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Le triomphalisme de Mostafa El Khalfi est lourd de sens. D’abord le ministre islamiste prouve, s’il en était encore besoin, que c’est lui et son ministère qui ont mené la danse dans cette affaire de censure. Quelques jours après l’interdiction d’Exodus décidée suite à la pression du représentant du département de la communication au sein de la commission de visionnage, El Khalfi avait twité tout le bien qu’il pensait de l’interdiction de «Exodus». Applaudissant des deux mains, il exultera le temps de 5 tweets dont deux donnent sérieusement à réfléchir sur la grille de lecture imposée aux cinéphiles et à la culture de manière générale. «La décision prise à l’unanimité par la commission a été motivée par le fait que le film comprend une scène qui représente Dieu (…)La foi des Marocains ne peut faire l’objet de marchandage et ce qui pourrait porter atteinte à la sécurité du pays ne peut être toléré», écrit le porte-parole du gouvernement. «Tous ceux qui ont vu le film le savent. Exodus ne comprend aucune scène qui personnifie Dieu. Et on apprend à la fin du film que l’enfant qui dit à Moïse «je suis» est en fait un messager. M. Khalfi condamne une œuvre cinématographique qu’il n’a pas vue. Et, plus grave encore, en convoquant la foi des citoyens de ce pays, il se place dans une posture religieuse qui est loin de correspondre à ses fonctions ministérielles», soupire cette réalisatrice.
Pourquoi Ridley Scott a-t-il cédé ?
Ridley Scott cède et coupe 7 secondes de son «Exodus», titre la presse amie des islamistes au pouvoir. L’utilisation des ciseaux –même avec la bénédiction du réalisateur Ridely Scott»- est une victoire de la foi des Marocains et de leur sécurité ? Mostafa El Khalfi a-t-il eu finalement raison de censurer un film qui a d’abord été autorisé avant qu’il ne soit retiré ? Pas vraiment. En acceptant qu’Exodus soit amputé ne serait-ce que d’une seconde –car c’est une seconde de liberté en moins-, c’est accepter de placer en liberté conditionnelle une création. «En délivrant le visa d’exploitation à Exodus qui est interdit au moins de 16 ans et après avoir retranché la scène de l’enfant, on a fait de tous les Marocains et Marocaines des mineurs de moins de 16 ans. En fait, les Marocains sont aujourd’hui sous la tutelle du CCM et du ministère de la communication. M. El Khalfi a-t-il le droit de conditionner les citoyens en décidant de ce qui est bon ou pas pour eux?», s’indigne cette activiste sur les réseaux sociaux.
Reste enfin la question que le ministre Pjdiste de la Communication ne s’est certainement pas posée. Pourquoi Ridely Scott a-t-il accepté de retrancher 7 secondes de son péplum, coupant une séquence qui, au final, est loin de porter atteinte «à la foi des Marocains»? «Ce n’est certainement pas au Maroc qu’il va faire fortune, vu le nombre réduit de salles de cinéma que compte le pays», ironise ce critique de cinéma avant de poursuivre : «Ce ne sont pas ces 7 secondes où Khalfi a cru voir Dieu qui sont importantes pour le réalisateur d’Exodus mais sa version à lui de l’histoire des pharaons et de la construction des pyramides qui lui importe. C’est la raison principale pour laquelle le film a été interdit en Egypte et d’autres pays arabes. En coupant une scène dérisoire somme toute, c’est sa lecture à lui de l’histoire pharaonique qui pourra être vu au Maroc, un pays musulman. Ailleurs on appelle cela de l’entrisme». Et cela le ministre de la Communication ne l’avait pas prévu. La censure n’a jamais été bonne conseillère…