Les 100 jours du gouvernement Benkirane II

Les ratages n’ont pas attendu la fin du délai de grâce


Narjis Rerhaye
Lundi 20 Janvier 2014

Les 100 jours du  gouvernement Benkirane II
Passés les 100 jours du gouvernement Benkirane II,  les langues n’en finissent pas de se délier. Le remaniement qui a consacré l’entrée en force d’un parti de l’opposition, le Rassemblement national des indépendants, a fait long feu. Ou presque.  «La chronique des ratages a commencé !», s’exclame avec ironie ce député de l’Union socialiste des forces populaires. 
Dans le camp de l’opposition, on n’en finit de faire et défaire la longue liste des défaillances, dysfonctionnements et ratages de la coalition au pouvoir. C’est  la loi de Finances pour l’exercice 2014 qui a catalysé tous les signes extérieurs d’une politique au moins impopulaire du gouvernement conduit par les islamistes du PJD. «C’est un budget de grande austérité que le ministre RNI des Finances a présenté, une loi de Finances  qui privilégie les équilibres financiers au détriment des couches sociales défavorisées et même  de la classe moyenne. Par l’austérité qu’il prône, ce budget va avoir des répercussions négatives sur le pouvoir d’achat. Les Marocains n’ont pas d’ailleurs échappé à une augmentation des prix des produits de première nécessité pour cause d’une  hausse de la TVA prévue dans cette loi de Finances 2014. Quant aux secteurs sociaux, ils n’ont eu droit qu’à des mesurettes», résume ce parlementaire de l’opposition. 
C’est à la Chambre des conseillers que le  gouvernement Benkirane a connu son premier grand raté. Les parlementaires de la Chambre haute ont en effet fait tomber le budget, l’obligeant à une deuxième lecture à la Chambre basse.  «Une première dans l’histoire parlementaire marocaine qui devrait faire réfléchir Benkirane et ses ministres. Le précédent est suffisamment grave pour donner à réfléchir et rectifier le tir», fait remarquer ce membre fondateur du Parti authenticité et modernité.   Une loi de Finances par qui le marasme économique ne fait que commencer, à en croire cet économiste dont le cœur bat à gauche. Exemple, les taxes imposées aux billets d’avion et  qui n’en finissent pas de faire couler beaucoup d’encre jusque dans les cénacles internationaux du transport aérien. 
Le cabinet Benkirane II n’a pas attendu le délai de grâce pour inaugurer ses premiers ratés. C’est Bassima Hakkaoui, la ministre PJD de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social, qui a ouvert le bal dès le début du mois de novembre  en présentant en Conseil de gouvernement son fameux  projet de loi 103-13 relatif à la lutte contre les violences faites aux femmes. Un projet élaboré dans une étrange clandestinité, loin de l’implication du mouvement féminin  mais fort du soutien du ministre de la Justice. «Le projet de loi présenté et défendu par cette responsable gouvernementale battant pavillon PJD  associe l’enfant à la femme victime de violence. La quasi majorité des 17 articles qui composent la loi, font référence à «la femme et l’enfant …qui». Du harcèlement moral sur le lieu de travail à la violence économique, l’enfant est étroitement lié à la Marocaine qui en serait victime.  Comment peut-on associer femmes et enfants ? Les droits des enfants procèdent d’une approche qui leur est spécifique et doivent faire l’objet de mesures qui leur soient propres. Ce département mélange les genres. Et le risque au final est que ces mesures proposées ne profitent ni aux femmes ni aux enfants», explique cette militante des droits des Marocaines. Le tollé est général, y compris à l’intérieur du gouvernement.  Résultat, le projet de loi de lutte contre la violence faite aux femmes n’a pas été adopté en Conseil de gouvernement. Il est désormais entre les mains d’une commission ministérielle présidée par le chef du gouvernement himself.  «Bassima Hakkaoui, elle, a beau positiver, c’est son premier désaveu public. Elle a été invitée à revoir sa copie. Et pour ce faire, elle ne sera pas seule. Cette ministre le fera sous le contrôle de ses collègues qui forment la commission», fait remarquer cette ministre visiblement plus rassurée.
 
Ouzzine, Louardi, 
Benkirane : la longue 
liste des ratés
Autre ministre, autre couac,  la reculade du ministre de la Santé sous le mandat duquel le temps plein aménagé des médecins du public est revenu au galop et de plus belle après qu’il a essayé de l’interdire. Et ce n’est pas tout. Dès sa reconduite au sein de l’Exécutif remanié, Houssein Louardi a été confronté au rapport explosif élaboré par le très officiel Conseil économique, social et environnemental sur «Les soins de santé de base : vers un accès équitable et généralisé» et dont le principal enseignement réside dans le fait que la santé est loin d’être un droit pour tous et que les Marocains ne sont toujours pas égaux dans l’accès aux soins.
Le diagnostic du CESE que préside l’Istiqlalien Nizar Baraka est inquiétant. Politiquement, il risque aussi d’être très coûteux pour le gouvernement Benkirane. Au Maroc, les personnes démunies tombent plus souvent malades et ont une espérance de vie moins longue.  Quelques semaines plus tard, c’est au tour du ministre de la Jeunesse et des Sports d’être au cœur de la polémique avec  le ratage de l’ouverture de la Coupe du monde des clubs champions, une manifestation qui ne verra pas les 150.000 supporters censés venir des quatre coins du monde. «Mohamed Ouzzine ne devra son salut qu’à l’inattendue épopée du Raja arrivé en finale. Sinon on se serait longtemps souvenu du folklore bas de gamme qu’il nous a imposé devant les caméras du monde entier», soupire ce journaliste sportif.
Mais c’est grâce à ses dérapages verbaux que le chef du gouvernement a volé la vedette à tous ses ministres. L’accusation de Benkirane relative aux appartements parisiens de Yasmina Baddou a mis mal à l’aise les alliés de la coalition gouvernementale. «Cela s’est ressenti jusque dans les travaux en Conseil de gouvernement. Nous étions nombreux à avoir moyennement apprécié cette  folle sortie du chef du gouvernement du haut de la tribune parlementaire. Et nous le lui avons fait savoir», confie ce ministre sous le sceau de l’anonymat.  Depuis, témoigne notre source gouvernementale, ceux du PJD affichent un profil bas en Conseil de gouvernement.



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