pas façonner de nouvelles créatures»
En tout cas, cette décision est accueillie de manière mitigée par le personnel politique. Pour cette source proche de l’USFP, «la justice doit être le recours en premier et dernier ressort». «La justice est le véritable rempart contre tous les dépassements volontaires ou involontaires. Dans le Maroc d’aujourd’hui, il faut instaurer une nouvelle culture, la culture du droit, seule capable de définir et de garantir la pérennité de nos institutions», soutient ce dirigeant du parti de la Rose.
Les gardiens du temple de l’audiovisuel sont-ils en train de s’ériger en censeurs? C’est en tout cas la crainte du dramaturge Mohamed Kaouti. Pour ce militant du PPS et président de la Mutuelle nationale des artistes, la HACA est certainement une cellule de veille et de sauvegarde des valeurs de la Nation, mais elle doit aussi et surtout jouer un rôle de régulateur de l’espace audiovisuel, trancher dans les différends entre opérateurs, préserver l’équilibre économique de l’espace audiovisuel. «Ce qu’ils ne sont pas en prenant une décision comme celle à l’encontre de Radio Mars. Les Sages n’ont visiblement aucun sens de l’humour bien que je n’abonde absolument pas dans le sens de Hicham Ayouche. Il ne fallait pas accorder une si grande importance à de tels propos. C’était juste du mauvais humour. Avec une telle condamnation, les Sages sont en train de façonner des créatures. Maintenant on aura ceux qui osent et ceux qui seront présentés comme des béni-oui-oui du politiquement correct. On n’en avait vraiment pas besoin», s’exclame M. Kaouti.
Humour ou pas, les propos du cinéaste Hicham Ayouche n’ont pas du tout fait rire le PJD Lahcen Daoudi. Pas question pour ce dirigeant islamiste de laisser ouvrir une nouvelle brèche. «La HACA est dans son rôle. Ce genre de réponses est totalement déplacé dans le contexte qui est le nôtre. Cela peut porter atteinte à la stabilité du pays. On touche déjà l’Islam, à l’intégrité territoriale sous couvert des droits de l’Homme et maintenant la monarchie. C’en est assez. Où allons-nous ? Les Sages devaient envoyer un signal fort. Soit nous avons des fondamentaux, soit nous n’en avons pas », s’indigne L. Daoudi.
De toute évidence, le débat ne fait que commencer. Ce dirigeant du PSU, lui, a déjà tranché. «La Haute Autorité de la communication audiovisuelle n’est qu’un instrument supplémentaire pour procéder à la censure de la vie politique et médiatique», conclut Mehdi Lahlou.